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L’impact du Covid-19 sur les Finances Publiques

 

 Bruno Le Maire déclarait début avril à l’occasion d’une audition par la commission des affaires économiques de la chambre haute que se profilait « la pire récession depuis 1945 ». Ces mots forts alertent sur l’ampleur de la crise qui se profile dans les mois à venir alors que l’Europe entrevoit seulement les premiers déconfinements et que de nombreuses questions restent en suspens. Alors que les enjeux des finances publiques étaient jusqu’alors centrés sur une volonté d’équilibre, le covid-19 a profondément bouleversé les préoccupations économiques jusqu’à la levée des plafonds du pacte de stabilité et de croissance, signe que la volonté de réduction du déficit et de la dette est à l’heure actuelle bien loin des préoccupations politiques. 

 

Les impacts à court terme, entre augmentation de la dette et explosion du déficit

Les chiffres annoncés dans les médias sont certes souvent disparates mais ils n’en demeurent pas moins vertigineux. La dette devrait atteindre les 115% quand le déficit pourrait dépasser les 9% du PIB. 

En mars, la première loi de finances rectificative (LFR) annonçait 3,9% de déficit tandis que la loi de finances (LF) pour 2020 tablait sur 2,2%. Ces évolutions sont signe de la réduction progressive mais surtout soudaine de l’activité économique. 

Cela s’observe ainsi davantage avec les chiffres de la croissance. En effet, la loi de finances pour 2020 avait prévu une croissance de +1,3% tandis que la première loi rectificative avançait -1,0%. Enfin, la seconde loi de finances rectificative votée le 17 avril 2020 annonçait -8,0%. Ces lois rectificatives, qui, lorsqu’elles sont utilisées en cours d’exercice, visent à adopter la politique budgétaire à la conjoncture économique, témoignent ici de la chute progressive et vertigineuse de l’économie face au covid-19. Le mardi 22 avril dernier, Gérald Darmanin annonçait que le déficit de la Sécurité Sociale prévu pour 2020 serait de 41 milliards d’euros. Le ministre de l’action et des comptes publiques, qui doit en plus faire face au début de la période des déclarations d’impôt, a qualifié ce déficit de « jamais-vu », devant la commission des affaires sociales du Sénat. En effet, cette somme dépasse largement les 28 milliards d’euros atteints en 2010 au plus fort de la crise des subprimes, et qui restait jusqu’ici le record atteint par la sécurité sociale comme le relevait François Berguin dans un article du monde le 23 avril. Le déficit anticipé pour 2020 était de 5,4 milliards d’euros, ce qui explicite toujours un peu plus l’impact considérable du coronavirus mais aussi et surtout son caractère inattendu et brutal. Au-delà des administrations publiques, la plupart des secteurs d’activité voire quasiment leur totalité est impacté par le virus. Il est vrai que dans certains secteurs économiques, les conséquences s’exposent déjà à vue d’œil. S’il est souvent fait état des lieux de réunion comme les bars ou les restaurants à travers les médias, le secteur culturel est par exemple lui aussi gravement touché. Le virus semble en effet compromettre les habitudes estivales, or, il s’agit de la saison la plus prolifique pour ce secteur avec notamment les festivals ou encore le cinéma et le théâtre remis au centre des activités grâce aux vacances scolaires. Franck Riester, le ministre de la culture déclarait ainsi au journal le Monde « le coût de cette crise pour le secteur culturel va se compter en milliards d’euros ». 

 La crise sanitaire a forcé l’État à opérer une réorientation de ses fonds vers des points clé afin de maintenir l’économie à flot. Ainsi, à la manière d’une hémofiltration, qui est une opération visant à refroidir le corps pour que celui-ci se concentre sur les organes vitaux, l’État s’est vu contraint de réduire drastiquement le financement de certains secteurs pour concentrer les flux financiers sur les principaux piliers économiques. Ainsi Sharon Wajsbrot titrait dans les Echos « le financement des énergies renouvelables fragilisé », expliquant que l’équation était difficile à résoudre pour l’État entre besoin énergétique et amenuisement des ressources face à la crise sanitaire.

 

Des impacts à plus long terme, perspective d’une crise d’ampleur et d’une récession historique

Lors de son audition par la commission des affaires économiques de la Chambre Haute, Bruno Le Maire qualifiait la crise à venir de « vertigineuse », comparable « à la crise de 1929 ». Ces mots laissent présager le pire quant aux bouleversements économiques auxquels le monde devra inévitablement faire face dans les mois voire les années à venir. Ainsi, il est déjà crucial de mettre au clair non plus seulement les enjeux à court terme mais aussi les conséquences tendant à s’étendre dans le temps. Dans un article du 21 avril, Forbes France alerte sur les nouveaux enjeux financiers dus à cette crise. Michel-Henry Boucher, auteur de l’article, alerte d’abord sur la nécessité de protéger à la fois les acquis sociaux et le pouvoir d’achat sans quoi il sous-entend que la relance pourrait être difficile à mettre en œuvre. En reprenant la référence à la crise de 1929, comme le ministre de l’économie, l’article met en avant l’importance d’empêcher une répétition des conséquences de 1929 qui avait été « le terreau des régimes extrémistes », sachant que beaucoup de pays d’Europe constataient avant la crise du covid-19 une forte poussée du nationalisme à laquelle la France n’a pas échappée. De plus, la bonne gestion du virus en Autriche a conduit à renforcer le chancelier conservateur, signe que le nationalisme peut être une menace à ne pas ignorer. Ici, les finances publiques devront donc jongler entre le besoin de financement et une demande d’ordre limitée afin que celle-ci ne produise pas des effets semblables à ceux rencontrés il y a aujourd’hui plus de 90 ans. Enfin, le professeur de Skema s’inquiète des agences de notation, titrant d’ailleurs « Covid-19 et Pavlov : il faut toujours se méfier des agences de notation ». En effet, en 2008 la dégradation importante des dettes des États avait vu les agences de notation abaisser la note de nombreux États. Ainsi la France n’avait pas été épargnée tout comme les États-Unis avec la perte du triple A pour les deux nations. Cette notation due à l’emprunt des États sur les marchés internationaux et ayant pour but d’indiquer le niveau de solvabilité des États a déjà fait des victimes. Douze pays ont d’ores et déjà été déclassés dont la Royaume-Uni, l’Afrique du Sud ou encore le Liban et douze autres font partie d’une série de révisions négatives comme l’Australie. 

Début 2020, Audrey Tonnelier expliquait dans un article du Monde que « 2020 sera pire que 2009 ». Cet article interpelle sur le fait que de nombreuses références historiques sont établies, de 1929 à 2008 en passant par 1945 et les années 1970, la crise de 2020 est présentée par son caractère inattendu et dévastateur comme un raz-de-marée que les finances publiques devront intelligemment et méthodiquement combattre pour éviter un possible effondrement ou au moins le limiter. 

 

Des mesures d’urgence : entre retour du Keynésianisme et solidarité 

Le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron dérive du discours du Mario Draghi du 26 juillet 2012 avec « whatever it takes », alors que le Grèce est au bord de la sortie de l’Euro, le gouverneur veut sauver la monnaie à tout prix. Cette fois le chef de l’État a pour objectif de sauver l’économie française mal embarquée face à la crise qui se profile. Des aides d’urgence ont ainsi été rapidement mises en place avec notamment 150€ supplémentaires pour les personnes inscrites au RSA et 100€ de plus par enfant dans le cadre des allocations familiales. Quatre millions de foyers seront concernés par ces mesures à partir du 15 mai. Cette crise a marquée l’habituel retour du Keynésianisme en temps de crise avec notamment le mise en place d’un vaste plan d’urgence en soutien à l’économie disposé dans la loi rectificative votée en Avril. Les grands apports de l’État s’observent surtout au sein des deux lois rectificatives (LR) votées en mars puis en avril. La première loi rectificative du 23 mars 2020 a d’abord mis en place un plan d’urgence de 45 milliards pour soutenir l’économie. La nouvelle LR du 17 avril 2020 est venue étendre la première en doublant le plan de soutien le faisant passer à plus de 110 milliards d’euros. Deux milliards d’euros ont été ajoutés par des amendements prévoyant l’extension du chômage partiel à compter du 1ermai, l’achat de masques et de machines de confection, le soutien aux zoos, refuges et cirques, pour la continuité des soins des animaux, et enfin un soutien aux entreprises industrielles avec un plan de 500 000 millions d’euros pour les entreprises employant entre 50 et 250 salariés. Un fonds de 20 Milliards d’euros a été mis en place pour faire participer l’État dans des entreprises stratégiques. L’urgence s’est également focalisée autour du chômage avec 24 milliards d’euros débloqués pour financer le chômage partiel qui concerne environ 9 millions de salariés. Capital titrait cependant le 20 avril dernier : « le chômage partiel n’empêchera pas le chômage », signe de la nécessité de protéger l’emploi. L’État providence ne s’arrête pas là, puisque depuis quelques semaines la notion de nationalisation a refait son apparition. La commission européenne a d’ores et déjà autorisé la France à octroyer un soutien de 7 milliards d’euros à Air France dont 4 milliards de prêts bancaires. Bruno Le Maire annonçait dans une conférence de presse téléphonique : « Je n’hésiterai pas à employer tous les moyens qui sont à ma disposition pour protéger les grandes entreprises françaises. Cela peut passer par la capitalisation ou une prise de participation. Je peux même employer le terme de nationalisation si nécessaire. ». Ces annonces rejoignent ainsi la volonté de tout mettre en œuvre pour sauver l’économie exposée à plusieurs reprises par Emmanuel Macron et synthétisée dans l’expression « quoi qu’il en coûte ». Il est donc fort probable que le sauvetage des fleurons économiques français s’opère par une nationalisation temporaire, l’express révélait d’ailleurs une liste des possibles bénéficiaires le 15 avril : Renault, Airbus, Accor, Club Med voire même ADP. Ce processus est également opéré dans des États frontaliers, l’Italie se prépare à investir 3 milliards d’euros dans la compagnie aérienne Alitalia, alors que dans le même temps, l’Allemagne se prépare à la nationalisation de Lufthansa, également dans le secteur aérien, mondialement touché par la crise.

 

Une volonté européenne de « relance verte »

La crise pose naturellement la question de la relocalisation notamment dans les secteurs stratégiques comme le médical ou encore l’automobile. En effet, la délocalisation de la production de masques en Chine a placé la France dans une situation complexe face aux besoins urgents. Si en 2008 la relocalisation avait répondu à un besoin d’emplois signant le retour du « Made in France », 2020 pourrait observer une consécration du « Made in Europe ». Il est envisageable que cette relocalisation ne soit pas exclusivement nationale mais s’observe davantage à l’échelle européenne. Cela s’explique par la volonté de ne pas freiner brusquement la mondialisation mais aussi et surtout d’éviter une montée du sentiment de nationalisme, comme en 1929. De plus, la relocalisation pourrait entrer dans une démarche de renouvellement de l’Union Européenne tournée vers la transition écologique en témoigne les nombreux appels pour une restructuration de l’économie dans un modèle « vert » au sein de l’Europe. 

Dans un livre publié le 5 mai dans la série « Tract de Crise » de Gallimard, Bruno Le Maire appelle à une relance verte : « la relance économique doit être une relance verte », affirmant que la crise « offre une chance unique de redéfinir notre propre modèle économique, national et européen ». Le ministre va même jusqu’à fixer d’importants objectifs : « il nous appartient d’accélérer la transition écologique pour faire de notre économie la première économie décarbonée de la planète. ». 

En reprenant le cas d’Air France, il est observé que la compagnie aérienne devra en contrepartie du prêt de l’État, réduire ses émissions de CO2 de 50% sur ses vols domestiques d’ici 2024. De plus, l’entreprise devra engager une réflexion en France sur son réseau lorsque des alternatives ferroviaires sont possibles pour des trajets de moins de 2h30. 

Cette idée de relance verte n’est pas exclusive à la France mais provient davantage d’une volonté européenne globale. Pour permettre le « quoi qu’il en coûte », il faut inévitablement faire appel à la Banque Centrale Européenne (BCE), celle-ci annonçait d’ailleurs le 18 mars racheter 750 milliards d’euros de dette publique et privée d’ici la fin de l’année. Les États sont donc tous tournés vers la BCE dans le but de déceler quels seront, à moyen terme, les choix européens pour contenir la crise par les politiques monétaires et budgétaires. L’idée d’utiliser le levier écologique pour relancer l’économie est ainsi émise par les décideurs européens s’installant dans le pas initié avant la crise du Covid-19 notamment avec le « pacte vert ». Paolo Gentiloni, commissaire européen, avait en effet fait adopter des dispositions vertes au sein du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC), afin de pousser les États à la relance par la transition écologique. Les Échos relayait cette volonté le 5 mai : « Les appels pour une relance verte se multiplient », avançant qu’une étude de l’université d’Oxford affirmait que des plans massifs d’investissements publics « verts » seraient le moyen le plus efficace pour relancer les économies. Cette volonté européenne pourrait d’ailleurs avoir pour effet de convaincre l’Allemagne, jusqu’ici réticente à participer financièrement aux plans de crise européens, sachant qu’elle est l’une des figures de proue de l’écologie européenne, notamment par sa volonté d’abandon du nucléaire. 

Cette idée amène presque à envisager le fait que dans le cas où la relance verte venait à se concrétiser à grande échelle, elle pourrait projeter les finances publiques dans une nouvelle aire, quittant la volonté d’équilibre des Finances Contemporaines pour organiser l’économie autour d’un axe commun : l’écologie. 


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9 réactions à cet article    


  • rogal 10 septembre 2020 10:23

    « projeter les finances publiques dans une nouvelle aire »

    Après le quaternaire, le coronaire ?


    • bouffon(s) du roi bouffon(s) du roi 10 septembre 2020 10:55

      « Cette idée de relance verte n’est pas exclusive à la France mais provient davantage d’une volonté européenne globale »

      Allez lire les cahiers de politique économique de l’OCDE, tout est dit ... prévu ! ^^


      • binary 10 septembre 2020 12:20

        On peut être sûr que le bilan colorimétrique d’une « nouvelle ère économique verdouillante », va être de multiplier les lignes écrites en rouge sur les bilans comptables.


        • Odin Odin 10 septembre 2020 13:28

          Bonjour,

          « signe que le nationalisme peut être une menace à ne pas ignorer »

          Je me suis arrêté de lire à cet endroit en raison du relent de type pastèque de cet article.


          • zygzornifle zygzornifle 10 septembre 2020 14:59

            Comme Griveaux je m’en br... , je suis retraité au seuil de pauvreté , si ça va mal on prendra les armes pour se faire les vautours ....


            • yoyo 10 septembre 2020 17:13

              « L’impact du Covid-19 sur les Finances Publiques »

              Non, un titre plus juste aurait été : « L’impact des mesures délirantes prétextées par le Covid-19... ». Pour rappel :

               aucun manuel de médecine ou de sécurité publique ne prévoyait de confinement généralisé. On teste et confine les malades, pas tout le monde.

              la crise était déjà amorcée avant que le Covid ait un impact notable.

              dès le mois d’avril, les chiffres montraient que cet épisode saisonnier n’avait pas une ampleur particulière ne pas oublier que la moitié des morts ont eu lieu en EHPAD où on a laissé crever nos vieux (Rivotril !).

              alors que le nombre de décès est au plus bas depuis des mois, masques obligatoires partout.

              Bref, c’est l’entretien de la peur généralisée qui amplifie monstrueusement cette crise économique cyclique, et par ricochet, les finances publiques. Finances déjà bien mises à mal par les changements successifs de la fiscalité sur les dernières décennies, avec les impôts sur les bénéfices passés de 50% à bientôt 20%.


              • yoyo 10 septembre 2020 17:15

                @yoyo
                Et le caractère cycliques des crises avait déjà été décrit en détail en... ...1862 !
                Voir Clément Juglar : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9ment_Juglar


              • Xenozoid Xenozoid 10 septembre 2020 17:34
                L’impact du Covid-19 sur les Finances Publiques


                c’est le virus qui a fait tous ça ? wow  c’est un super virus qui détruis tout, même les mensonges,il va gagné car il est intelligent il va se greffer aux virus windows et vas bientot parlé en binaire....Amen,et avec l’impact de la connerie on en fait un camp de concentration....finances publiques ,muhaha !!!!!!!!!!!!!!!!


                • zygzornifle zygzornifle 11 septembre 2020 08:42

                  « la pire récession depuis 1945 ».

                  Et fin 2021 le maire dira que c’est « la pire récession depuis 2020 ».

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