La culture reste une arme politique majeure

La plupart des Français, si on leur demande de citer le nom qui incarne le plus la Culture de notre pays, c’est souvent Jack Lang qui sort gagnant. Fête de la musique, politique de prix du livre, "démocratisation" de la Culture, etc. Personne ne viendrait citer Olivier Py, Patrice Chéreau, Angelin Preljocaj, Nathalie Dessay, Pierre Boulez, Fabrice Hybert, Jean Nouvel ou Jean-Marie le Clézio. Le grand gagnant de la diffusion de la culture en France, c’est le politique. Il est amusant de remarquer que la culture a connu la même croissance partout dans le monde, sans intervention d’un "Ministre de la Culture", parce que le niveau de vie s’est considérablement amélioré dans le monde, et que la consommation de loisirs culturels (la frontière entre loisir et culture reste difficile à établir) et d’art. Mais chez nous, la gauche a compris bien avant la droite que la culture, c’est branché et, surtout, que c’est une arme terriblement redoutable pour gagner l’estime populaire. Au moment des campagnes électorales, chacun cherche "ses" artistes sympathisants dans cette compétition à l’image. Jusqu’ici, les artistes les plus branchés penchaient à gauche. Mais avec l’arrivée de Carla Bruni à l’Elysée, la stratégie de communication de la droite a évolué.
A commencer par la défense de la loi Hadopi, qui est censée protéger une corporation d’artistes qui se sont montrés prêts à sacrifier nos libertés les plus élémentaires au nom de la préservation de leur modèle économique. Et Hadopi 2 est pire encore qu’Hadopi 1er. Même les députés UMP craquent. Mais la stratégie du Chateau est ailleurs. Nous savons portant tous que la partie est perdue et que les artistes devront vivre d’autres recettes : spectacle vivant, publicité, sponsors. Ce sont de véritables entrepreneurs (peu d’entre eux réussissent), mais qui ne connaissent hélas rien aux lois régissant les échanges et l’action humaine. Leur agent se charge de faire tourner la machine. Ils connaissent pourtant la même tentation que n’importe quelle corporation : protéger leur business, recevoir des subsides publics et assurer une diffusion étatique de leurs oeuvres, quitte à perdre un peu de leur liberté. Et contrairement aux artisans taxi, les artistes fameux ont un accès permanent aux médias et une image populaire qui les rend particulièrement influents, même lorsque leur discours est totalement inique ou absurde.
Après le combat pour Hadopi qui avait vu une partie des artistes de gauche (ils le sont majoritairement) soutenir le Père Noël Sarko contre la mère fouettarde Aubry, nous voyons une nouvelle anecdote savamment instrumentalisée par l’UMP aux dépens de la gauche. Alors que lla droite n’hésite pas à poursuivre à la moindre invective, à tenter de faire interdire les paroles de rappeurs appelant à commettre des actes de violence, la voilà en train de défendre l’un de ces rappeurs, Orelsan, aux Francofollies, pour tacler Ségolène Royal, dont les propos dans le Sud Ouest ont déclenché la polémique, et la gauche prise entre le démarrage d’un nouveau conflit interne Aubry-Royal, ou l’immobilisme qui la condamne vis-à-vis des artistes proches de leur sensibilité. La foire d’empoigne a commencé. Jean-Louis Foulquier, fondateur des Francofolies de la Rochelle, a réagi aux propos très du dur de Cali lors de l’annulation de la représentation du rappeur, et estimé dimanche sur RTL « c’est Ségolène Royal l’instigatrice de tout ça ». Pan sur le bec. Très mauvais pour la gauche, tout ça. La droite jubile. Dans un complet retournement, elle a choisi d’utiliser les mêmes armes que la gauche à son égard. Comme avec le NPA, le FN de gauche, ça marche pour la culture.
La culture, plus que jamais, est surtout une arme aux mains des politiques qui savent l’instrumentaliser. Et la droite semble l’avoir enfin intégré.
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