Le « Paradoxe d’Arrow » ou « la démocratie impossible »...
Selon ce théoricien de la politique et de l’économie (Prix Nobel en 1972), il n’existe aucune possibilité de prise en compte des préférences particulières dans le cas d’une élection au scrutin uninominal à deux tours (tel que pratiqué en France pour la présidentielle et les Législatives) sans tomber dans la dictature !
« En complément du paradoxe de Condorcet, Kenneth Arrow démontre, sous réserve d’acceptation de ses hypothèses, qu’il n’existerait pas de système du tout assurant la cohérence, hormis celui où un dictateur seul imposerait ses choix à tout le reste de la population.
Il fut plus tard établi que le paradoxe d’Arrow disparaissait si les préférences des électeurs pouvaient se matérialiser par une position sur un axe unique. Le pré-ordre sur le résultat du choix devient alors un ordre total et le paradoxe disparaît.
Cette caractéristique est parfois rappelée lors des discussions sur les tendances au bipartisme en politique. »
Avec le résultat de dimanche dernier et celui de dimanche prochain qui ne fera que confirmer le prévisible, la démocratie est en danger ! Et ce n’est pas inhérent à la démocratie elle-même mais au mode de scrutin de notre Ve République.
Est-il normal qu’avec moins de 40 % des voix, l’UMP remporte 80 % des sièges et que tous les petits partis (représentant tout de même près de 30% des Français) soient laminés ?...
Non ! Définitivement non ! Il y a quelque chose de pourri au royaume de France !...
Je me considère comme un "libéral" et j’aimerais partager l’enthousiasme des partisans de la droite sarkozyenne face à cette victoire annoncée... mais trop, c’est trop !...
Déjà que sa petite taille et son énergie dévorante le font souvent comparer à Bonaparte, Nicolas Sarkozy, disposant désormais d’une écrasante majorité à l’Assemblée, a du souci à se faire pour ne pas passer pour un dictateur, alors qu’il se trouve clairement dans la position d’en être un...
Je ne dis pas qu’il en est un, je dis que le risque est grand pour lui de se voir accuser de totalitarisme, et que c’est pour la France le danger majeur. Une bombe à retardement qu’il va lui falloir désamorcer d’urgence.
Que doit-il faire pour éviter cet écueil ?
C’est là qu’intervient un second paradoxe...
Le seul moyen qu’il ait de ne pas passer pour un dictateur serait de faire une politique décalée par rapport au programme sur lequel il a été élu !...
Je veux dire par là qu’il doit se rapprocher du concept de « démocratie participative » de son adversaire, Ségolène Royal, et rendre au peuple un certain pouvoir, au moins de « consultation », voire accepter de légiférer parfois à contresens de ses propres préférences, notamment en matière socio-économique et culturelle...
Tout autre comportement serait inéluctablement regardé comme totalitaire et générateur de troubles civils.
Ira-t-il jusque là ?...
Nicolas Sarkozy est incontestablement un grand manoeuvrier. C’est une qualité indispensable à tout chef d’Etat en matière de politique internationale, mais attention à ne pas l’utiliser contre son peuple...
Après avoir pris ses marques en trahissant Chirac en 1995, pris d’assaut l’UMP, séduit les grands patrons des médias, s’être imposé comme interlocuteur incontournable dans les derniers gouvernements sous Chirac, s’être fait couronner par anticipation à la grand-messe UMP, avoir encouragé le ralliement d’adversaires à coups de promesses de circonscriptions, Nicolas est parvenu enfin au sommet !
Accueillir dans son gouvernement (provisoire par définition) des adversaires acharnés de certaines de ses propres options pour montrer son « ouverture d’esprit » avant les législatives était sans doute une dernière habileté politique. Sa stratégie a réussi : les partis d’extrême droite sont réduits à portion congrue. Bravo ! mais... tous les autres aussi !...
Et maintenant... où allons-nous ?...
Il est clair que ses choix vont être difficiles : vouloir être aimé et en même temps vouloir faire régner sa vision des choses est un exercice délicat...
Sera-t-il porté à accroître la contrainte, la répression, le flicage, à restreindre les libertés individuelles, dans la rue et sur le Net, comme le précédent gouvernement avait commencé de le faire sous son égide ?... Ou au contraire, sera-t-il obligé de manger son chapeau et de pratiquer une politique contraire à ses préceptes pour conserver une chance à son ambition personnelle de grandeur ?... Et dans ce cas, jusqu’où devra-t-il donner des gages aux Français ?...
De Gaulle, lui aussi considéré par certains comme un traître à une période sombre de l’Histoire et contraint alors de ronger son frein à Londres, n’aurait certainement pas accepté quelques années plus tard de se dédire, une fois parvenu au sommet... Sauf... sauf devant la détermination du peuple : son « autodétermination » en l’occurrence, concernant l’indépendance de l’Algérie pourtant hors de question à son arrivée au pouvoir en 1958. Malgré ça, en 1962, devant la nécessité objective, il lui a bien fallu jouer la carte du réalisme et du pragmatisme.
Nicolas Sarkozy saura-t-il se montrer aussi grand que Charles de Gaulle en faisant prévaloir « l’intérêt supérieur de la France » sur sa propre conception du monde ?...
Je souhaite vivement qu’il y parvienne !
À défaut, le "3e tour" n’ayant pas eu lieu dans les urnes, il pourrait très vite avoir lieu dans la rue...
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