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Accueil du site > Actualités > Politique > Moderniser nos institutions ? Chiche !

Moderniser nos institutions ? Chiche !

La commission Balladur sur la modernisation de nos institutions politiques, mise en place par le nouveau président de la République, doit remettre ses propositions à la mi-octobre. De quoi accouchera-t-elle ? Les hommes politiques qui la composent (de droite comme de gauche), nourris au terreau de la Ve République, nous surprendront-ils en bousculant les positions établies ? Incarneront-ils le renouveau, sinon la rupture promise ? Le résultat sera-t-il à la hauteur des enjeux et des espérances ?

Le président de la République veut mettre au cœur de son action l’exemplarité des acteurs de notre vie politique et faire souffler le fameux vent de la rupture qu’il a appelé de ses vœux. Ces objectifs ne sont pas seulement louables mais salutaires si l’on veut redonner aux Français la confiance qu’ils ont perdue dans leurs institutions et s’assurer de leur bon fonctionnement avec le sentiment qu’elles servent vraiment l’intérêt général, c’est-à-dire celui du peuple tout entier.

En finir avec le cumul des mandats

Une vraie réforme exige, avant tout, la suppression du cumul des mandats, exception bien française qui nous distingue des autres démocraties dites avancées. Rares sont les élus prêts à l’abandonner.

A travers le cumul des mandats, c’est le cumul des pouvoirs et des responsabilités qui est en cause. Un homme - fût-il brillantissime, doué d’une extraordinaire capacité de travail et entouré des meilleurs collaborateurs - « ne peut être dans le même temps au four et au moulin et encore moins aux champs ! » La multiplication des délégations dilue les responsabilités et nuit à l’efficacité (on l’a maintes fois vérifié au détriment des citoyens).

L’exemplarité, c’est montrer l’exemple. Renoncer aux cumuls de mandats, c’est envoyer au peuple un signe fort (comme disent les politologues) et lui dire que ses élus sont prêts, eux aussi, à se remettre en cause, à renoncer à leurs avantages acquis, lesquels ne sont pas illégaux mais « renégociables » comme tous les autres... Leur goût du pouvoir (pour le bien public) dût-il en souffrir. La « doctrine Jospin », maintenue par MM. Raffarin et de Villepin, qui voulait qu’un membre de l’exécutif démissionne de son mandat de maire, était une vaste hypocrisie (les ministres démissionnaient de leur mandat de maire, devenaient premier adjoint et continuaient à tirer les ficelles de « leur ville »). L’abandonner donnera l’occasion d’aller plus loin.

Pour être efficaces, les règles doivent être simples et lisibles, les missions des élus définies, circonscrites dans l’espace et dans le temps :

> un mandat national, à très haute responsabilité, est astreignant. Légiférer n’est pas un boulot à mi-temps. Etre député ou sénateur - avec le poids grandissant que représente une législature en termes de projets et propositions de loi, de travail en commission et de débats préparatoires et contradictoires - interdira d’occuper un mandat local à responsabilité (maire ou adjoint, président ou vice-président de Conseil général ou régional). Les élus nationaux resteront des élus du terrain. En tenant leur permanence quand ils ne siégeront pas aux assemblées, sans être « élus à responsabilité locale », ils n’en demeureront pas moins proches de leurs électeurs - « grands ou petits » - et donc de leurs préoccupations ;

> un mandat local à responsabilité, avec délégation, devra être unique. A fortiori, un ministre de la République ne saurait prétendre vouloir rester maire ou adjoint, président ou vice-président de Conseil général ou régional ni même siéger comme simple conseiller local. La séparation entre les pouvoirs exécutif et législatif s’impose comme une évidence. En quoi n’y aurait-t-il pas conflit d’intérêt entre le parlementaire et le président du Conseil régional ? Entre le ministre et le maire ? Le « député‑maire » aura vécu ! Finissons-en avec cette situation inique aussi vraie que choquante, entretenue depuis des décennies, selon laquelle une ville administrée par un député-maire (et plus encore par un ministre) est « mieux lotie » (plus de « chance », de « facilité », de « moyens ») qu’une ville gérée par un simple maire (par exemple, la fameuse réserve parlementaire que se distribuent les élus sans la moindre transparence - 130 millions d’euro annuels quand même - est, non seulement d’un autre âge, mais indigne de notre démocratie) ; 36 000 communes, 1 000 parlementaires, tant pis donc pour les 35 000 autres communes qui ne sont pas logées à la même enseigne !

Rompre avec certaines pratiques du passé

Au-delà de cette rupture nécessaire avec le cumul des mandats, au nom toujours de la morale et de l’exemplarité en politique, pour rendre un exercice du pouvoir plus vertueux, plus transparent - rappelant qu’il n’est pas un privilège, mais un service au bénéfice d’une démocratie plus vivante - , il faudra accepter de rompre avec certaines pratiques qui devraient appartenir au passé. On devrait ainsi :

Ø limiter le nombre des mandats électifs successifs et fixer une limite d’âge à l’exercice de responsabilités électives. Serait-il dévalorisant ou déshonorant, d’être élu - ou réélu - pour une durée maximale et de s’engager à laisser la place au-delà d’un certain âge avant de sombrer, au détriment toujours de ses concitoyens, dans l’exercice d’un pouvoir autocrate et solitaire ? ;

Ø rendre inéligibles les élus condamnés pour certains délits. En vertu de quoi un élu du peuple pourrait-il se représenter devant lui s’il a été condamné par la justice pour corruption, s’il s’est rendu coupable de prise illégale d’intérêt, d’abus ou de recel d’abus de biens sociaux « privés ou publics » pour son seul confort ou enrichissement personnel (même modeste ou temporaire). On est exemplaire ou on n’est pas élu du peuple.


Engager des réformes structurelles

Il faudrait ne pas attendre pour engager des réformes structurelles, comme :

- supprimer les départements : à l’heure de l’Europe et des nouvelles technologies, l’efficacité commande que l’on transfère aux régions les compétences actuelles des départements supprimant ainsi un niveau de décision, d’action et de coût devenu un luxe. Pourquoi les conseillers régionaux ne seraient-ils pas élus par canton, donc toujours élus d’un territoire pour faire remonter à la région les problèmes du terrain qui relèvent de sa compétence ? ;

- réduire d’un tiers le nombre de communes : à l’heure où l’on parle de territoires, alors que les communautés de communes se multiplient, les 36 000 communes nées de la Révolution ne supporteraient-elles pas, au nom là aussi de l’efficacité et de la raison, d’être réduites au moins d’un bon tiers pour tomber autour des 24 000 ?

Un euro dépensé doit être un euro utile

Il faudra imaginer d’autres changements profonds qu’exige le salut de nos finances publiques, en vertu du principe désormais reconnu par tous qu’un euro dépensé doit être un euro utile. On doit parler de traçabilité de la dépense publique (qu’elle soit d’Etat ou territoriale). Quelques pistes :

- réformer le fonctionnement de nos assemblées (les coûts, le budget de représentation, les régimes de retraites des parlementaires, l’absentéisme, le « train de vie » des présidences...) ;

- s’interroger sur l’utilité du Conseil économique et social (et des Conseils régionaux) : composés de qui ? En l’honneur ou en remerciement de quoi ? Et dont le fonctionnement et les indemnités versées à leurs membres pour quelques vacations par an coûtent cher au budget de l’Etat, comparés aux bénéfices retirés et dont les missions enfin pourraient pleinement relever du Sénat ;

- mettre la Cour des comptes au goût du jour et la rendre utile en faisant de ses recommandations des axes d’actions qui ne restent pas lettre morte, sans stigmatiser, sans fustiger, dans le seul but de l’intérêt général.

Une majorité s’accorde à dire que nos institutions, qui ont fait leur preuve, sont aujourd’hui vieillissantes et devenues inadaptées. Elles perdent en efficacité, en crédibilité et en proximité. Que peut perdre la France à lancer ces chantiers, ambitieux, politiquement courageux, modernes, exigeants dans leur mise en œuvre, salutaires ? Alors chiche !

En s’adressant au Comité de réflexion sur la réforme des institutions, nous voulons alerter les pouvoirs publics et les mettre face à leurs responsabilités. Nous demandons un référendum national sur le projet de modernisation qui découlera des travaux de cette commission.


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9 réactions à cet article    


  • RilaX RilaX 12 octobre 2007 14:12

    Je suis entièrement d’accords avec cet article.

    Juste une nuance sur quelque chose que je trouve aberrant : « En vertu de quoi un élu du peuple pourrait-il se représenter devant lui s’il a été condamné par la justice pour corruption »

    Je suis d’accord, je me demande pourquoi on laisse se représenter des gens jugés corrompu. Mais je trouve encore plus aberrant que ces gens soient réélu par des CitOyeNS !

    Il parait qu’on a les élus que l’on mérite ...


    • La Taverne des Poètes 12 octobre 2007 14:54

      Article intéressant même s’il est incomplet à mon goût : Il manque par exemple la question de l’introduction d’éléments de démocratie directe, celle du renforcement du rôle des assemblées (car à quoi bon restreindre les mandats si la chambre des députés n’a pas le vrai pouvoir de voter, à cause du vote bloqué -le 49-3-, de l’ordre du jour géré par le gouvernement... ? Les députés auraient seulement alors plus de temps pour parler dans le vide et faire des études et des propositions de loi qui finiraient dans les tiroirs !)

      Pour ce qui est de supprimer les départements, on n’y arrivera jamais : Pas de retour en arrière possible sans une gigantesque levée de boucliers. Ou alors en plusieurs décennies et des réformes successives avec transferts aux communes, communautés de communes, GIP, région, etc. Mais un regroupement des élus locaux (conseillers génréraux et régionaux qui font un peu doublon) pourquoi pas ? C’est ce que proposait Bayrou lors de sa campagne.


      • Marie Pierre 13 octobre 2007 09:24

        @ La Taverne,

        Je ne partage pas ton argument sur les députés qui auraient le temps de parler dans le vide. Si un député fait bien son boulot, il est pris à temps complet. Il n’y a pas que les réunions de l’Assemblée, il y a toutes les réunions de bureau qui, elles, préparent les textes de lois, et le travail sur le terrain. Cela dit, on pourrait aussi limiter le nombre de parlementaires.


      • Marie Pierre 13 octobre 2007 09:18

        Bonjour GSinet,

        Pour compléter ton article, je donne le lien qui permet de soutenir cette réflexion auprès du Comité de réflexion sur la réforme des institutions Il suffit, ensuite, de compléter les champs.

        Bien à toi

        Marie Pierre


        • Daniel Roux Daniel R 13 octobre 2007 10:36

          Un vrai conte de fée.

          Si les députés et les sénateurs servaient à quelques choses, ils pourraient effectivement travailler à plein temps mais comme ils ne servent à rien qu’à appuyer sur le bouton « oui » quand on les sonne, ils trouvent d’autres choses plus intéressante à faire. Comme M Coppé par exemple et bien d’autres, qui en plus de leurs autres mandats, travaillent dans les cabinets d’avocats, en toute « impartialité » bien entendu.

          Ne rêvez pas, Balladur a reçu sa feuille de route. Comptez sur lui pour livrer un travail bien fait : le pouvoir absolu pour Sarko et la fumée démocratique pour les autres.

          Le seul problème qui se pose pour le tandem infernal : comment faire avaler ça ? Par le congrès ou par référendum ?

          Le congrès a l’avantage de cerner le nombre d’individus à convaincre. Un mélange classique de distribution de prix et de claques, promesses et menaces, récompenses et chantages, devrait rassembler le nombre de voix nécessaires. Le courage et l’indépendance de nos très chers élus sont bien connus, je n’ai donc aucune illusion sur le résultat final.


          • La Taverne des Poètes 13 octobre 2007 11:51

            Voici les réformes proposées par le comité (lien article du Monde). Certaines sont intéressantes (limitation des cas de recours au 49-3 par exemple) et d’autre sont d’ores et déjà condamnées. Ainsi la restriction du cumul des mandats. Pas de scrutin à la proportionnelle (mini dose homéopathique), pas d’ouverture aux citoyens (le titre de « défenseur du peuple » pour faire moderne et « citoyen » n’est autre que l’actuel médiateur de la République avec un peu de pouvoir en plus).

            Enfin le titre de l’article est éloquent... http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-966510@51-953872,0.html


            • La Taverne des Poètes 13 octobre 2007 11:53

              Car l’article 20 de la Constitution sera modifié pour donner tout pouvoir au président bien qu’il soit complètement irresponsable au sens politique et constitutionnel : « le président de la République définit la politique de la nation. Le gouvernement la met en oeuvre ».


            • citoyen 14 octobre 2007 16:13

              Il me semble qu’il serait indispensable d’imposer au pouvoir exécutif d’appliquer les lois votées par le pouvoir législatif. Combien de lois votées sont parties aux oubliettes faute de publication des décrets d’applications correspondants


              • Gérald Müller 15 mai 2008 17:23

                Pour le moment, entre les divergences au sein de l’UMP et les réticences du PS, il n’est pas sûr que la réforme aille jusqu’à son terme.

                Pour une analyse critique du projet, présentée par la Convention pour la 6e République (C6R), voir : www.alter-reformeconstitutionnelle.com

                 

                 

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