Nice n’est pas si joli
Cette ville, adoptée par les retraités Anglais, parce qu’ils la trouvaient « nice », connue pour les démêlés de son ancien maire avec la justice, un certain Jacques Médecin, refait aujourd’hui parler d’elle.
Revenons « aux années Médecin »
En effet, dans leur excellent livre « Enquête sur les ripoux de la côte » (éditions Fayard-1994), Jacques Derogy et Jean Marie Pontaut racontent dans le détail les rocambolesques aventures de Jacques Médecin membre éminent du RPR et Maire de Nice.
Très proche du Front National, dont il avait déclaré dans « National Hebdo » partager 99,9 % des idées, il eut des propos très contestés sur les Juifs de son conseil municipal, provoquant leurs démissions. lien
Il était contre l’avortement et contre l’abolition de la peine de mort.
Après des enquêtes fiscales et policières, des perquisitions effectuées au domicile de Médecin révélèrent l’acquisition de biens immobiliers aux USA, la possession de comptes bancaires à l’étranger.
Poursuivi par la justice pour détournement de fonds, conflits d’intérêts, abus de biens sociaux, corruption, faux en écriture, la justice va le faire comparaitre, et il sait qu’il ne pourra s’en sortir autrement que menotté.
Il part discrètement le 16 septembre 1990, en Uruguay, en jet privé, (habitude niçoise ?) s’installer dans le luxueux hôtel « le relais du crabe », à Punta Del Este, la plage la plus branchée du pays, mettant fin, par cette cavale, à une « carrière » de 30 ans.
Le 12 octobre 1990, la chambre d’accusation de Grenoble lance contre lui un mandat d’arrêt.
Arrêté par la police uruguayenne, extradé en France, il est condamné à 4 mois de prison ferme, et retournera en 1996 à Punta Del Este.
Il y est mort huit ans après, quasi jour pour jour, le 17 novembre 1998.
Il n’y eut guère que Jacques Toubon, ex niçois, à lui rendre un hommage : « Nice, la belle n’a jamais été aussi belle ».
Celui-ci avait oublié d’évoquer au passage l’endettement par habitant triplé en vingt ans, la taxe professionnelle au taux plafond de 25%, la taxe d’habitation de 19%, et sans parler du cout des « affaires ».
Tout cela est très bien raconté par Alain Garrigou, de l’université de Nice dans sa publication « le boss, la machine et le scandale : la chute de la maison Médecin ». lien
Or, après la fuite précipitée du Maire, un jeune élu niçois RPR, Christian Estrosi, en soutien à Jacques Médecin, avait démissionné du conseil municipal de Nice, espérant en vain provoquer l’explosion du conseil municipal.
La démission du tiers des élus aurait provoqué l’autodissolution du conseil municipal, et aurait empêché de procéder au vaste nettoyage.
Comme chacun sait, en mars 2008, Christian Estrosi a repris la place laissée 18 ans auparavant par son mentor Jacques Médecin à la tête de la Mairie de Nice.
Le nouveau maire, qui est aussi président de la communauté urbaine Nice Côte d’Azur, Ministre de l’Industrie, aime donc le cumul des mandats.
Il avait pourtant promis lors de la campagne municipale qu’il n’assumerait pas à la fois les deux charges, Ministre et Maire.
Pour être tout a fait juste, il a tenu cette promesse du 17 mars 2008 au 23 juin 2009…15 mois seulement.
Ses filiations avec Jacques Médecin sont nombreuses.
Comme le dit Alain Garrigou dans son ouvrage, Christian Estrosi était qualifié de « bébé Médecin ». (page 34)
On l’a vu, il a été membre de son conseil municipal, et comme lui, il est aussi partisan de la peine de mort et il est hostile au PACS.
Et puis il y a eu « l’affaire du Golf de Nice ».
Au début des années 90, des élus départementaux, et une partie de la presse, ont mis en cause sa femme (séparée depuis) et lui, pour le détournement d’une subvention de 750 000 francs, destinée à une association « le Golf de Nice » dont Jacques Médecin est Président, et Christian Estrosi le vice Président. lien
Le Golf, dont sa femme était la gérante, avait un trou de trésorerie de 750 000 francs.
Ce qui correspondait comme par hasard au montant de la subvention.
L’association « du Golf de Nice » et la SARL « du Golf de Nice » avaient ouvert quasi en même temps un compte dans la même banque.
Mais l’argent versé par le conseil général, au lieu d’atterrir sur le compte de l’association est allé directement dans celui de la SARL, permettant d’apurer les comptes de celle-ci, et permettant à sa gérante (qui avait cédé ses parts deux mois auparavant, sachant que la subvention serait versée) de récupérer son investissement.
La plainte contre X a été close par un non lieu en 1994, après une courte enquête de 19 jours.
Ni Christian Estrosi, ni son épouse n’ont étés entendus par la justice.
Un appel a été lancé, mais un juge, bien intentionné, jean Paul Renard, en qualité de doyen des juges, en plein mois d’aout, s’est accaparé l’affaire, décrétant un non lieu définitif.
La juge d’instruction qui s’occupait de l’affaire était en vacances, et on peut s’interroger sur la soudaine hâte de ce Renard, laquelle a aussi surpris le procureur Eric de Montgolfier.
Comme il le dit lui-même « il n’y avait pas d’urgence à prendre cette décision ».
Pourtant malgré tout, même si le non lieu définitif a été prononcé, il semble d’après Eric de Montgolfier, que s’il était prouvé qu’il y ait « recel », celui-ci étant imprescriptible, l’affaire pourrait être relancée.
Il faudrait donc prouver que ces 750 000 francs sont « dans des mains impures »… à suivre ?
On peut voir ici la vidéo sur ce sujet dans l’émission de France 3 « pièce à conviction » avec Elise Lucet et Lionel de Connink.
Estrosi, a beaucoup de points communs avec son ami Sarkozy, et lorgne vers le ministère de l’Intérieur, mais est-il le mieux placé pour cette place ?
Lui qui n’a pas hésité à utiliser un jet privé encore plus cher que celui de Joyandet, (138 000 euros) mais qui n’a pas démissionné pour autant,
Lui qui occupe deux appartements parisiens, essayant de cacher que l’un des deux est pour sa fille, d’après « Le Canard Enchaîné ». lien
Lui qui a fait surélever son chalet bâti dans la station d’Auron, sans permis de construire. lien
Lui qui a instauré le couvre feu pour les moins de 13 ans (lien), et fait de sa ville, 5ème plus grande ville de France, la championne en nombre de caméras de surveillance, (lien) dont on connait l’inefficacité (lien) et le prix exorbitant. (lien).
Lui qui s’est doté d’une BDAE (brigade départementale anti émeute). (Une première en France).
Tout comme Sarkozy, il n’aime pas les journalistes, et lorsqu’un « papier » lui déplait, il le fait savoir. lien
Le 16 juillet 2010, il a encore fait parler de lui dans sa « bonne ville de Nice ».
L’histoire est passée inaperçue, puisque l’actualité médiatique de ce jour était braquée sur Grenoble, et la mort de Karim Boudouda, suite au vol dans le casino d’Uriage-les Bains. lien
Or le 16 juillet, 200 pompiers niçois, une poignée d’irresponsables d’après Estrosi, ce qui fait quand même une grosse poignée, étaient venus lui remettre une motion, l’ayant prévenu auparavant par courrier.
Estrosi s’est fait déclarer absent, alors qu’il était bien présent dans sa ville, invité au vernissage d’une exposition.
Les pompiers, (en grève depuis un mois afin que soit reconnu la pénibilité de leur travail), sont renvoyés direction la Préfecture, qui les reçoit avec des CRS en tenue de combat. vidéo
Résultat, un pompier hérite d’un traumatisme crânien, frappé alors qu’il était à terre. lien
Le dada d’Estrosi est le même que celui de Sarkozy : l’insécurité.
S’il faut en croire Laurent Mucchielli, sociologue au CNRS, l’insécurité française est un fantasme, et tient du « bourrage de crâne.
Il dénonce dans son livre « violence et insécurité » (2002, édition la Découverte) l’amalgame qui est fait entre les délinquances les plus bénignes et les plus graves, les prétendus « experts » réactivant la vieille peur du complot de l’ennemi intérieur ». lien
Comme il le dit dans son blog, les « gens du voyage », après la « racaille de banlieue » sont donc les nouveaux boucs émissaires. lien
Les réponses sur ce thème se font attendre depuis 2002, date où Nicolas Sarkozy avait promis que l’insécurité serait réglée en quelques coups de cuillère à pot.
8 ans après, nous avons droit au même discours : « c’est la guerre… nous serons intraitables… il n’y aura plus d’excuses… nous allons éradiquer la violence…j’ai donné l’ordre…une nouvelle loi sera votée bientôt… ». lien
Alors de Sarkozy à Estrosi, les mêmes promesses, les mêmes provocations, auront-elles les mêmes résultats ?
Après la suppression de la police de proximité, la multiplication des caméras de surveillance, l’abandon du plan banlieues, rien n’a bougé.
Pas de doutes, ces deux là sont en phase, et Christian Estrosi sera un logique ministre de l’intérieur, en parfaite filiation avec celle de son ami, Nicolas Sarkozy.
Car comme aime bien dire mon vieil ami africain :
« Le chameau ne se moque pas de la bosse d’un autre chameau ».
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