Personnaliser la politique c’est dévaloriser le débat d’idées, voilà d’où vient la crise de régime
Mieux vaut faire campagne avec une idée plutôt qu’un visage.
A qui la faute ? Cette crise de régime n’est peut-être pas aussi structurelle qu’on le dit. Certains pensent que la constitution actuelle est démodée et inadaptée aux besoins démocratiques. On peut trouver des défauts notable dans la manière dont notre constitution organise le mécanisme politique, le sénat ne trouve pas sa place dans les médias et les élections au suffrage universelle législatives désintéressent la population. Mais la constitution ne fait pas tout, ce n’est qu’un squelette, le reste est en mouvement.
Qui des partis politiques, des médias, de la pression de l’opposition bourgeoise ou populaire sont responsables de cette série interminable de « couacs » érodant à chaque évènement notre modèle républicain ? C’est tout une mécanique où chaque élément se nourrit de l’autre. Il n’y a pas de manipulation ou de complots, certes Nicolas Sarkozy avait fortement influencé les médias, mais il n’a pas pratiqué la censure pour autant, beaucoup de médias sont restés libre de critiquer. Oui, l’opposition bourgeoise se voile la face sur les conséquences désastreuses de la précarité et de la pauvreté et oui l’opposition populaire nationaliste fait hurler les foules en s’appliquant à ce qu’ils ne reculent pas trop pour ne pas élargir leur champ de vision. On peut chercher longtemps un responsable, parce qu’il n’y en a pas un en particulier. Le système électoral, autrement dit la mécanique de légitimation du pouvoir en place, est un grand ensemble d’influences mutuelles. Pour autant il n’est pas incontrôlable. Réviser la constitution peut être utile mais comment légitimer une règle suprême si même les lois ont du mal à s’intégrer dans une société politiquement blessée ? Une constitution doit être indiscutable après son approbation générale, or aucun parti politique, depuis plus de dix ans, n’a su maintenir une approbation suffisante pour tenir un mandat dans des conditions confortable d’exercice du pouvoir. Voter une constitution maintenant, c’est faire entrer en résonnance un système encore trop fragile.
Le changement de constitution doit donc se faire dans un contexte politique stable. Aujourd’hui, l’urgence vient d’ailleurs : il vient du débat des idées. Qui, dans la population, est en mesure de répondre avec assurance à la question : d’après vous, quelle est la différence entre la droite et la gauche ? Bien sûr, cette question ferait réfléchir des doctorants pendant longtemps, mais il y a des grandes lignes qu’un électeur est censé connaitre pour que sa voix puisse avoir de la valeur. Le déficit démocratique ne vient pas du mécanisme d’élection mais de la culture de l’électeur. Ce déficit culturel a été entretenu par un manque d’exposition des idées par le relais médiatique et littéraire. La constitution demande pourtant au peuple de s’intéresser à la politique, alors qu’on se contente d’images et de discours basiques et répétitifs.
Revenons sur cette légitimité durable du pouvoir. Si notre système démocratique est instable et ne peut se permettre de se projeter à long terme, c’est parce qu’il subit une critique de la personne. Un simple travers dans la vie privée d’un élu et toute son influence politique se dégrade. On va critiquer négativement une orientation politique parce qu’un de ses représentant suprême a le cœur qui balance ? La société pousse à l’échec nos représentants politiques parce qu’on leur demande d’être aussi inhumains que des stars du showbiz. Les monarques diront qu’un peuple a besoin d’un chef et que celui-ci se doit d’être irréprochable, moi je leur dis qu’une société a besoin d’une orientation politique, et cette orientation ne nait pas du passé culturel d’un individu et de son quotidiens qu’il soit normal ou anormal, mais d’une discussion qui dure depuis des siècles. Cette discussion génère des arguments, ainsi les responsables politiques ont le rôle d’exécuter les recommandations provenant des idées que ces arguments défendent. Leur rôle majeur n’est pas d’être exemplaire mais de remplir une mission d’élu.
L’idée n’est pas ici de défendre l’opacité des institutions et du statu des personnalités politiques, elle est d’éviter d’en faire une priorité nationale.
Alors comment sortir de cette personnalisation exagérée de la politique ? Nous devons travailler à légitimer, lors des élections – donc au préalable durant les campagnes - l’idée défendue par le parti candidat au pouvoir. La veste de « candidat » doit être portée par le parti et non par son représentant. Le jugement des électeurs doit se porter sur les idées et non sur la personne, car ce qui pilote la nation est une série de mesures et non les mains d’un individu. Si une démocratie représentative concentre le pouvoir sur une poignée d’élus, c’est pour une simple question pratique. La légitimité de cette pratique est discutable depuis qu’elle existe, mais n’exagérons pas le terme de « représentativité ».
J’aimerais voir une vision à la place du visage sur les affiches de campagne. On a trop souvent été attendris par la personnalité sans faire attention aux idées. Nicolas Sarkozy a été élu grâce à ses grandes qualités de communicant, mais peu de monde avait vu venir le « président des riches » aux méthodes frauduleuses. François Hollande a été élu grâce à l’espoir de redressement qu’il représentait en sa personne, mais peu de gens ont prévu les mesures sociale-démocrates qu’il a pourtant toujours assumées. Aujourd’hui, on ne sait pas si ce que le gouvernement engage est juste ou non, seulement on ne l’avait pas prédit comme ça, du coup on s’y oppose, par méfiance. Ainsi le débat en pâtit puisqu’il stagne par manque de visibilité.
Alors la prochaine fois, plutôt que d’élire une femme prétendant comprendre le peuple, demandons-nous si son parti politique mérite de diriger la France. Et si un autre candidat prend l’avantage, cessons de regarder ses yeux, tâchons de comprendre ce qu’il lit.
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