Rama Yade l’arme communicante
Il y a un je-ne-sais-quoi d’émouvant à voir la secrétaire d’Etat des Droits
de l’homme s’ébattre dans le bain de la communication de Sarkozy. Quand
le président français déroule le tapis rouge au dictateur libyen, connu
pour son goût prononcé du terrorisme, Rama Yade se lance dans une
violente diatribe censée bouter Kadhafi hors de France. Mais après des
gesticulations et de belles paroles dans la presse, Rama, pourfendeur
du tyran, finit par embrasser chaleureusement la main de Mohammar
Kadhafi.
De même, quand Sarkozy méprise le référendum sur la Constitution européenne qui avait vu la victoire du “non”, Rama Yade revient sur le devant de la scène et confie ses peines de cœur aux Français.
« Je ne sais si je peux le dire, mais moi aussi, j’ai voté non à la Constitution européenne en 2005, comme 55 % des Français. » La larme à l’œil, Rama l’opposante, concède un “moi aussi” pour laisser entendre qu’elle faisait partie de ces impénitents gauchistes ou de ces souverainistes de droite qui refusaient autrefois la ratification du Traité européen.
La juvénile Rama Yade figure la réflexion en mouvement, l’avancée d’une pensée affective vers le pragmatisme politique et la raison d’Etat. Elle est la pensée, l’émotion propre à chacun, le manque de maturité propre à la jeunesse et aux citoyens. Elle est le visage de cette France qui peine à comprendre faute de maturité intellectuelle, l’incarnation des doutes et des injustices que ses origines renvoient nécessairement aux spectateurs.
Mais sous ce visage, aux courbes délicates, censé figurer la pensée française portée vers des espérances politiques de justice, se cache une face de communicante aiguisée. Un personnage politique d’un genre nouveau qui n’aspire qu’à un seul objectif, dominer l’espace oppositionnel.
Qui mieux que Sarkozy a saisi l’importance de la communication et la maîtrise du discours de l’opposition pour contrôler les paroles de ses adversaires ?
Rama Yade présente ses doutes, ses interrogations et concentre les attentions de la presse. Elle permet ainsi de couper court aux virulentes critiques sur la venue de Kadhafi, sur la négation du référendum, et la manière dont Sarkozy bafoue la voix du peuple.
« Pourtant aujourd’hui, je suis satisfaite du Traité européen. J’aime beaucoup ce Traité parce qu’il tire les leçons du “non” français », ajoute-t-elle.
Avec des mots simples comme pourrait les prononcer une adolescente, Rama Yade vole la place réservée à l’opposition, s’empare de leurs discours et empêche les véritables opposants de s’exprimer. Car, dans la presse, les encarts réservés à l’opposition sont désormais consacrés aux discours de Rama Yade la secrétaire d’Etat et « opposante » intégrée au gouvernement.
Cette stratégie communicationnelle se fonde sur la capacité à devancer la critique en intégrant le discours de l’opposition pour mieux l’absorber, le digérer et l’annihiler. Cette maîtrise de l’opposition par l’intégration du discours conduit nécessairement à une forme de censure. Car elle vise à décrédibiliser l’opposition afin d’établir un consensus national autour du président de la République.
Si la gauche souhaite résister et défendre son projet politique, elle va devoir inévitablement dénoncer ces pratiques de communicants qui manipulent l’opinion publique en ne laissant place qu’à une seule voix, celle de Nicolas Sarkozy.
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