Retour sur le nouveau texte socialiste et ses incohérences
Les rédacteurs du texte parlent d’un virage à gauche, les réponses de Moscovivi traduisent surtout un tournant à droite. Retour sur le texte socialiste et ses incohérences.
« Il ne faut pas faire porter la critique sur le FMI »
« Il n’y a pas de proposition de nationalisation. »

Pierre Moscovici, 52 ans, fait son grand retour sur le devant de la scène médiatique suite à son texte sur « un nouveau modèle de développement » dont il « ne se sent pas l’auteur » mais revendique « être celui qui a réussi à unifier le PS autour d’un même texte ».
Cela semble être un travail à la fois titanesque et masochiste que de vouloir mettre d’accord tous les socialistes sur un sujet donné. Moscovici l’a fait et n’hésite pas à le rappeler à qui veut l’entendre. En effet, comme il s’est déclaré candidat aux primaires pour les présidentielles de 2012, il doit montrer d’où il tire sa légitimité : lui au moins, il met tout le monde d’accord.
Moscovici veut donc montrer qu’il est présidentiable parce qu’il serait au-dessus de la mêlée, au-dessus des stratégies de courants (à l’instar de DSK au FMI qui semble loin des cuisines du PS ou de Ségolène Royal qui rappelle sans cesse vouloir « dépasser le PS, aller au-delà de lui »).
A première vue donc, Moscovici a réussi son coup : le Conseil National du PS a voté à l’unanimité son texte le 27 avril dernier à Paris.
Pourtant, quand on y regarde de plus près, l’on comprend mieux pourquoi tout le monde a pu se retrouver dans ce texte (ce genre de travail mène d’habitude à de nombreux débats et divisions au sein du parti).
La clé de son succès ? Le texte est flou et très, voire trop général. Lui-même semble le reconnaître : « De Valls à Aubry en passant par Hamon, chacun s’y retrouve, chacun pourrait présenter ce texte à sa manière » a-t-il déclaré lorsqu’Acturevue l’a interviewé.
On comprend donc mieux pourquoi ce texte a été voté à l’unanimité.
Lors de la présentation de ce texte, le 6 mai dernier, Moscovici nous a rassurés en infirmant ce que les médias disent : « ce texte n’est ni une déclaration de principe, ni le programme du PS pour la présidentielle de 2012 ». Ouf ! Sinon, Acturevue aurait pu déjà vous annoncer la défaite de la gauche en 2012.
Sur le contenu du texte en lui-même, quelques points sont bons (droit du travail plus protecteur, réduction des écarts de salaire, fiscalité écologique, réforme budgétaire et fiscale, pôle public d’investissement industriel) mais ses limites se sont rapidement faites entendre.
L’on sait bien les désastres de la politique du FMI dans les pays en fort déficit pour les personnes les plus fragiles (Cf. Article FMI), mais cela n’empêche pas Moscovici de louer l’action du FMI qui « travaille bien » (Voir interview ci-contre).
En fait, tout le discours sur la justice sociale, sur la répartition des richesses, sur l’égalité perd de son sens avec cela.
Comment réclamer plus de justice sociale alors que le libéralisme économique accroît les inégalités et que Moscovici se félicite de la présence de Pascal Lamy à L’OMC et de DSK au FMI ?
Là est précisément tout le paradoxe des socialistes. D’un côté, ils dénoncent en chœur, Martine Aubry en tête, les dérives du capitalisme financier, du libéralisme économique à cause de ses conséquences néfastes tant au niveau social, économique ou écologique ; et de l’autre, quand ils ont l’opportunité de présenter un modèle économique, rien de neuf n’apparaît.
Ils vont même jusqu’à oublier leurs beaux discours en proposant de créer une nouvelle institution libérale dont l’éthique sera, à l’instar du FMI, le cadet de ses soucis.
Voici donc la faille du PS : ils n’ont toujours pas tranché la question de leur positionnement par rapport au modèle économique actuel : libéralisme ou autre chose ? De même, les socialistes n’assument pas totalement leurs valeurs, sans doute par peur d’y perdre leur culture du gouvernement qui les distingue des autres partis de gauche : une fois au pouvoir, que faire lorsque l’on a proposé des choses trop radicales ?
Un texte avant tout ambigu
« Nous devons nous armer pour gagner la bataille des idées », déclarait fièrement Pierre Moscovici lors de la présentation de son texte à l’A.G de la fédération socialiste de Paris.
« Ces crises nous appellent à être plus radicaux » assurait-il.
Problème : Au fur et à mesure du discours, celui qui dit virer à gauche ne cesse de cultiver le flou et l’ambiguïté et demande même aux militants socialistes « d’éviter d’amender le texte avec des points de détails qui nuiraient à l’unité socialiste ».
Voilà, en somme pourquoi le texte rassemble, parce qu’il évite les détails, évite les points de discorde, évite d’être crédible.
Moscovici déclare ainsi ne pas vouloir faire de « l’écologie comme les écologistes », oui mais encore ?
Ce dernier prône un « impôt européen et un Fonds monétaire européen », déclare que si les socialistes gouvernent, « il n’y aura pas de plan de rigueur, mais ils décideront des investissements qu’il faut faire ou ne pas faire et apprendront à « gérer les priorités ». Peut-on en savoir plus ?
Il faut aussi, selon lui, « une révolution fiscale » et ne pas se perdre dans des polémiques telles que la suppression de l’ISF « qui a perdu beaucoup de son sens à cause des plafonnements, mais on ne peut pas se contenter de dire qu’il faut le supprimer, je suis désolé pour certains camarades, mais je ne confonds pas revenu et patrimoine ».
Le texte est de gauche si l’on se contente de l’aspect superficiel, pour le reste il faut se satisfaire de la phrase de conclusion de Moscovici : « Il y a une part d’ambiguïté créative qui laissera à ceux qui auront la charge de gouverner le problème de la dette… Je pense que pour le coup ce texte est pas mal rédigé ».
C.Merlaud et D.Perrotin
Retrouvez l’interview de Moscovici et d’autres articles sur http://www.acturevue.com
29 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON