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Agylus au fil de l’épée

 

Et du récit

 

Il advient parfois que le destin prend un virage radical et transforme totalement un personnage qui n'avait aucune raison d'être honoré pour ses bienfaits. Tout au contraire quand débute l'histoire, Agylus est un personnage des plus détestables, à la sévérité redoutée de tous. Né dans une famille de la noblesse, il est le lieutenant du Compte d'Orléans, un certain Wilacharius qui n'a qu'à se féliciter de la redoutable réputation de son bras séculier.

Il fait régner l'ordre en Orléans et ses abords avec une main de fer, n'hésitant nullement à châtier qui sort du cadre ou commet malversation ou faute. On ne plaisante pas sous sa tutelle et son nom fait trembler qui se sent le nez morveux. C'est justement ce qui advint en 564 à un pauvre homme qui venait de commettre une maladresse qui va déclencher la colère de son maître.

Pour son malheur, le pauvre homme est un des esclaves de ce maître tyrannique, ce qui lui retire dans l'instant toute circonstance atténuante. Il peut redouter le pire et préfère la fuite à l'inévitable châtiment. C'est ainsi qu'il se sauve en descendant la rive droite de la Loire, espérant échapper aux gardes d'Agylus.

Ceux-ci se lancent à sa poursuite ayant eu vent de la direction du fugitif. Les cavaliers ne tardent pas à rejoindre le pauvre fuyard qui voyant fondre sur lui la soldatesque se réfugie dans le tombeau du vénérable Saint Mesmin, enterré en 520 là où il avait terrassé l'infâme dragon de la Roche Béraire.

C'est alors que les gardes ne peuvent s'approcher de la grotte. Ils sont pris de tremblements, de nausées qui les clouent sur place. Dans l'impossibilité de remplir leur mission, ils se voient contraints de rebrousser chemin, la peur au ventre à l'idée de la réaction du lieutenant Agylus. Ce dernier ne donne guère foi à leurs propos qu'il prend pour des prétextes oiseux, leur promet sanction exemplaire avant de se charger lui-même de ramener ce maudit esclave.

Agylus n'est pas homme à croire à ces sornettes et fonce à bride rabattue vers la Roche Béraire. Il arrive au moment où le malheureux s'était décidé à poursuivre sa fuite. Il est sorti de la grotte pour s'en sauver sur le chemin longeant la Loire. C'est à ce moment précis que son tourmenteur surgit le glaive levé pour frapper le fuyard.

C'est à cet instant précis où la vie de l'esclave ne tient plus qu'au fil de l'épée que le lieutenant ressent les mêmes symptômes que ses gardes. Il est totalement paralysé, son bras armé restant suspendu au-dessus de la tête du pauvre homme sans pouvoir s'abattre. Il a perdu le contrôle de ses membres.

Agylus est terrifié lui qui habituellement provoquait ce terrible sentiment. Il fut alors frappé par la grâce, ayant soudainement la révélation que jusque-là, il avait mené une vie dissolue, impie et d'une odieuse sévérité. Il leva les yeux au ciel et promit la vie sauve à l'esclave qui avait profité des circonstances pour disparaître.

Ceci ne parut pas suffisant pour le grand créateur. Il attendait un geste plus tangible pour célébrer sa gloire ou celle de son serviteur : Saint Mesmin. Agylus frappé par le souffle de l'esprit saint promit de bâtir une chapelle au-dessus du tombeau du défunt Abbé de Micy. Il retrouva l'usage de ses membres tandis que ce miracle venait de métamorphoser notre homme.

Le guerrier se fit berger des âmes, se réfugia dans la prière et une vie exemplaire. Il ajouta à ses promesses, non pas l'affranchissement de l'esclave et des siens ; il ne faut pas pousser le bouchon trop loin dans la mansuétude chrétienne, mais leur placement sous la tutelle des moines de l’abbaye de Micy pour qu'ils les servent humblement…

De ce jour et jusqu'à sa mort, Agylus converti à la nouvelle foi, mena une vie exemplaire qu'il débuta par un pèlerinage jusqu'à Jérusalem. Revenu de ce long périple rédempteur durant lequel Dieu, quelque peu rancunier l'avait accablé d'une fièvre pernicieuse, celui qui avait abandonné sa charge de lieutenant mourut dans sa maison de campagne sise dans un petit village de pêcheurs à quelques lieues de là en bord de Loire.

Averti de l'issue probable de l'agonie du nouvel agneau de Dieu, Austin, l'évêque d'Orléans, et Saint Avit, l'Abbé de Saint Mesmin, se précipitèrent avec un goupillon pour administrer le saint sacrement et les Saintes Eulogies juste avant le dernier soupir de celui qui mourait en odeur de sainteté le 30 Août 593.

Il fut enterré dans la Chapelle « Notre-Dame » qu'il avait fait ériger avant son départ pour le pèlerinage. Au fil du temps et de la renommée de cet épisode édifiant, la Chapelle tout comme le petit village consacrèrent la gloire éternelle de celui qui devint Saint Ay. Vous pouvez juger de la dimension crédible de ce récit hagiographique dans le cas contraire, ne tentez pas d'élever la main sur moi, vous pourriez vous en mordre les doigts d'autant que se rendre à Jérusalem en ce moment n'est pas une sinécure.

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10 réactions à cet article    


  • Seth 10 avril 15:18

    De petits extraits d’une conteuse de chez nous :

    https://www.youtube.com/watch?v=FrTLQycJytk


    • C'est Nabum C’est Nabum 10 avril 18:02

      @Seth

      Merci
      Je n’ai nulle prétention à me compter dans les conteurs de son talent
      Je ne suis qu’un Bonimenteur


    • Seth 10 avril 15:39

      Et celui là dans un genre différent...

      Lo cagadou



      • Seth 10 avril 19:02

        @C’est Nabum

        Merci.

        Je me retrouve plus dans ton cagadou que dans celui de Chavaroche. smiley


      • C'est Nabum C’est Nabum 10 avril 19:55

        @Seth

        C’est très gentil


      • Jérémy Cigognier Jérémy Cigognier 12 avril 19:08

        Vous pouvez juger de la dimension crédible de ce récit hagiographique dans le cas contraire, ne tentez pas d’élever la main sur moi, vous pourriez vous en mordre les doigts d’autant que se rendre à Jérusalem en ce moment n’est pas une sinécure.

        Ce joli humour est bienvenu après tant de psychose  car c’est ainsi, une psychose, que d’être sous l’oeil du Dieu exclusif comme sous l’oeil de Sauron, Freud approuverait (névrose orale=narcissique).

        Et pourtant, voici ce qui dénote la poursuite des valeurs chrétiennes sécularisées, dans la démarche :

        [Agylus] ajouta à ses promesses, non pas l’affranchissement de l’esclave et des siens ; il ne faut pas pousser le bouchon trop loin dans la mansuétude chrétienne, mais leur placement sous la tutelle des moines de l’abbaye de Micy pour qu’ils les servent humblement…

        C’est dire que votre mansuétude est plus royaliste que le roi  « plus chrétienne que le Christ ». Critiquer les chrétiens au nom de leurs valeurs est un sport couru.

        Maintenant, il faut songer à la condition d’esclave, si répandue, à l’époque : il y a autant qu’il y a d’esclave. Le criminel envoyé aux galères pour y mourir d’effort sous le fouet, n’est pas la dame de compagnie dans les appartements d’un riche patricien, etc.

        On le voit, plus récemment, mis en scène dans Django unchained de Tarantino : autant d’Afro-Américains, autant de conditions, pour ainsi dire. Le tout étant de « se faire une raison ». Où le plus curieux, c’est que nous nommons libre qui ne s’en fait pas une, voire ne s’en fait jamais, et même qui déraisonne (combien, pour vanter des formes de folies ?).

        Aussi, vos valeurs chrétiennes qui s’ignorent ne vont-elles pas encore assez loin dans le pardon !

        Revenu de ce long périple rédempteur durant lequel Dieu, quelque peu rancunier l’avait accablé d’une fièvre pernicieuse, celui qui avait abandonné sa charge de lieutenant mourut dans sa maison de campagne sise dans un petit village de pêcheurs à quelques lieues de là en bord de Loire.

        Vous soulignez là un point essentiel : le Dieu exclusif, largement identifié au sort à s’en disputer d’arrache-pied l’interprétation avec son diable, est incohérent et/ou injuste, enfin reste même dans le christianisme le forcené du Tanakh (Bible hébraïque, réaménagée en « Ancien Testament » par les chrétiens).

        Par définition, le sort est impersonnel.

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