Comme je l’ai écrit dans mes articles précédents, je ne suis pas un spécialiste de l’islam. C’est à la suite de mes travaux sur le christianisme que je me suis interrogé sur quelques points de détail de l’histoire du prophète Mahomet. Par analogie avec ce que je crois avoir trouvé dans l’histoire du christianisme, je me demande si le Prophète n’existait pas, tantôt en tant que conseil, tantôt en tant qu’individu au sein d’un conseil, les deux étant indissociables.
Suite au débat auquel a donné lieu mon dernier article et comme me l’a conseillé un commentateur (Kronki), j’ai pris connaissance sur internet des theses de luxenberg. Je me suis également reporté aux ouvrages d’Edouard-Marie Gallez sur les origines de l’islam qui semblent aller dans ce sens, mais je n’ai pas eu le courage d’étudier en profondeur son raisonnement philologique tant les démonstrations en sont techniques. Faire naître l’islam en Syrie plutôt qu’en Arabie, y voir La Mecque d’origine, penser que des textes ont été écrits ou modifiés pour dire autres choses que la réalité... cela me surprend.

Je préfère revenir aux textes et à mes hypothèses car, comme l’écrit une autre commentatrice (Feryel Mokrani), il faudrait peut-être
accepter que les livres saints soient truffés d’allégories mais corroborent malgré tout des faits historiques et scientifiques. Eh bien, commençons par la Bible en y appliquant mon hypothèse sur les conseils.
Hagar et Ismaël (Genèse 16). Extrait d’une étude que j’ai faite en 1987.
La Bible nous dit (d’une façon voilée) qu’en ce temps-là, le conseil sémite ‘’Abraham’’ n’avait pas encore obtenu du Dieu d’Egypte l’autorisation de donner à sa vieille troupe araméenne (Sarah), et une troupe nouvelle issue de son sang, et un conseil nouveau de prêtres pour commander cette troupe. Dès lors qu’elle se trouvait condamnée à la stérilité, Sarah alla chercher la troupe mercenaire égyptienne (Agar) et la mit dans le lit d’Abraham. Ismaël naquit de cette union (c’était un jeune conseil de prêtres appelé à succéder à l’ancien conseil). La Bible nous précise qu’Abraham (l’ancien conseil) était alors âgé de quatre-vingt-six ans. Cela situerait l’événement aux alentours de l’an 2 079.
En langage de notre époque, cela signifie que le Dieu d’Egypte a fait pression sur le sémite Abraham pour qu’il se donne un héritier de sang égyptien, c’est-à-dire pour qu’après sa mort – ou sa démission – ce soit un conseil égyptien qui règne à Bersabée. Mais l’Histoire a une logique. La troupe araméenne (l’épouse légitime Sarah) n’a pas accepté de s’effacer devant la troupe égyptienne mercenaire (la servante Agar). Son irritation, ses plaintes auprès d’Abraham sont les réactions normales d’une femme légitime - ou plutôt d’une troupe légitime – qui, finalement, l’a emporté sur la concubine en donnant naissance à un conseil de son sang (Isaac). Dans la logique de l’Histoire et en langage de notre époque, cela signifie que des heurts se sont produits entre la troupe araméenne et la troupe égyptienne, que la première l’a emporté et que la seconde a dû s’expatrier.
La Bible ajoute qu’Agar et Ismaël, après avoir erré dans le désert de Param, s’établirent dans le pays qui est face à l’Egypte, de Hawila à Chour (Gn 25, 18). Quelle est cette contrée ? Abraham, rayonnant depuis Bersabée, occupait, de toute évidence, l’ancien pays de Madian, d’Hébron au golfe d’Akaba. L’ancien territoire de Lot autour de Soar étant destiné aux fils d’Esaü, Ismaël ne pouvait faire souche que plus au sud, en Arabie. L’itinéraire le plus facile et le plus logique pour pénétrer dans ce pays suivait le golfe d’Akaba jusqu’à La Mecque (voir carte en fin d’article).
Il est possible, que le puits de Lahaï-Roï dont parle la Bible ait été le premier nom de La Mecque. Ce puits était un puits d’eau vive. Certes, on me fera remarquer qu’il est écrit dans la Bible que ce puits ne se trouvait qu’à une portée d’arc du désert de Bersabée (Gn 21, 16). Je réponds : en effet, à une portée… d’arc-en-ciel.
Deux points importants sont à retenir : Dieu était avec Ismaël (Gn 21, 20). Sa mère lui prit une femme du pays d’Egypte (une troupe militaire) et il peupla le pays d’une nombreuse descendance (Gn 25, 12 - 16).
Quant aux chroniqueurs arabes, ils ont noté sur leurs tablettes qu’Ismaël s’établit à La Mecque en l’an 2 106 avant J.C., soit 35 ans plus tôt que la date que je déduis du texte biblique. Sur le plan de la chronologie des dates, la correspondance, à quelques années près, est étonnante. Les mêmes chroniqueurs ajoutent qu’il aurait dressé la Kaaba à ce moment-là. C’est donc un patriarche de pensée sémite et de sang égyptien qui aurait amené à La Mecque ce mausolée oppidumique avec tout le symbolisme religieux qui gravitait autour. Porteur de deux cultures rayonnantes - la mésopotamienne et l’égyptienne - il est dans la logique de l’histoire qu’une grande religion soit sortie de lui.
Généalogie spirituelle et généalogie par le sang.
Si l’on admet mon hypothèse, à savoir qu’Abraham et ses successeurs étaient des conseils - dont il faut noter que la durée de règne est bien supérieure à la durée de vie d’un individu - il s’ensuit qu’il faudrait revoir la généalogie du Prophète. Il faudrait peut-être comprendre que la généalogie paternelle qu’on lui a jusqu’à maintenant attribuée n’est en aucune façon une généalogie par le sang mais une généalogie par l’esprit. Autrement dit, si le conseil-Abdallah est père (spirituel) du conseil-Mahomet, ce serait parce que cet Abdallah aurait extrait sept hommes de sa femme-population pour en faire un conseil-adjoint. Cela signifierait que ces sept hommes sont issus génétiquement par le sang de cette population. Or, cette population s’appelait Aminah bint Wahb de Zuhra. Elle habitait à La Mecque ou plutôt dans une tribu proche.
Bref, si Abdallah a choisi comme conseil pour lui succéder sept Arabes d’Arabie dans la filiation d’Ismaël, c’est de toute évidence pour rester dans la tradition et pour accomplir la prophétie qu’une grande religion arabe devait sortir de lui. Choisir son conseil/fils en dehors d’Arabie, dans une population chrétienne de Syrie, aurait signifié le retour dans la filiation juive d’Isaac. C’était théologiquement impossible ! En voici la preuve.
Il y avait à La Mecque un chrétien nommé Waraqa dont la sœur - qui se trouvait en Syrie - avait le don de la prospective politique (extrait de l’étude que j’ai faite en 1987 d’après le livre de Tabari). Personne ne pensait alors qu’un prophète allait naître en Arabie. Un jour, alors qu’elle était venue s’asseoir à la porte de la Kaaba, elle vit le conseil Abdallah sortir de la mosquée. Comme celui-ci se dirigeait vers sa maison forte pour y rejoindre sa femme légitime (sa troupe militaire régulière), elle vit sur son front comme une langue de feu. Elle avait lu dans les textes sacrés que c’était par ce signe que Dieu annonçait la naissance des prophètes (Actes des Apôtres 2, 1- 4).
Voyant sur le front d’Abdallah le signe de la prophétie, la sœur de Waraqa l’accosta et lui dit : « Ô puissant Abdallah, je suis la sœur de Waraqa (la sœur chrétienne syrienne des chrétiens vivant à La Mecque). Si tu me prends pour épouse, je t’apporterai dans mon escarcelle une caravane de cent chameaux (une caravane de cent chameaux, ce n’est pas une dot négligeable pour un conseil qui, en compagnie de ses frères Hâshim, tirait le principal de ses ressources de son commerce avec la Syrie chrétienne).
La sœur de Waraqa ignorait qu’Abdallah était marié (parce qu’elle n’habitait pas à La Mecque). Celui-ci répondit : « Voilà une offre fort intéressante. Ne bouge pas de là, je vais demander son avis à mon vieux conseil de père. »
Or, comme Abdallah était rentré dans son château fort, Amina, sa troupe régulière, se jeta à son cou. Amina était belle. Oubliant la sœur de Waraqa, Abdallah, enflammé de passion, s’unit à sa femme. Ainsi fut conçu Mahomet dans le sein d’Amina.
Lorsque Abdallah retourna vers la sœur de Waraqa, la langue de feu qui était sur son front avait disparu. Ne voyant plus sur la figure de celui qu’elle avait désiré le rayonnement prophétique, la chrétienne de Syrie devina que ce rayonnement qu’il portait en lui était sorti de son corps (pour passer dans le fœtus Mahomet). Ayant appris qu’Abdallah avait une femme, qu’il l’aimait d’amour vrai et qu’il voulait continuer à vivre avec elle, la sœur de Waraqa comprit que le trésor qu’elle convoitait était perdu pour elle. Elle lui dit : « J’aurais voulu une union entre toi et moi. J’aurais voulu que de cette union entre les chrétiens de Syrie et ta famille régnante sorte le futur messager de Dieu qui aurait régné en maître sur le pays. Mais puisque tu as préféré l’alliance avec ton peuple, va ! Je n’ai plus de désir pour toi. Je te comprends. Restons amis. »
Le témoignage de saint Paul
Dans son épître aux Galates d’Asie Mineure, Paul nous apprend quelque chose de très important que les Actes des Apôtres ont passée sous silence. La première mission de prédication dont il fut chargé aussitôt après sa conversion le conduisit non pas chez les Juifs, non pas chez les païens, mais chez les Arabes. Or, de même que Pierre a voulu convertir le peuple romain (Corneille) en le "guérissant" à sa source, par le troyen Enée (Act 9, 32-35), de même Paul se devait d’aller convertir Hagar...
et donc dans la péninsule arabique et non en Syrie (car Paul connaissait ses textes et ne pouvait ignorer le point de chute d’Hagar en Arabie).

Bref, on devine que la conversion des Arabes à la parole évangélique ne pouvait se faire dans de bonnes conditions que si on commençait la prédication/entreprise de guérison à la source, c’est-à-dire à La Mecque, là où vivaient les descendants directs d’Hagar. Il s’agissait donc, pour Paul, de convertir Hagar. Si l’on raisonne dans l’esprit de l’épître aux Galates, il aurait fallu que les Arabes de La Mecque se disent, théologiquement, fils d’Abraham par Sarah et non fils d’Abraham par Hagar. Manifestement, la chose était, historiquement, impossible. Comment les Arabes auraient-ils pu renoncer ainsi à une généalogie qui faisait à la fois leur richesse et leur différence ? Il semble que sur ce point-là, Paul ait subi un demi-échec. Sa condamnation des enfants d’Hagar qui préfèrent rester dans l’esclavage de la Loi (plutôt que d’accepter son évangile et sa Jérusalem céleste) peut très bien être une allusion aux Arabes de La Mecque qui n’ont pas voulu se convertir. Et d’autant moins se convertir que ceux-ci pouvaient arguer du fait qu’ils descendaient d’Abraham par la branche ainée (Ismaël), alors que les juifs n’étaient issus que de la branche cadette (Isaac).
Intérêt et limites de la philologie.
Voici donc quelques textes parmi d’autres qui, contrairement aux thèses précitées d’E.M. Gallez, semblent bien confirmer l’ancrage de l’islam dans la péninsule arabique et non en Syrie.
Quant à Luxenberg, on ne peut pas lui reprocher de mettre en exergue les difficultés de lecture de certains écrits de l’époque du fait de l’absence des voyelles et à cause d’un fameux accent, source de confusion. C’est ainsi que le gouverneur de Médine fit castrer tous les chanteurs et danseurs de la ville alors que le Calife ne lui aurait demandé par écrit que de les recenser. C’est ainsi que les kamikazes se font exploser de nos jours dans l’espoir de retrouver au ciel de belles houris éternellement vierges alors que la sourate en question n’évoque qu’une image poétique de paradis aux raisins blancs.
Mais contrairement à ce que certains pourraient en déduire, ces deux exemples prouvent en fait qu’il n’y a pas eu manipulation des écrits originaux, mais interprétation parfois erronée sans mauvaise intention. Pour ma part, je crois à la sincérité des hommes, y compris dans le domaine des religions. Et même si on peut discuter sur le rôle d’Uthman dans la recension des textes, il n’y a aucune raison de douter de la bonne foi des scribes qui furent chargés de ce travail. E.M. Gallez voit dans nombre de sourates coraniques des inclusions postérieures qui en auraient faussé le sens. Je ne le pense pas. De même que les textes évangéliques ont été écrits, dès le départ, en reprenant dans l’ancien testament des parties déjà révélées ou prophétisées, il me semble assez logique, dès le départ, que, dans le cas de l’islam, cette révélation se soit retrouvée complétée et renouvelée par un Mahomet inspiré.
Mon hypothèse, très prudente, serait un Coran de sourates qui seraient descendues dans l’esprit du conseil musulman lorsqu’il se réunissait, chaque réunion donnant lieu à la rédaction d’un texte final - en arabe bien écrit - sur lequel les membres du conseil se mettaient d’accord. C’est Omar qui avait la meilleure inspiration.