Relations des chrétiens à tangrisme
Il est intéressant, par exemple que les chrétiens d'Orient comparaient Hulagu Khan et son épouse avec « deux grands astres de la foi chrétienne » : leur saint empereur Constantin et son épouse Elena comme écrivait Bar Hebraeus au nom de l’Église syriaque jacobite et Kirakos de Kantzag au nom de l’Église arménienne ([1], с. 442).
Le prince Nikolaï Troubetskoï dans son livre L’héritage de Gengis Khan [2] souligne le grand rôle des peuples turco-mongols dans le développement de l’Etat russe :
« On sait bien que la Russie a été incluse dans le système financier de l’Etat mongol et le fait que beaucoup des mots russes d’origine mongole et tatare (par exemple « kazna » - « trésor », « kaznatcheï » - « trésorier », « denga » - « monnaie », « tamoznia » - « douanes » …) sont toujours utilisés dans ce domaine montre que le système financier mongol n’a pas seulement été bien adopté mais a survécu à la domination tatare… S’il existe une telle continuité entre les Etats mongol et russe dans les domaines si importants comme le système financier, la poste et le transport, on peut naturellement supposer l’existence de la continuité similaire dans la construction de l’appareil administratif, dans l’organisation de l’armée, etc. »
Citons l’opinion de Troubetskoï sur le système de Gengis Khan. Je partage cette opinion et je peux l’expliquer sans cette citation. Mais, exprimée par un représentant éminent d’un peuple dominé autrefois par les turco-mongols, elle est plus convaincante :
« Gengis Khan était un grand conquérant mais aussi un grand organisateur. Etant un grand homme d’Etat, il ne se bornait pas à des tâches courantes, mais il appliquait ses idées et ses principes qui composaient un système harmonieux…
Gengis Khan avait des exigences morales par rapport à ses subordonnés : des hauts dignitaires et des chefs de guerre supérieurs aux simples guerriers. Il appréciait beaucoup et encourageait la fidélité, le dévouement et le courage ; les défauts qu’il méprisait profondément étaient la trahison et la lâcheté … après chaque victoire sur un roi ou un autre souverain, le grand conquérant donnait l’ordre d’exécuter les dignitaires et les courtisans qui avaient trahi leur maître … Et au contraire, après la conquête d’un nouveau royaume ou d’une principauté, Gengis Khan récompensait et approchait à lui tous ceux qui restaient fidèles à l’ancien maître de ce pays, malgré une situation désespérée et dangereuse. Car la fidélité et la fermeté de ces hommes montraient leur appartenance au type psychologique sur lequel Gengis Khan voulait fonder son système étatique. Pour les hommes de ce type psychologique, apprécié par Gengis Khan, leur honneur et leur dignité est plus importantes que leur sécurité et leur richesse. »
Le prince russe décrit la noblesse de Gengis Khan dans les termes suivants :
« Ils ont dans leur conscience un code de conduite des hommes honnêtes et respectables ; ils tiennent à ce code, le respectent religieusement comme aux règles sacrées et ne peuvent pas le violer car le manquement à ce code aurait entraîné le mépris de soi-même ce qui pour eux est pire que la mort. En se respectant, ils respectent les autres qui tiennent le même code de conduite …un homme de ce type se considère comme appartenant à un système hiérarchique subordonné par à un homme mais au Dieu… Gengis Khan, lui-même, appartenait à ce type des hommes. Même, après avoir vaincu tous et tous le monde, après être devenu le souverain du plus grand Etat dans l’histoire de la Terre, il continuait de le sentir vivement et était conscient de sa soumission totale à la volonté supérieure, il se considérait comme un instrument entre les mains du Dieu. »
Troubetskoï décrit le rôle de la religion tangraïste en Empire mongol dans les termes suivantes :
« Etant un homme profondément religieux, Gengis Khan pensait que la religiosité était une composante nécessaire de cette orientation psychique qu’il appréciait dans ses subordonnés. Afin d’accomplir sa tâche intrépidement et inconditionnellement, un homme doit intuitivement, non de façon abstraite, mais par tout son âme croire que sa destinée et les destinées des autres et du monde entier sont entre les mains d’un être suprême, infiniment supérieur et à qui on doit accorder une confiance absolue ; ce ne peut être que le Dieu mais pas un homme. Un guerrier discipliné, qui sait bien exécuter les ordre de son chef ainsi que diriger ses propres subordonnés, sans jamais perdre estime à soi-même et, par conséquent, capable d’estimer les autres et susciter leur respect, ne peut être, en fait, subordonné qu’à une instance immatérielle, non terrestre, à la différence d’une nature servile, qui a une peur terrienne, qui a les désirs terriens, qui a les ambitions terriennes. »
Analysons maintenant une affirmation intéressante de Troubetskoï [2] :
« Le pouvoir de Gengis Khan comme d’un élu et d’instrument du dieu de Ciel n’a été fondé que du point de vu du chamanisme, c’est-à-dire d’une religion le plus flou dogmatiquement qui ne prétendait pas à une large diffusion, sans force offensive et incapable de concurrencer les autres religions dominantes en Asie et en Europe. »
On peut être d’accord que la religion tangraïste n’est pas très dogmatisée et reste assez flou. Mais l’existence des prêtres, appelés les « chamans blancs » montre qu’il est exagéré de parler d’une religion trop amorphe. C’est vrai que les khans ne soutenaient pas le renforcement du pouvoir des chamans blancs et de leur organisation hiérarchique. Ainsi, les tentatives de Teb-Tenggeri, grand chaman de l’Empire mongol, de contrôler les actions de Gengis Khan a entraîné rapidement son exécution.
L’expression « ne prétendait pas à une large diffusion » par rapport de la religion tangraïste signifie l’absence de l’agressivité, du désir d’imposer leur religion aux autres peuples car elle s’est répandue, plusieurs siècle avant Gengis Khan, sur les immenses territoires du Pacifique au Danube. Elle ne tentait pas de concurrencer les autres religions car, du point de vue des cavaliers des steppes, tous les grandes religion étaient compatibles avec leur religion [3].
Notons que les « chamans blancs » sont les prêtres tangristes tandis que les chamans ordinaires ne sont que les guérisseurs. Les chamans doués étaient souvent à la fois des hypnotiseurs, des poètes et des chanteurs, capables dans le costume lourd de quinze kilos de sauter pendant leurs danses à une hauteur d’un mètre et demi, ils pouvaient avaler les charbons ardents, maîtrisaient l’art de prestidigitation, savaient soigner beaucoup de maladies. Et ils étaient nombreux jusqu’à récemment. L’existence d’une telle quantité d’hommes doués m’étonne beaucoup.
Le terme « un chamaniste » pour l’Européen moyen signifie « un représentant d’un peuple (sous-développé) qui ne confesse aucune des grandes religions ». On pense ainsi que les Indiens d’Amérique, beaucoup d’Africains, les Papous, les Tchouktches et les Sakhas confessent la même religion. Pourtant il existe évidemment une très grande différence entre le chaman Teb-Tenggeri qui a « couronné » Gengis Khan et un sorcier aborigène d’Australie.
Le chamanisme existait dans les steppes bien avant la fondation du premier empire hun de Modoun [4]. Il était basé sur les croyances animistes et polythéistes. C'est pourquoi les chamans guérisseurs étaient aussi loin de la religion tangrienne comme les sorcières avec qui luttait sans pitié l’Inquisition étaient loin de l’Eglise officielle.
Nous expliquons l’interprétation polythéiste de la religion tangrienne, propre à une partie des Sakhas (Yakoutes), en particulier, par l’influence des peuples autochtones chamanique du Grand Nord.
Références :
1. Grousset R. L'Empire des steppes. Payot, 1965, 656 p.
2. Трубецкой Н.С. Наследие Чингисхана, М. : Араф, 1999, 554 с.
3. Tomski G. Religion d'Attila et de Gengis Khan et ses versions modernes (Amazon Kindle), 2016, 253 p.
4. Tomski G. Les amis d'Attila (Roman historique en formar Amazon Kindle), 2016, 439 p.
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