Et quand est-ce que tu reprends le boulot ?
"Et quand est-ce que tu reprends le boulot ?"
Cette question, je l'ai entendue très régulièrement durant les 15 mois d'arrêt qu'ont nécessité mes traitements anti-cancéreux (mastectomie, curage axillaire, chimiothérapie et radiothérapie).
Même si les personnes qui m'interrogeaient témoignaient en réalité d'une maladroite compassion, je ne pouvais m'empêcher de culpabiliser d'être en arrêt dans les rares moments d'accalmie que m'octroyaient les éprouvantes séances de chimiothérapie. Cette question me semblait à l'inverse cruelle au plus fort de mes traitements.
Ai-je choisi d'être arrêtée si longtemps ? Jamais ! Cette décision a été prise par les oncologues qui me suivaient. Je n'ai jamais été une profiteuse du système de santé, je pense avoir affronté mon cancer avec courage et dignité mais il m'aurait été totalement impossible de travailler durant mes traitements.
L'exemple récent de Mme Bertinotti, relayé et commenté abondamment dans la presse, m'a fait bondir. Que cette ministre soit courageuse, nul n'en doute. Que des journalistes, voire des médecins louent le fait qu'une personne atteinte d'un cancer continue à travailler, insinuant sans autre forme d'explication ou de précision que ce type de traitements peut tout à fait être compatible avec une activité professionnelle, me semble injuste.
"Après sa huitième séance de chimio, fin août, juste avant son opération, elle discourait sur l'estrade de l'amphithéâtre à La Rochelle."Quand je lis cet extrait de l'article du Monde consacré à Dominique Bertinetti, je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec mon vécu. Après ma 8ème séance de chimio, ma plante des pieds était brûlée, je ne pouvais plus faire un pas ou lever les bras sans ressentir de douleurs ni être essoufflée et j'ai attendu 2 mois avant de pouvoir simplement tenir sur mes jambes quelques minutes.
J'aurais donc simplement apprécié que les mêmes personnes qui félicitent notre ministre pour son courage précisent expressément que chaque personne, chaque réaction, chaque type de chimiothérapie et chaque dosage sont différents. Le fait d'ériger Mme Bertinotti en héroïne renvoie donc en comparaison une image déplorable des autres malades.
Si l'annonce de cette ministre a permis de mettre en lumière les inégalités de soins du cancer en France, je trouve en revanche dangereux qu'elle sème un doute sur la nécessité des arrêts liés à cette maladie. Comment pourra-t-on justifier à l'avenir des arrêts longs mais totalement indispensables alors que cet exemple sera dans toutes les têtes ?
Laure D.
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