Mon consentement éclairé
Le bistouri sous la gorge.
Comme des millions d’assurés sociaux de ce pays, on m’a demandé de signer un curieux parchemin, une lettre de cachet des temps anciens pour le paiement d’un octroi ouvrant droit aux soins. Deux bandits de grands destins veulent ainsi me ponctionner d’une part non négligeable de ma pension afin de pouvoir exercer leur métier avec plus de bénéfices encore.
On me dit que ces deux personnages ont jadis signé un serment s’engageant à soigner leurs semblables. Hippocrate devait tout ignorer des dépassements d’honoraires : cette sale pratique de nos joyeux hypocrites. La médecine est devenue d’abord une source de revenus pour les seuls carabins. Le personnel qui entoure ces nobles mandarins étant, quant à lui, traité avec les règles qui sévissent dans l’économie libérale : baisse des employés, augmentation des charges de travail, réduction des salaires, cadences infernales et absence de droits.
La médecine n’est plus à deux vitesses, elle est passée en mode automatique. Tout conduit à la sortie de route pour les exclus, les indigents, les petites retraites et les maigres salaires. Le passage chez un spécialiste s’accompagne quasi systématiquement d’un surcoût ; ces gens-là ont de si grands besoins et doivent assurer leur train de vie quand d’autres se contentent de survivre.
On ferme les yeux dans les allées du pouvoir, d’autant plus aisément qu’il y a, face à ce racket à la santé, des situations bien différentes. Ceux qui ont le pouvoir de décider bénéficiant de mutuelles qui remboursent le péage aux soins qu’imposent les malandrins en blouse blanche. On se moque de savoir ce qui se passe pour les petites gens en déclarant la main sur le cœur que l'hôpital public est encore là pour les recevoir.
À moins d’être prioritaire et de se faire soigner à l’hôpital américain de Neuilly, essayez donc d’obtenir dans nos déserts médicaux un rendez-vous. Il faut patienter des mois, prendre celui qui veut bien vous recevoir et découvrir, un peu tard, qu’il pratique lui aussi la technique du coupe-jarret en s’en prenant à votre bourse pour épargner votre vie. Ensuite vous êtes tombé dans l’engrenage qui vous conduira à signer, dépité et contraint, ce consentement des temps obscurs.
C’est mon ressentiment éclairé que je viens contresigner ici. J’enrage de la morgue de ces petits blancs-becs, tout juste sortis des travées de l’université et qui se lancent déjà dans la course à l'échalote. « Je ne vous opère que si vous crachez au bassinet ! ». La belle menace que voilà ! « Signez et vous aurez droit à mes services ! ». L’infâme requête que voici !
Je comprends mieux que nos joyeux drilles du bistouri se présentent avec un masque sur le visage. Ils suivent les traces des bandits d’autrefois, taillant dans le vif pour s’enrichir. Chacun , tôt ou tard, devra subir l’agression que constitue cette demande de signature que ces lascars n’ont même pas le courage d'exiger eux-mêmes. Ils confient la sale besogne à une secrétaire médicale qui se trouve dans le même dénuement que le pauvre signataire.
Finalement, tout va bien dans le meilleur des systèmes de santé possible puisque nous n’avons aucun recours, aucun moyen de refuser, à moins de préférer ne pas être soigné. C’est la force de cette bande organisée qui sévit dans les cliniques privées : ces succursales du profit honteux où les dividendes accordés aux parasites d’actionnaires sont bien plus importants que le bien-être des patients.
Patients qui ne sont d’ailleurs que de simples clients qu’il convient de gruger, pressurer, ponctionner sans la moindre délicatesse. On vous taille une belle boutonnière et on vous vide vos bourses. Pour éclairer ce fameux consentement, je vais devoir prendre ma vessie pour une lanterne. Je n’ai plus que ma colère et mon indignation à opposer à un système qui ne va pas s’arranger. Le Prince des risettes entendant bien tailler encore plus profondément dans l’égalité à l’accès aux soins. Notre pays est bien malade pour le plus grand bien des gredins qui nous soignent.
Médicalement leur.
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