Frégates de Taiwan : la liste des réceptionnaires chinois des commissions occultes légales
Cet article s’inscrit dans la formidable accélération qui se produit dans les procédures judiciaires engagées à Taiwan sur le dossier des commissions occultes, mais légales à l’époque, relatives notamment à la vente des frégates Lafayette à Taiwan. Ce qui est publié ici provient d’un article très complet choisi parmi nombre d’autres. Ses sources originelles sont les masses de documents bancaires arrivés par divers biais de Suisse notamment, mais pas exclusivement, à la justice taiwanaise. Ce sont ces éléments documentaires qui ont permis aux magistrats financiers de Taiwan de chiffrer le montant des « commissions légales occultes » remises à des hauts responsables chinois ainsi que d’identifier leurs heureux bénéficiaires. C’est une exclusivité Agoravox puisque ces informations indiscutées et avérées n’ont jamais été publiées en France.
Les activités très discrètes du réseau « Lily Liu » mises au jour
Il faut croire que la presse française a du mal à trouver, à l’heure de la mondialisation de l’information, de bons traducteurs mandarin-français.
Elle n’a en tout cas, semble-t-il, jamais noté que la liste des récipiendaires chinois de versements discrets avait été publiée dans le monde médiatique, sur la base de preuves indiscutables et jamais niées par les intéressés eux-mêmes, certes en mandarin.
Cela fait plus de trois ans que la justice taiwanaise a totalement mis au jour toutes les activités discrètes du réseau dit « Lily Liu » dans l’affaire des frégates de Taiwan, trois ans que la presse de Taipei a publié noms et données financières.
Pendant ces trois ans, tant la justice de la République que les médias français semblent n’en avoir jamais entendu parler. Ou alors, peut-être, les frais de traduction de quelques articles ont empêché de publier des informations pourtant très enrichissantes sur les mœurs de la dictature de Pékin et ses penchants pour des enrichissements personnels illicites selon le Code pénal chinois, appliqué pourtant avec férocité dans d’autres circonstances pour d’autres gens.
Il est aussi vrai que le Parquet avait interdit au magistrat Renaud Van Ruybeke de prendre attache avec ses homologues de Taipei afin de s’informer de manière respectueuse du Code de procédure pénale des avancées significatives réalisés par ses collègues de Taiwan.
Pourtant, ce réseau, dirigé par une très proche des plus hautes sphères politiques chinoises du moment, surnommée "Lily Liu", était celui qui avait la charge d’obtenir une « compréhension » des autorités de la dictature de Pékin envers la livraison par la France à Taiwan d’armements nouveaux, ceci au profit de diverses sociétés françaises d’armements.
C’est donc sur Agoravox que la vérité, déjà connue ailleurs, arrive en France pour informer, sources avérées à l’appui, le public français sur ce scandale international.
Pour l’heure, nous allons donc évoquer les « commissions légales occultes » versées à certains hauts membres du régime de Pékin pour prix de leur « accord » implicite - d’aucuns diraient de leur silence complice - à ces livraisons d’armements.
Un chiffre d’abord : selon l’ensemble des documents bancaires venant de Suisse et d’autres Etats où les banques forment un quasi-Etat dans l’Etat et remis aux magistrats taiwanais qui enquêtent depuis 1993 sur ce dossier, ce sont au total 366 millions de dollars (environ plus 220 millions d’euros) de « commissions » qui ont été versées à ces dignitaires chinois, hauts responsables du Parti communiste chinois et de l’Etat de l’époque.
Cerise sur le gâteau pour les citoyens contribuables français que l’on bassine avec les prétendus déficits sociaux et budgétaires : ces 220 millions d’euros sont sortis très légalement des caisses de l’Etat, au nom de la République et avec les signatures ministérielles adéquates, afin de « graisser », aurait-on dit à l’UIMM ou au Medef, les relations « internationales », comprendre : obtenir que l’Etat chinois ne s’oppose en rien à la vente d’armes par des sociétés françaises à Taiwan.
Officiellement donc, tout cela est absolument légal !!!
Sur le plan moral, et par rapport aux citoyens et à leur situation sociale aujourd’hui, cela est évidemment une tout autre affaire. Chacun jugera selon sa propre conscience.
Aux ministres intègres de la dictature de Pékin, le salaire du silence payé par la France
Donc, 220 millions d’euros, soit à peu près 3,70 euros par habitant en France, ont été versés très officiellement par les caisses généreuses de l’Etat à des dirigeants chinois de l’époque (début des années 1990).
Nous n’entrerons pas dans le détail des sommes touchées par chacune des personnes citées, mais les lecteurs comprendront sans effort que plus le poste était haut, plus le montant accordé était élevé.
Nommons-les maintenant afin que la postérité retienne leurs noms et fonctions afin de marquer pour l’Histoire leur honorable intégrité morale, sociale et politique à inscrire dans le Grand Livre des vertus exemplaires :
- Chu Zong Chi, Premier ministre de la Chine au moment du contrat et de ses à-côtés ;
- Li Peng, qui fut auparavant Premier ministre, mais qui doit surtout sa célébrité à la sanglante répression de la place Tien An Men le 4 juin 1989 qui fit plusieurs milliers de morts à Pékin et dont il fut l’organisateur principal. Rappelons ici que les ouvriers et étudiants de Pékin avaient manifesté dans tout le pays en nombre impressionnant avec le slogan : « Tremblez corrompus, le peuple est dans la rue » ;
- Yao Yi Lin, vice-Premier ministre, lui aussi fut un des promoteurs acharnés de la décision de répression le 4 juin 1989 ;
- Chien Chi Tseng, ministre des Affaires étrangères, un homme qui a bien connu son homologue français, Roland Dumas. Son entregent fut efficace pour « persuader » ses collègues du gouvernement d’être « compréhensifs » envers les demandes françaises ;
- Jian Ze Min, qui fut co-organisateur du massacre de la place Tien An Men, était à l’époque secrétaire général du Parti communiste chinois. Il a ainsi été "assuré" que le "parti unique" et ses médias ne s’occuperaient pas de ces contrats franco-taiwanais ;
- Yang Sang Kung, président du Conseil militaire de Chine, en fait à l’époque représentant des forces armées ;
- Liu Hua Ching, vice-président du même Conseil militaire ;
- Wang Chi Shan, gendre de Yao Yi Lin (le vice-Premier ministre déjà cité) et, par ailleurs, président d’une banque dynamique dans les relations internationales : China Construction Bank, banque qui finançait tous les gros projets immobiliers en Chine, souvent en partenariat avec des sociétés étrangères de ce secteur.
Selon les enquêteurs taiwanais se basant sur des documents très précis, cette banque aurait organisé les opérations bancaires nécessaires pour que les sommes versées par le ministère du Budget français arrivent à leurs destinataires pékinois.
Je mets ici le lien de la source officielle publique en mandarin, choisie parmi d’autres pour sa concision et sa clarté sur les points évoqués : http://www.libertytimes.com/2005/new/nov/27/today-fo4.htm
Donc, en résumé, huit hauts responsables du Parti et de l’Etat en Chine à l’époque se sont partagés, certes inégalement, ce qui n’est pas très "maoïste", 220 millions d’euros, soit en moyenne la somme de 27,5 millions d’euros par personne.
Enfin, pour ceux qui pensent que l’affaire des frégates était enterrée, même s’ils ne comprennent pas le mandarin, voici un lien vers une vidéo issue de la télévision taiwanaise qui énonce les accusations mutuelles entre l’ancien président taiwanais Lee Teng Huei et son ministre de la Défense de l’époque, Hau Po Tsun, sur la décision de retenir Thomson-DCN pour acheter des frégates plutôt que le Sud-Coréen Samsung, tout en précisant que vingt-quatre hautes personnalités du pays sont convoquées pour audition et interrogatoire chaque lundi jusqu’au 19 mai 2008.
Les images parlent d’elles-mêmes, sachant que le premier personnage qui parle dans le reportage est Chen Chui Bian, président de la République, expliquant en résumé qu’il veut faire éclater toute la vérité sur l’affaire des frégates Lafayette.
Lien : http://news.yam.com/view/mkvideopage.php/20080410029164
La suite sur les avancées de la justice taiwanaise dans cette affaire qui explose de tous côtés sera très bientôt écrite, toujours sur Agoravox.
Pour les lecteurs sinophones qui veulent prendre de l’avance sur les faits et aller à la source des informations en mandarin, un blog constitué exclusivement d’articles en mandarin sur le scandale des frégates de Taiwan existe :
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