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Accueil du site > Actualités > Société > Handicap : Village (deaf) people

Handicap : Village (deaf) people

Je voulais écrire quelque chose à propos de cette nouvelle[en][fr] lue dans le New York Times le 21 mars[1], mais la Constitution arrivant, les brouillons se sont entassés... Un américain, Marvin T. Miller, a conçu le projet d’un village pour sourds dans le Dakota du Sud. Dans ce village, du nom de Laurent (en hommage à Laurent Clerc, un français qui a créé la première école pour sourds aux Etats-Unis en 1817) tout sera conçu spécifiquement pour les sourds et tout le monde communiquera à l’aide de la langue des signes.

laurent - dessin d
Laurent, Dakota-du-Sud

Le futur village a son site web : les plans sont terminés, et 120 familles ont déjà réservé. Les premières installations devraient sortir de terre en 2006.

Le projet n’a pas manqué de soulever un débat passionné aux Etats-Unis. Je crois que le débat n’a pas encore atteint la France, mais la Constitution Européenne a sans doute un peu obnubilé les esprits, et la nouvelle est sans doute passée à peu près inaperçue (comme plein d’autres).

Il ne faut sans doute pas regarder cet événement avec nos yeux européens. Les Etats-Unis ont une longue tradition de regroupement par communautés, religieuses ou ethniques, en particulier. Cette initiative est donc moins insolite là-bas qu’elle ne le serait ici. Elle pose néanmoins une question grave : ne risque-t-on pas de créer des sortes de ’réserves’ pour sourds, et à terme pour toutes les formes de handicap ? L’extrapolation de ce principe à d’autres formes de handicap fait frémir : peut-on imaginer dans le futur des villes pour déficients mentaux ? On se sent basculer dans un univers digne de Philip K. Dick (les amateurs de science-fiction reconnaîtront le thème de Clans of the alphane moon[en][fr])...

Nous devons nous interroger : pour en arriver à de telles extrémités, les sourds (et malentendants) ne doivent-ils pas ressentir une immense souffrance ? L’isolement qui fait peur dans le projet de village pour sourds n’est-il pas déjà implanté dans le quotidien des sourds ? Notre ignorance collective constitue peut-être la pire des mises à l’écart.

Sait-on qu’il y a quatre millions de sourds et malentendants sévères en France ? Que parmi eux, deux millions sont sourds de naissance ? Que 80% des sourds de naissance sont en situation d’illétrisme ? N’entend-on pas systématiquement la réaction naïve ’ils sont sourds, mais pas aveugles’ ? Certes, mais on n’apprend à lire qu’après avoir appris à parler. Pour les sourds de naissance les symboles alignés sur le papier ne correspondent à rien.

Le résultat est affligeant. Pour des centaines de milliers de sourds, il est imposible de lire un journal, un document administratif, de remplir des formulaires et d’assurer les démarches de la vie courante. Le handicap social et culturel est immense.

Notre société a une réponse bien molle face à cette souffrance. La langue des signes (LSF) n’est tolérée en France que depuis 1976 (si, si, elle a été interdite de 1899 à 1976 !). Il faudra attendre 1991 pour que la loi Fabius reconnaisse aux parents d’enfant sourds le droit de choisir une éducation bilingue LSF/Français pour leur enfant. Ce n’est qu’au début 2005 que l’Assemblée Nationale a reconnu la LSF comme langue à part entière...


Langue des signes française (’bonjour’)

Il faudra très longtemps avant que l’on dispose d’éducateurs et d’interprètes en nombre suffisant —à supposer que l’on puisse atteindre cet idéal un jour. Si elles ne sont bien sûr pas la seule réponse, les technologies peuvent apporter une aide précieuse, notamment pour l’accès des sourds en situation de difficulté de lecture à Internet. La Mairie de Toulouse par exemple, a eu une démarche exemplaire en mettant en ligne sur son site une traduction en langues des signes avec la collaboration de WebSourd.
Accueil sourds Mairie de Toulouse
Mairie de Toulouse

Mais cette technologie est coûteuse et peu flexible, car un traducteur humain doit enregistrer chaque message. Des recherches en cours essaient de mettre au point des avatars 3D qui pourraient traduire le texte en LSF en temps réel d’une manière analogue à la synthèse vocale, voire même dans un futur plus lointain assurer une traduction parole - langue des signes (voir démo).
avatar 3D tessa
Projet Tessa

Pour l’instant, il paraît tout à fait faisable d’avoir des outils d’aide plus limités, par exemple un utilitaire faisant apparaître une traduction en langue des signes du mot sous le curseur, à la façon des traductions proposées dans la nouvelle version de la barre d’outils Google.

De ce point de vue j’attends avec impatience l’atelier sur le traitement automatique de la langue des signes qui aura lieu vendredi dans le cadre de la conférence annuelle de l’ATALA, TALN’2005.

conférence TALN 2005
TALN’2005

Si les politiques traînent des pieds et pratiquent la langue de bois, les scientifiques ne peuvent accepter le silence...

Note

[1] Le texte est désormais dans les archives payantes du New York Times, mais il a été repris ici. Il a été également publié depuis en français dans Courrier International. Voir aussi l’article de Libération du 24 mai.


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