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Accueil du site > Actualités > Société > Le cartable électronique ou la mise en boîte de l’enseignement

Le cartable électronique ou la mise en boîte de l’enseignement

Le Cartable Electronique® correspond à l’idée que chaque élève pourrait posséder un « cartable virtuel » qui le suivrait dans ses déplacements et lui permettrait d’accéder aux ressources éducatives dont il pourrait avoir besoin.

Présentées comme la révolution indépassable à venir, les TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l‘Education) ne recouvrent pas seulement un aspect technique, mais aussi et surtout un aspect politique et même géopolitique.

L’avènement des Espaces Numériques de Travail (ENT) et des services logiciels qui s’y rattachent, est à mettre en corrélation avec la décentralisation et en perspective dans le cadre du Nouvel ordre éducatif mondial.

Les problèmes techniques à proprement parler, posent encore un frein à l’aboutissement d’un réseau mondial d’éducation.

Ses tenants référencent eux-mêmes ces contraintes et travaillent à les solutionner.

Cette question sera un des enjeux essentiels du prochain Forum mondial des apprentissages tout au long de la vie qui se tiendra en 2012 à Marrakech.

Il est évidemment question de mettre le matériel informatique (ordinateurs portables, tablettes numériques) à disposition des élèves mais également des partenaires économiques que l’idéologie marchande tient à associer intrinsèquement au processus d’éducation.

L’accès et la sécurisation du réseau ne sont pas encore au point, et l’idée s’est même déjà fait dépasser par la pratique, des sociétés commerciales s’étant déjà positionnées sur le dispositif et vendent de l’éducation low cost sans contrôle, et du diplôme en boîte numérique en vente libre, le tout aux risques et périls des consommateurs d’éducation.

Les Etats et donc les contenus disparates sont autant d’entraves, mais le nouveau et prometteur marché évalué comme un des plus lucratifs avec 1.400 milliards de dollars par an, ne demande qu’à exploser sous les coups des organisations économiques et financières internationales que sont l’OCDE, le FMI et la Banque Mondiale, ainsi que l’OMC et ses AGCS (Accords généraux sur le commerce des services) que nous avons signés en blanc via l’Union Européenne, et sous la poussée des Etats-Unis.

L’uniformisation du modèle éducatif mondial ne pourrait pas se mettre en place sans ancrage territorial.

La région apprenante, le plus souvent centrée sur une ville apprenante sous la forme de mégapole, a été définie comme cellule de base d’un réseau mondial qui dépasse les frontières, les temps et les lieux dans la nouvelle société apprenante par le Comité mondial des apprentissages actuellement sous la présidence d’Yves Attou, et le parrainage de l’ancien commissaire européen socialiste, Jacques Delors nommé Conseiller principal en éducation de l’Ocde en 1999 et grand initiateur technique du projet, notamment lors du Conseil européen extraordinaire de Lisbonne de 2000 où furent fixées les grandes directives et spécialement à travers les TICE, l’acquisition de compétences clefs telles que le travail en équipe, la créativité, la pluridisciplinarité, la capacité d’adaptation, la communication interculturelle et la capacité de résoudre les problèmes.

Les dites « sciences » de l’éducation servent de support idéologique à ce mondialisme éducatif.

E-Learning (enseignement via les logiciels numériques) et présentiel (présence effective dans un des lieux de la société apprenante) sont les nouveaux concepts qui définissent les modes d’apprentissage.

Vous avez l’étrange impression d’être entrés dans l’atmosphère inhumaine d’un univers de science-fiction ? Vous serez traités de frileux, d’esprit étroit et borné.

Et si votre culture vous a rappelé un certain Ray Bradbury ou plus prosaïquement un joyeux autodafé qui scellerait le même acte de foi décrit dans le Candide, qui empêcherait la terre de trembler, il reste que les frissons vous viennent au gré de la température qui fait le papier s’embraser et par là-même notre âme se consumer.

L’écriture, les tablettes, les livres, la force de la transmission gravée dans le marbre, abattue par une volonté aussi virtuelle qu’invisible, aussi impalpable qu’anonyme, aussi contrôlée qu’elle nous éloigne de la main mise sur notre destin.

Le travail n’est-il pas de brûler toutes les œuvres écrites sans exception, l’épisode de la Princesse de Clèves ne fut que prémices, les classes des humanités fermées par manque d’élèves et de crédits, les suites déjà connues.

Certains événements récents montrent que la réalité dépasse la fiction : aux USA, de nombreux propriétaires d’iPhone n’ont plus pu accéder à des applications qu’ils avaient pourtant achetées légalement via l’Apple Store. Sous la pression de ligues de vertu, Apple avait bloqué toutes les applications qui, rétroactivement, ne correspondaient plus à sa nouvelle ligne commerciale. Le nom de la rose au nom de la pomme.

Les utilisateurs furent mis devant le fait accompli. Apple ayant lancé l’iPad et sa fonction « livres numériques », des associations de défense des libertés fondamentales ont mis en garde contre le fait que la société à pépins puisse effacer à distance des livres qui y auraient été chargés et dont le contenu n’aurait pas l’heur de plaire à des groupes religieux ou philosophiques militants.

Cette hypothèse n’est pas une pure spéculation puisqu’Amazon, qui commercialise des ouvrages sous forme numérique que l’on peut lire via ses terminaux kindle, a effacé, l’an passé, sur ceux-ci, des centaines de livres achetés légalement sur son site. Si la raison en était un problème de droit d’auteur et nullement des pressions de groupes moralistes, le scandale a là aussi été grand et la possibilité qu’ont les services d’Amazon de faire disparaître, via l’activation de verrous numériques à distance, du contenu sur les terminaux que cette société a vendus, a fait froid dans le dos à plus d’un.

Le capitaine Beatty n’est pas mort, il a juste changé de profession : il n’est plus pompier mais informaticien.

Voltaire reviens ! Les 451 ° Fahenreiht sont atteints.« J’ai vu où on allait, il y a longtemps de ça. Je n’ai rien dit. Je suis un de ces innocents qui auraient pu élever la voix quand personne ne voulait écouter les « coupables » ».

Aux livres citoyens, et aux intrépides gardiens de notre parlé gentil, gardez-le franc, pur et clair comme l’argent, car tout un peuple là s’abreuve, car face contre terre qu’un peuple tombe esclave, s’il tient sa langue, il tient la clef, qui le délivre des chaînes.

Que Mistral souffle afin de ne pas emporter loin de nous, le rire de nos enfants, les temps sont assassins.

Oriane Borja

A voir : Le cartable de Big Brother

Texte paru dans le dernier numéro de Nations Presse Magazine


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8 réactions à cet article    


  • Lucknow 4 août 2011 21:20

    Loin d’être d’accord sur tout, mais lire un article qui balaie tout le fatras lexical des TICE et de tout le jargon technologique sur l’éducation, en montrant tous les intérêts bien sentis derrière, et qui ne sont pas forcément ceux des élèves, est un bonheur.


    • orianeborja orianeborja 4 août 2011 22:06

      J’aurais préféré que vous me disiez vos points de désaccord, on avancera.

      En cadeau d’avance, ce lien (qui ne passe pas, tapez : Un rêve fou des technocrates et des industriels)


    • Lucknow 4 août 2011 23:01

      Si j’ai des désaccords, c’est surtout par rapport à votre vision d’un processus conscient et organisé. Mener à bien un projet mondial aussi organisé demanderait des capacités gigantesques, que je vois mal nos « élites » mener, vu leur niveau.

      Le travail n’est-il pas de brûler toutes les œuvres écrites sans exception, l’épisode de la Princesse de Clèves ne fut que prémices, les classes des humanités fermées par manque d’élèves et de crédits, les suites déjà connues.

      Non, pour moi clairement pas, l’épisode de la Princesse de Clèves relève de l’anti-intellectualisme d’un individu en particulier, qui n’a visiblement pas oublié son parcours scolaire médiocre, qui a pu également se reconnaître dans le roman et mal le prendre (cf Richard Attias et Cécilia Sarkozy). Quant aux éditeurs de e-books, ils éditent tout, y compris des oeuvres pas franchement grand public ni « mainstream ». Google numérise tout, y compris des livres imprimés anciens, avec certes des arrière pensées totalement mercantiles, mais si leur but était véritablement d’éradiquer tout le patrimoine culturel, ils procéderaient tout autrement. Tout ce qu’ils veulent, c’est vendre de la camelote et peu importe ce qu’elle est, pourvu que ça rapporte. Là où leur rôle n’est pas neutre, c’est qu’ils introduisent des technologies nouvelles, et la technologie n’est pas neutre, elle induit et pousse à de nouveaux usages, en l’occurrence le zapping et le manque d’approfondissement, mais j’ai du mal à y voir la marque d’un complot prémédité. 

      Les humanités ont été un moment particulier de l’histoire culturelle de l’Europe, mais les figer serait une erreur. Loin de moi l’idée de nier les mérites du latin, mais aujourd’hui, à part pour les linguistes, pourquoi s’y acharner ? Quasiment toutes les oeuvres ont été traduites, et en latin, la part la plus intéressante n’est pas la littérature (les Grecs et les auteurs médiévaux ont fait mieux et plus original), mais toutes les oeuvres historiques, philosophiques, et là, ce n’est pas le style qui compte mais l’expression des idées, rôle rempli par les traductions. Tant qu’à faire apprendre des langues, privilégions par exemple l’allemand, qui met à portée toute la philosophie et les sciences sociales de ce pays. Une langue morte ne peut pas se maintenir indéfiniment, pour le latin, c’est une bifurcation historique qui date de la Renaissance, quand la langue on ne peut plus vivante des clercs médiévaux s’est fait muséifier et a perdu toute capacité d’évolution, et il est aujourd’hui impossible de revenir en arrière, pour plein de raisons, y compris que l’on a écrit plus en latin depuis des siècles, à de rares exceptions. 

      Si l’on veut parler des ravages des sciences de l’éducation, OK, mais leur action a commencé bien avant l’informatique de masse et son arrivée dans les collèges et lycées. Le fond du problème est que l’école n’apprend plus, ou plus assez, mais elle a commencé avant les TICE. Il est totalement vrai par contre que celles ci sont les mieux placées pour donner un emballage agréable à la vacuité intellectuelle, un exemple/parallélisme peut être fait avec les écrans tactiles/interactifs des musées, qui ont remplacé souvent les bonnes vieilles plaquettes murales, certes moins sexy mais au contenu souvent bien plus riche. Dans ce cas, il s’agit d’une poussée de la « culture de masse » à l’intérieur de l’école, mais elle est bien antérieure au pouvoir croissant de petits groupes d’individus, elle date de l’après 45, justement à une époque où le pouvoir de ces petites coteries était momentanément affaibli.

      Mais au fond, les divergences que je peux avoir sur les causes ne changeront pas grand chose à un constat commun, c’est une catastrophe qui s’annonce, parce qu’une éducation au service d’intérêts privés mènera au désastre. 

    • Laratapinhata 5 août 2011 01:27

      D’accord avec vous , sauf en ce qui concerne le latin...
      Apprendre le latin, est une gymnastique du cerveau, à l’égal des maths, et par ailleurs, programme du collège en main , c’est la seule chance d’être initié à la civilisation antique , qui n’est plus que survolée en Histoire, effleurée en Français...
      Sans cette connaissance, des pans entiers de notre littérature, de notre histoire, et même de notre géographie deviennent incompréhensibles.


    • Lucknow 5 août 2011 01:55

      D’une certaine manière je suis d’accord, mais j’ai envie de dire « les bases d’abord ». Et s’il fallait à nouveau retrouver un enseignement important du latin dans le système éducatif, il faudrait repartir sur d’autres bases, notamment en prenant en compte toutes les oeuvres de l’Antiquité Tardive, que ce soient les Pères de l’Eglise ou les courants philosophiques, et aussi le latin médiéval, au corpus gigantesque et d’une qualité extrêmement élevée (notamment la philosophie médiévale). Justement, le latin a servi aussi dans ces occasions à l’édification de notre culture, ça pourrait être une raison supplémentaire de le remettre à l’honneur. 


    • Laratapinhata 5 août 2011 19:34

      Avec les seuls souvenir de ma scolarité lointaine (bac C 74), je peux lire Sidoine Apollinaire...


      Actuellement, le programme de latin (CNED) est surtout une étude de civilisation, et l’étude de l’apport dans la littérature et poésie française... Mais j’y ai vu des auteurs de l’Antiquité tardive...

      Toutes les bases de la grammaire traditionnelle, acquises par ma génération en primaire, y sont enseignées, alors qu’en Français elles ne le sont pas...( Je dispose de tout le programme du collège, via les cours du CNED.) 

      Bien évidemment cela n’a rien à voir avec l’étude des générations antérieures... j’ai un petit fascicule de Français médiéval , à l’usage de la classe de 4ème de 1923... A mon avis, ceci n’est abordable qu’en Licence, aujourd’hui...

    • orianeborja orianeborja 4 août 2011 23:37

      Merci de ces précisions.

      Je n’envisage pas mon propos comme un complot.

       C’est en effet parce que ce n’est pas rentable pour le monde marchand que les humanités sont abandonnées.
      Détrompez-vous sur la Princesse de Clèves, Sarkozy n’est qu’un pantin, il ne faisait que répéter ce que ces amis les industriels disaient sur la non-utilité de la littérature, il n’a aucun pouvoir, les directives passent par dessus ses prérogatives et il feint seulement d’y jouer un rôle (il ne s’agit pas de phantasmes, nous n’avons techniquement, plus aucun pouvoir souverain).

      Sur l’intérêt d’étudier les humanités, auxquelles j’intègre l’histoire, il est très grand, et même les instances économiques et financières, font une grossière erreur en le niant .

      La culture générale est primordiale pour envisager les phénomènes de façon globale, d’une part sur le fond, mais bien plus encore, et vous semblez faire l’impasse dessus, sur la gymnastique intellectuelle qu’elle met en branle.

      Vous évoquez l’allemand, certes très formateur, mais les langues sont elles-aussi, apprises de nos jours selon des méthodes type Assimil, toujours par rentabilité à cours terme.
      Or ma structuration de notre cerveau obéit à des lois (de nombreux travaux en neurosciences le prouvent, je pense à ceux du Nobel de médecine Roger Sperry ou ceux de Stanislas Dehaene du Collège de France, mais bien d’autres).
      Ainsi, même les linguistes et les philosophes n’ignorent pas que le grec est la langue de la pensée par excellence, la langue alphabétique par essence a beaucoup à voir avec la structure en arborescence de nos neurones.

      Seule une structure correcte engendre la capacité d’analyse et de création. En l’abscence et sauf rares exceptions expliquées par les chercheurs en neurosciences, le cerveau n’opère essentiellement qu’une fonction de répétition.

      D’où la catastrophe engendrée par les pseudo sciences de l’éducation qui veulent ignorer que l’ont se construit en allant du plus petit élément en allant vers le toujours plus complexe et avec force de répétitions pour ancrer les chemins synaptiques.

      Les TICE sont certes postérieures à idéologie des nouvelles pédagogies, mais elles s’y inscrivent totalement.

      Justement, le nouvel ordre éducatif mondial,

       - ce n’est pas une dénomination que j’ai inventée, ce sont les termes mêmes des tenants du LLL (Lifelong Learning ou Formation tout au long de la vie dont je vous conseille la lecture de la fiche Wikipedia en anglais, ensuite vous me direz si vous pensez toujours qu’il vous paraît impossible que cela soit un projet. Ils ne se cachent pas, c’est seulement que personne ne s’y intéresse vraiment et que ce n’est peut-être pas évident à comprendre),

      a pris corps avec le nouvel ordre mondial en 1945 avec les accords de Bretton Woods qui mettaient en place les organisations économiques et financières internationales, FMI et Bnaque mondiale, mais aussi ancêtre de l’Ocde et de l’Omc.







      • Lucknow 5 août 2011 01:46

        OK, j’ai lu votre réponse, pour ce qui est sur les processus d’apprentissage, je vous rejoins totalement, j’ai appris certaines choses dans votre commentaire. J’irai voir vos liens demain.

        Bien à vous. 

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