Les aides publiques : comme un cautère sur une jambe de bois… Tout est à repenser !
Depuis plus de trente ans, avec l'ouverture des frontières et l'extension à l'échelle de la planète d'un capitalisme global, la fabrication en surabondance, à moindre coût aux quatre coins du monde, de tout ce que que le marché peut absorber et convertir en profits, on a assisté à une lente mais bien réelle détérioration de la condition de salarié dans les pays occidentaux avec l'augmentation du chômage, de la précarité dans l'emploi et de la marginalisation d'une partie non négligeable de la population. L'automatisation de plus en plus poussée des processus de production et la numérisation de l' ensemble des secteurs de l'économie n'ont rien arrangé
http://cgtchomeursrebelles56.blogspot.fr/2014/01/negociation-dassurance-chomage-les.html
Dans cette profonde mutation de plus en plus de travailleurs se retrouvent déclassés et seule une élite composée de techniciens hautement qualifiés, d'experts, de managers et de publicistes sauvent leur peau, accélérant ainsi l'émergence d'une société duale avec une concentration des revenus et des patrimoines jamais égalée. Soumis à la double concurrence des automates et de la main d’œuvre sans cesse renouvelée et surexploitée dans des ateliers sordides du bout du monde, le travail humain rémunéré est constamment déclassé pour satisfaire des critères de compétitivité de plus en plus exigeants. Soumis à la fois à cette constante dévalorisation du salariat et aux coups de butoir de réformes successives à la recherche d'équilibres introuvables, l'ensemble des dispositifs sociaux de protection et de redistribution adossés aux salaires sont à l'agonie. Conquêtes d'une période révolue, où l'automatisation du processus de production, en phase avec une demande toujours plus forte, s' accompagnait d'une augmentation des effectifs dans les entreprises, au fil du temps, les régimes de retraites par répartition, l'assurance maladie, l'assurance chômage protègent de moins en moins et laissent sur le carreau de plus en plus de sans-droits. Alors que la solidarité sociale se désagrège, les surprofits créés par les entreprises globalisées et les nouveaux géants transnationaux de la numérisation de l'information se moquent des frontières et jouent la concurrence des Etats en matière fiscale. Cette optimisation fiscale ne fait que contribuer à augmenter les déficits des budgets publics déjà mis à mal par la crise sociale qui impose un coût de plus en plus élevé en matière de politique d'aide à l'emploi, au logement ou à la famille sans réussir à sortir de l'ornière des pans entiers de la société. De plans d'austérité en serrage de ceinture successifs de plus en plus nombreux sont ceux qui perdent leur temps à essayer de survivre à l'aide de subsides et d'emplois alimentaires, en mettant en sommeil leurs talents, leurs capacités d'entreprendre et de créer. Peu à peu Les profits provenant de la rente l'emportent sur ceux du travail, favorisant définitivement les détenteurs de patrimoine et de capitaux sur ceux qui n'ont que leur intelligence et leur bras à disposition. Situation qui ne peut que conduire au déclin définitif de notre civilisation fondée sur l'invention et le commerce des objets et idées, fruits d' innovations dans de multiples domaines.
DES AIDES INEFFICACES ET INJUSTEMENT REPARTIES
En France aujourd'hui ce sont plus de 8,5 millions de personnes qui vivent avec moins de 60 % du revenu médian, soit 992€. Parmi elles, les enfants, les jeunes adultes, les familles monoparentales sont les premiers concernés. Deux millions de travailleurs avec un emploi sont aussi dans cette situation particulièrement précaire. Si le salaire moyen continue d'augmenter à cause des très hauts salaires qui explosent, le salaire médian mensuel stagne autour de 1700 € . Le nombre de chômeurs ne cesse de croitre. Depuis 2008, si les revenus des catégories aisées progressent, ceux des plus démunis diminuent. Entre 2008 et 2011, le niveau de vie moyen annuel des 10 % les plus riches a augmenté de 1 795 euros, tandis que celui des 10 % les plus pauvres a baissé de 360 euros . On passe ainsi d’un régime de progrès mal partagé à un régime réellement discriminatoire.
Face à cette crise sociale, les Etats et leurs gouvernements successifs tentent dans tous les domaines de réanimer le malade par des aides qui arrivent au mieux à éviter la mort du patient mais se révèlent incapables à libérer les populations concernées de cette assistance, au pire elles contribuent encore à accélérer le processus de concentration de la richesse. Ces aides de plus en plus lourdes, associées à des mesures de défiscalisation, accroissent les déficits des budgets publics et l'endettement sans jamais résoudre le mal qui ronge la société.
Ainsi le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ( C.I.C.E.), qui coûtera 20 milliards d’euros à l’État par an, profitera essentiellement à de grands groupes qui affichent de copieux profits et qui ne sont pas forcément exposés à la concurrence comme c'est le cas des géants de la grande distribution.
En France, avec les diverses politiques pour l'emploi, ce sont plus de 80 milliards d'euros (lien) qui sont consacrés à l'indemnisation des chômeurs, aux contrats aidés, à la formation professionnelle, aux allègements de charges, à la prime pour l'emploi. Si elles permettent d'assurer au chômeurs pendant une durée déterminée des revenus de substitution, face à la crise structurelle de l'emploi, elles s'avèrent bien impuissantes pour lutter contre la montée du chômage et la précarité de plus en plus forte des emplois ; une partie de ces aides, face à l'absence de marché solvable, se retrouvant au final affectées à la rémunération du capital.
Les politiques publiques consacrent aussi plus de 80 milliards d'euros par an à l'aide aux familles ( lien )( 54 milliards de prestations aux familles : allocations familiales, allocations logement, etc...et 26 milliards de lutte contre la précarité : RSA ) tout en maintenant un système injuste de réduction d'impôts par le quotient familial qui ne profite qu'aux familles les plus aisées. Le système de calcul et d'allocation du RSA n'encourage pas au retour à l'emploi et maintient trop souvent les allocataires dans la précarité et l'inactivité. De même les allocations logement versées directement aux propriétaires accélèrent dans les zones tendues la hausse des loyers.
La politique en faveur du logement ( 40 milliards d'€ par an) ( lien ) par l'empilement des dispositifs d'allègement fiscaux favorisent encore ceux qui par le niveau de leurs revenus peuvent se permettre ce type d'investissement.
L'exemple de la politique agricole commune est aussi significatif de la gabegie de ces aides publiques. La PAC : plus de 40 milliards d'euros perçus par la France en 4 ans, remplit les poches des grands de l'agrobusiness comme le groupe de luxe LVMH avec le cognac Hennessy où des riches propriétaires comme la famille princière de Monaco au lieu d'aider à la viabilisation d'une agriculture paysanne respectueuse de la nature.
Ainsi toutes ces aides complexes, octroyées conditionnellement suivant des critères obscures se révèlent, dans leur mise en œuvre, être injustement réparties. Et dans le cas où elles sont bien fléchées, les allocataires doivent apprendre à bien connaître le maquis réglementaire pour faire valoir leurs droits.Il faut s'installer "pour de bon" dans la précarité et ne pas avoir ni fierté ni amour propre pour remplir les multiples formulaires ou répondre aux questions inquisitrices des services sociaux.
Enfin la classe moyenne sur laquelle repose la majeure partie de la solidarité nationale est gagnée par cette" fatigue de la compassion"selon la formule de Julien Damon (Le Monde du 17/10/2014 : lien ). La société se fragmente en bénéficiaires ou non d'allocations diverses, en catégories imposables ou non. Progressivement le "coût des autres" l'emporte sur l'empathie et la société finit par se déliter.
Toutes ces aides, s'accompagnent d' un ensemble de niches fiscales, 80 milliards d'euros par an ( lien ) qui s'ajoutent aux pertes de recettes dues à l' "évasion " fiscale, évaluée aussi à 80 milliards d'euros par an, ce qui, tout en allégeant la participation des plus riches à la solidarité nationale, prive l'Etat de capacités d'actions et contribue à alourdir le service de la dette payé aux banques (plus de 40 milliards d'euros d'intérêts) alors que les recettes de l'impôt sur le revenu plafonnent à 70 milliards d'euros.
En outre cet "arrosage par le haut", comme l'a montré dans un autre domaine les différents 'quantitative easing' des banques centrales se révèlent inefficaces à nourrir le corps social. Trop de ressources sont captées par de multiples intervenants ( banques, propriétaires, officines intermédiaires ) et finissent par ne nourrir qu'une partie de l'économie (industrie du luxe, immobiliers, oeuvres d'art, actifs financiers) aux dépens de ceux qui en ont réellement besoin.
Enfin une partie du financement de ces aides ( allocations familiales, allocations chômage et formation professionnelle) est adossée sur les seuls salaires, par les cotisations, et s'ajoutent au financement des retraites et de la sécurité sociale, alourdissant le fardeau des revenus du travail alors que le capital ( machines, intérêts versés aux banques, dividende) participe peu à cette solidarité, capital qui est, avec l'automatisation, la cause principale de la destruction et de la précarité des emplois.
Alors au lieu d'essayer en vain de vouloir créer à tout prix des emplois de salariés dans un monde qui en a de moins en moins besoin, de devoir continuer à cautériser les plaies de tous ces blessés accidentés sur ce chemin dangereux où se déroule une compétition féroce mondialisée et où seule une petite minorité surdotée et suréquipée y trouve son compte, il faut changer la donne en faisant en sorte que chacun puisse disposer de tous ses moyens pour pouvoir s'émanciper de l'aliénation et de la précarité, de la dépendance et de la soumission.
VERS UN DROIT UNIVERSEL A UNE EXISTENCE DIGNE
Avec une partie de l'ensemble de ces aides publiques inefficaces, avec une contribution des surprofits que génèrent les délocalisations et l'automatisation, avec la participation de ceux qui possèdent un patrimoine privé, avec la contribution de chacun, qui par son travail et sa qualification génère de la richesse, on pourrait allouer directement et individuellement à tous les membres de la communauté un dividende universel qui permettrait de pouvoir s'émanciper de l'aliénation du salariat. En s'affranchissant partiellement de ce temps contraint consacré exclusivement à la satisfaction de ses besoins élémentaires de survie, l'être humain pourrait se consacrer pleinement à trouver sa place dans la société avec soit un emploi choisi rémunéré , soit une activité individuelle marchande ou bénévole ou les trois à la fois ou encore successivement au cours de sa vie.
La culture, l'ensemble des connaissances scientifiques et techniques ,tout le patrimoine accumulé par l'humanité, ne peuvent plus être accaparés par un petit nombre pour en tirer des profits exorbitants. Il est légitime que l'ensemble de ce patrimoine soit partagé sous forme d'une rente universelle qui contribuerait à donner à chacun les moyens matériels d'être maître de son destin.L'ensemble des membres de la société pourraient participer ainsi à démultiplier encore la création et l'inventivité.
En donnant à chacun ce supplément d'autonomie, on permettrait un partage des emplois entre un plus grand nombre de salariés, libérant ainsi l'évolution de la courbe du chômage de celle de la croissance à tout prix. Par le temps libéré sur un travail contraint, se développeraient des projets individuels et collectifs favorisant aussi les échanges démonétisés sans exigence de contrepartie ce qui limiterait la marchandisation croissante de l'ensemble des activités sociales et favorisait la cohésion de la société.
En autorisant de multiples formes d'intégration sociales par des activités rémunérées ou non ce droit à un revenu inconditionnel permettrait aussi de libérer le travail du carcan de l'emploi que le capitalisme a réduit à l'état de marchandise.
Ce revenu primaire universel se substituerait à toutes les aides conditionnées que sont actuellement les allocations familiales, les aides au logement, les bourses d'études, le RSA et le minimum vieillesse( ASPA). A ces aides diverses et complexes à mettre en oeuvre et à percevoir, stigmatisantes et dévalorisantes, divisant la société en de multiples sous catégories d'ayant droits, serait opposé ce droit inaliénable, individuel et universel à un revenu d'existence minimal. Par le potentiel humain ainsi libéré de toute subordination et de toute dépendance, il ne fait pas de doute que la société serait enfin riche de tous ses membres.
Pour que tous les citoyens puissent participer pleinement à la vie de la cité, il ne suffit pas seulement de lui donner une voix le jour des élections ; à coté du droit universel à l'éducation et à la santé il faut aussi qu'ils puissent exercer pleinement ce droit fondamental à un revenu d'existence.
« Sans revenu, point de citoyen » Thomas Paine 1792
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