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Accueil du site > Actualités > Société > Travailleurs sans-papiers : l’écran de fumée

Travailleurs sans-papiers : l’écran de fumée

Dans un entretien publié le 22 novembre dernier au journal Le Parisien, le Ministre du travail, Xavier Darcos a déclaré au sujet des « sans-papiers » embauchés dans des entreprises :

« Je veux mettre l’accent sur les droits des travailleurs, et ferai à cette fin trois propositions. S’il est avéré que l’activité de l’entreprise est construite autour du travail illégal ou de l’emploi de travailleurs étrangers sans titre de travail, on pourra fermer administrativement cette entreprise. Les préfets auront ce nouveau pouvoir. Par ailleurs, je propose que pour éviter tout préjudice, en cas de perte de leur emploi du fait de son caractère irrégulier, les indemnités dues seront néanmoins versées et considérées comme des créances super-privilégiées. Cela pourrait s’appliquer aussi aux travailleurs en situation irrégulière qui seront revenus dans leur pays d’origine. »

Le ton du Ministre se veut offensif, voire menaçant. Mais le fond du propos ne doit pas faire illusion. Car le discours de Xavier Darcos est mensonger et dépourvu de moyens. Un écran de fumée en somme.

Darcos : un discours mensonger

Darcos connaît visiblement très mal le Code du travail dont le titre V du livre II, huitième partie, prévoit tout un ensemble de dispositions relatives à l’emploi d’étrangers sans titre de travail.

En d’autres termes, tout ce que Xavier préconise est déjà contenu dans la loi !

Il suffit d’ouvrir le fameux Code, dont on sait qu’il n’est pas au goût de Nicolas Sarkozy (augmentation du contingent d’heures supplémentaires défiscalisées, instauration du travail le dimanche, remise en cause du droit de grève, remise en cause de la retraite à 60 ans, etc.).

En ce qui concerne les sanctions pénales, l’article L8256-2 du Code du travail énonce déjà :

« Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d’embaucher, de conserver à son service ou d’employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1, est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 15 000 euros.

Ces peines sont portées à un emprisonnement de dix ans et une amende de 100 000 euros lorsque l’infraction est commise en bande organisée.

L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés. »

L’article L8256-3 du Code du travail dit :

« Les personnes physiques coupables des infractions prévues à l’article L. 8256-2 encourent les peines complémentaires suivantes :

1° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou par personne interposée l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, selon les modalités prévues par l’article 131-27 du code pénal ;

2° L’exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;

3° La confiscation des objets ayant servi, directement ou indirectement, à commettre l’infraction ou qui ont été utilisés à cette occasion, à quelque personne qu’ils appartiennent dès lors que leur propriétaire ne pouvait en ignorer l’utilisation frauduleuse, ainsi que des objets qui sont le produit de l’infraction et qui appartiennent au condamné ;

4° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal ;

5° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de la famille ;

6° L’interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus. »

L’article L8256-4 du Code du travail prévoit (nous soulignons) :

« Les personnes physiques coupables des infractions prévues à l’article L. 8256-2 encourent la peine complémentaire de fermeture des locaux ou établissements tenus ou exploités par elles et ayant servi à commettre les faits incriminés. »

Tout est donc clair. Les mauvais employeurs, qu’ils soient de nationalité française ou autres, n’ont qu’à bien se tenir. Le Code du travail s’en réfère à des sanctions pénales. L’employeur indélicat, déféré devant un tribunal correctionnel, a même l’assurance d’avoir un procès équitable, dans le respect des principes en vigueur dans un Etat de droit.

Ces dispositions récentes résultent de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, par conséquent votées sous des gouvernements de droite. Mais Xavier Darcos paraît l’ignorer.

Ce dernier préconise donc des fermetures qui peuvent déjà être effectuées. Et il entend par dessus le marché substituer aux fermetures prononcées par le juge pénal à l’issu d’un procès, un système arbitraire de fermetures administratives décidées par le préfet qui ne présente pas les mêmes garanties !

Quant aux indemnités couvertes par des créances « super-privilégiées » inscrites aux greffes des tribunaux de commerce, le Ministre Darcos joue évidemment sur les termes car elles sont également prévues par les articles R8253-15 à R8253-24 du Code du travail.

Mais ces articles sont-ils seulement appliqués pour protéger une main d’oeuvre taillable et corvéable à merci qui, du fait de l’absence de papiers et de titres de séjour régulier, vit dans la peur et le silence ?

Darcos : un discours sans moyens

Disons-le tout net : les déclarations de Xavier Darcos sont en réalité un pitoyable effet d’annonce. Elles démontrent par l’absurde que le tout répressif – promu par Nicolas Sarkozy – est un monumental échec, que ce soit dans les domaines de la lutte contre la délinquance ou contre l’immigration clandestine ou encore, comme ici, dans le domaine de la lutte contre le travail illégal.

Car la seule question qui vaille, est bien de se demander pourquoi des entreprises prennent le risque d’employer des travailleurs sans-papiers malgré la sévérité de la loi actuellement en vigueur.

Comment les préfets pourraient-ils assurer les contrôles nécessaires alors que l’on sait qu’il y a pour toute la France à peine 1400 inspecteurs du travail et autant d’inspecteurs de l’URSSAF ?

Comment pourraient-ils assurer cette nouvelle mission (dont le contenu n’est pas à ce jour précisée) alors que, dans le même temps, Eric Besson, le ministre de l’identité nationale et de l’immigration, les met déjà à contribution, non seulement pour le contrôle de tous les étrangers présents sur le territoire, mais aussi pour l’organisation du pseudo débat sur l’identité nationale ?

On sait que la doctrine du sarkozysme est de répéter qu’il y a trop de fonctionnaires dans le pays. Mais on observe, dans le même temps, que le sarkozysme en appelle aussi à la présence croissante de l’Etat, sans que ses représentants disposent des moyens nécessaires et réels pour donner un minimum de cohérence et de crédibilité aux discours ministériels.

Pour s’en convaincre, il suffit de songer par exemple à l’insécurité, que Nicolas Sarkozy agite en ce moment pour des raisons électoralistes. Pendant que le chef de l’Etat prend la pose devant les caméras, les élus locaux et les syndicats ne cessent de dire, chiffres à l’appui, que les effectifs de police sont insuffisants et que ceux qui existent sont très mal répartis.

Tout ceci n’est donc pas sérieux.

On ne le répétera jamais assez : la France est gouvernée, en réalité, par une bande d’incompétents teigneux qui passe le plus clair de son temps à diffuser des slogans et à se sucrer sur le dos de l’Etat.

Dans le dossier des travailleurs sans-papiers, on a vu que Xavier Darcos ne maîtrisait manifestement pas son sujet. Et pendant que le Ministre du travail brandit des menaces qu’il sait de toute façon ne pas pouvoir mettre en oeuvre, le Ministre Eric Besson (crapule patentée), lui, se perd dans des critères de régularisation dérisoires tout en effectuant des comptes d’apothicaire sur les sans-papiers.

Par conséquent, la politique du gouvernement menée en la matière est un échec complet.

Passons sur ces employeurs qui voient dans les sans-papiers des esclaves à exploiter. Ce sont des délinquants. Et en cherchant bien, on devrait en trouver quelques spécimens bien placés dans les arcanes du MEDEF.

Mais sachons aussi regarder avec bienveillance tous ces employeurs qui hésitent ou ne parviennent pas, pour des raisons fiscales et/ou administratives, à régulariser des travailleurs sans-papiers parce qu’ils se heurtent frontalement à la bêtise de pouvoirs publics gangrenés par le sarkozysme.

Ceux-là se découragent de bonne foi face au parcours du combattant que représente aujourd’hui le simple fait de vouloir régulariser la situation d’employés sans-papiers.

Depuis que la droite est au pouvoir, les lois paranoïaques et sécuritaires se succèdent. Elles sont foncièrement inadaptées aux réalités auxquelles la France est confrontée.


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5 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 27 novembre 2009 14:56

    oui , celui qui se sert des papiers d’un autre est de plus un faussaire et un imposteur !


  • Internaute Internaute 27 novembre 2009 19:54

    Il est ridicule de toujours vouloir faire de nouvelles lois alors qu’on refuse d’appliquer les lois existantes. C’est comme la loi anti-casseurs de Chirac qui n’a jamais été appliquée.

    Sarkozy a capitulé devant l’immigration légale et clandestine. D’ailleurs il n’a même pas capitulé puisque sa politique est ouvertement celle du métissage et du brassage des populations.

    Je rappelle que la principale responsable de l’emploi des travailleurs étrangers et clandestins à la RATP, au détriment des français, est Mme. Idrac lorsqu’elle était chef du personnel de la RATP. Depuis, pour la remercier de ses bons et loyaux services, Sarkozy l’a nommée à la tête de la SNCF puis au Commerce Extérieur.


    • etiennegabriel 28 novembre 2009 20:06

      Petit Cosi, (pas celui qui dine à l’huile) mène la même politique que ses aieux qui combattaient dans les rangs des ennemis de la France (les armées austro-hongroises en 14-18).
      Le résultat est le saccage du pays.
      Voici, par exemple, quinze ans qu’ il fait vendre l’or de la France, répétant, à l’envie que l’or ne sert plus à rien ; depuis la valeur de l’once d’or a triplée. Qui gagne ? L’Inde, la Chine qui ont eu le bon sens d’acheter quand ce n’était pas cher.
      Par contre on n’hésite pas à s’offrir un avion à 185 millions d’euro. Combien de lingos bradés pour cet avantage personnel ?
      Avec les sans papiers, incapable de faire appliquer les lois existantes, il passe son temps à en réclamer de nouvelles qui resteront aussi dans les tiroirs. Pour 6000 expulsés combien y a-t-il de retour en France ?
      Ce qui manque ce n’est pas des lois, circulaires ou décrets, c’est une volonté politique et un peu de compétence. 
      A la place, des incantations, des gesticulations, un numéro de clown et de l’esbrouffe.


      • M.Junior Junior M 8 décembre 2009 23:33

        Tu as oublié de signaler que Xavier Darcos a régularisé un sans-papiers sénégalais qui travaillait depuis des années à son ministère grâce à une agence d’intérim.
        Voila le lien de l’article


        • Brice MATINGOUT 7 janvier 2010 23:05

          Tout doit rapporter. Dans les années 70, la France a besoin de la main d’oeuvre africaine, il faut aller les chercher. Les années 2000, plus besoin de la main d’oeuvre, l’homme africain devient l’immigré qu’il faut traquer comme un méchant lion au milieu des loups. Lors de la première et la deuxième guerre mondiale, il a fallu mobiliser des milliers d’africains pour sauver la métropole contre l’Allemagne,l’ennemie. On ne demandait des papiers pour combattre. Aujourd’hui, au nom de l’amitié franco-allemande soutenue par l’union européenne, SARKOZY fait surveiller les frontières européennes contre des africains, ennemis. L’histoire a t-elle un sens ? Les autres ne sont importants que s’il a besoin d’eux. C’est une vision égoïste qui caractérise l’impérialiste devenu colonialiste.

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