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Accueil du site > Actualités > Technologies > Un Nobel 2007 de médecine pour des recherches en vogue

Un Nobel 2007 de médecine pour des recherches en vogue

La saison des Nobel a commencé avec pour celui de médecine, la consécration de deux Américains, Mario Capecchi, Olivier Smithies et un Britannique, Martin Evans. Il se confirme que si l’équipe de France joue bien au rugby, les équipes de biologistes peinent toujours à obtenir un Nobel depuis Jean Dausset en 1980 et avant, Monod et ses confrères en 1967. Encore un french paradox. Une nation qui se soucie de son système de santé et qui en est fière, mais qui, depuis 1928, n’a été nobélisée qu’à deux reprises. Est-ce grave après tout ? L’important est que la France gagne le mondial de rugby car c’est bien meilleur pour le moral et notre président qu’une recherche en biologie couronnée par les académiciens de Stockholm. Cette année, cette prestigieuse institution a décidé de couronner une avancée en biotechnologie dont les retombées pour l’homme sont régulièrement chroniquées dans les médias. Il s’agit des cellules souches et de possibles utilisations en matière thérapeutique.

Rappelons qu’une cellule souche est une cellule indifférenciée et donc totipotente, pouvant devenir une cellule spécialisée dans un tissu si elle se différencie là où il faut. Cellules musculaires, nerveuses, épithéliales... des centaines de types sont connus. Les cellules souches sont présentes dans l’embryon en grand nombre et pour cause. Par contre, elles se font rare dans l’organisme adulte, mais sont tout de même présentes et parfois actives dans les processus de régénération de fragments de tissu endommagés. On en trouve aussi dans le cordon ombilical et dans les tissus adipeux, ce qui résout les problèmes éthiques liés à l’utilisation d’embryon. Notons également que ces cellules peuvent être à l’origine de cancers. Les recherches couronnées par le Nobel ont été initiées il y a plus de vingt ans. Elles ne concernent pas l’homme, mais la souris qu’il est possible de modifier génétiquement. La souris transgénique est un OGM qui ne pousse pas dans les champs, ne se répand pas dans la nature (sauf accident ou malveillance), reste confiné dans un laboratoire et appartient au règne animal.

Cappechi, Evans et Smithies ont contribué à l’élaboration de souris transgéniques et c’est pour avoir initié une technologie nouvelle et plus puissante qu’ils ont reçu le Nobel. Une souris transgénique est un animal dont le patrimoine génétique a muté. Les mutations sont répandues dans la nature et sont connues depuis des millénaires. Ce sont par exemple des modifications de la couleur du pelage. Pendant des décennies, les scientifiques ont pu observer des mutations dont l’effet se traduit par une altération phénotypique visible. Au milieu des années 1970, la mutation par dispositif micro-technologique a été réalisée. D’abord par infection virale puis par micro-injection d’ADN recombinant dans l’œuf. Mais le spectre de ces modifications transgéniques reste réduit. Et donc nos trois lauréats ont inventé une technique nouvelle consistant à utiliser des cellules souches. La production de souris génétiquement modifiées se fait en deux étapes. D’abord on réalise une modification sur les cellules souches en utilisant la technique de recombinaison homologue. Un gène défectueux se met à la place du gène « normal ». Les cellules sont testées pour vérifier que la recombinaison s’est bien produite. Ensuite les cellules souches modifiées sont injectées dans une mère porteuse. L’embryon hôte sera colonisé par les cellules souches modifiées qui vont prendre la place des cellules normales et se différencier, c’est leur rôle, pour produire, suite à l’organogenèse, la souris transgénique. Chose intéressante, même les cellules germinales (sexuelles) sont colonisées. Ce qui permet ainsi de créer des lignées de souris transgéniques prêtes à l’emploi. Par exemple pour étudier des modèles thérapeutiques ou comprendre la genèse de maladies.

Un exemple, chez la souris p53, le gène protecteur de cancer est mis hors service ou bien est perturbé dans son fonctionnement en introduisant d’autres gènes. Grâce à ce type de souris transgéniques, on peut étudier le rôle de ce gène qui est également présent chez l’homme, pouvant participer au développement de tumeurs car, dans bon nombre de cancers, on a détecté une altération du gène p53. Dans une optique différente, la carcinosouris, modifiée pour développer des tumeurs, pourrait servir de modèle pour étudier des thérapies anticancéreuses transposables ensuite chez l’homme. Autre curiosité, les « souris marathoniennes » qui ont été obtenues par voie transgénique et qui sont capables de courir deux fois plus vite et deux fois plus longtemps. Ces travaux réalisés par Ronald Evans au Salk Institute intéressent de près les laboratoires pharmaceutiques, d’autant plus que des recherches sont en cours pour faciliter la production de bon cholestérol chez l’homme. C’est donc de la « bonne science », qui peut générer des avancées thérapeutiques, du profit pour les labos diront les mauvaises langues, qui a été couronnée par l’académie Nobel.

Espérons aussi que de la « belle science » puisse voir le jour grâce à cette technique. On peut envisager quelques problématiques liées à l’énigme de l’embryogenèse. Comprendre par exemple l’interaction des gènes. Voilà un thème fondamental pour la décennie qui vient. Autre question intéressante, celle de la plasticité du vivant. Dans le cas des « souris marathonienne », les gènes mutés ont fait une partie du travail, mais le reste est dû à la plasticité de la substance vivante et notamment des tissus musculaires dont la morphologie et la dynamique ont été modifiées pour assurer l’endurance. Cela ouvre une voie vers la compréhension de la relation entre génotype et phénotype, avec des applications envisageables dans la théorie de l’évolution.

A lire : Vingt ans d’interventions délibérées sur le génome de la souris, par C. Babinet, M. Cohen-Tannoudji, Médecine Science, 16, 31-42 (2000)


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14 réactions à cet article    


  • TALL 9 octobre 2007 12:10

    @l’auteur

    Je ne comprends pas bien comment les cellules-souches colonisent l’embryon pré-existant dans la mère porteuse. Vous êtes bien sûr que ce ne sont pas les cellules-souches qui sont elles-même le nouvel embryon ? Ceci dit, je n’ai pas encore cherché sur le web, dès que j’ai le temps, je le ferai.

    En tout cas, merci d’avoir évoqué dans cet intéressant article un sujet autrement plus fondamental que bien d’autres pour la vie de tout un chacun.


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 9 octobre 2007 12:21

      Tall, pour répondre à votre question, je vous livre un copié collé de l’article de MS cité en bas du billet et dont je me suis servi (avec d’autres) pour faire cette recension :

      «  »«  »«  »Les cellules souches embryonnaires (ES) : des véhicules extraordinaires pour la création de souris mutantes En 1981, deux laboratoires rappor- taient l’isolement, à partir de la culture de jeunes embryons de souris, de lignées cellulaires ayant les propriétés de cellules embryonnaires totipotentes [7, 8] (Tableau II). Ces cellules, appe- lées cellules ES, étaient capables, après injection dans un jeune embryon, de coloniser tous les tissus y compris sa lignée germinale, donnant ainsi nais- sance à des chimères. Le génotype des cellules ES pouvait alors être « recyclé » in vivo et transmis aux générations sui- vantes. Il fut ensuite démontré que ces cellules pouvaient être modifiées géné- tiquement in vitro, par exemple par l’introduction d’un transgène mais sur- tout que les souris transgéniques cor- respondantes pouvaient alors être obtenues [9, 10] (figure 1). Ainsi était ouverte une voie entièrement nouvelle d’obtention de souris transgéniques«  »«  »"


    • alberto alberto 9 octobre 2007 12:40

      On apprend qu’un physicien français (Albert Fert) est colauréat du prix Nobel de physique avec un allemand(Peter Grunberg) pour leurs travaux sur les nanotechnologies qui ont permis de quantifier l’effet physique dit de magnéto résistance géante...

      Bien à vous.


      • BDS69 BDS69 9 octobre 2007 13:10

        Félicitations à Albert Fert, nouveau prix nobel de physique. L’Université Paris XI (Orsay) va faire un bond d’au moins 30 places dans la classement de Shangaï, sans que le niveau de ses étudiants où la qualité globale de sa recherche n’ai changé en un an, ce qui montre bien l’ineptie d’un tel classement. Autre question : pourquoi la France est capable de « produire » 5 prix nobel de Physique ou Chimie en 20 ans, alors que la biologie/médecine n’en a eu que 2 en un siècle ? Mauvaise organisation de la recherche médicale en France ? Absence de lobying dans ce domaine ? Défaut de financement ?


        • geo63 9 octobre 2007 15:23

          Une petite précision qui n’enlève rien aux commentaires : depuis vingt ans (1987) il y a eu 4 physiciens, 2 chimistes et 1 mèdecin français pris Nobel. N’oublions pas que la concurrence est planétaire et que les Etats-Unis pèsent énormément...


        • geo63 9 octobre 2007 15:33

          correction :prix Nobel !!


        • manusan 9 octobre 2007 16:13

          parlons de la Médaille Fields, équivalent nobel pour les mathématiques, tous les 4 ans. Depuis 1982, on retrouve 5 français pour 7 nominations. En voilà du french paradoxe à la Chabal. mmmhhh Chabal


        • geo63 9 octobre 2007 16:30

          entièrement d’accord pour la médaille Fields, mais alors pour Chabal... c’est un produit de sa belle image médiatique, l’homme est sympathique


        • Svenn 9 octobre 2007 17:30

          « pourquoi la France est capable de »produire« 5 prix nobel de Physique ou Chimie en 20 ans, alors que la biologie/médecine n’en a eu que 2 en un siècle ? Mauvaise organisation de la recherche médicale en France ? Absence de lobying dans ce domaine ? Défaut de financement ? »

          Pour la biologie-medecine, c’est un peu plus que deux meme si ca reste tres faible par rapport a nos voisins allemands, anglais, suisses ou suedois depuis vingt-trente ans. Il y a plusieurs raisons a cela et c’est difficile de savoir laquelle est la plus importante :

          - En France, les mathematiques sont la discipline reine (beaucoup de medaille Fields), puis vient la physique (classement honorable de la France), puis la chimie (ou on est faible) et enfin la biologie-medecine (ou on est tres faible). Donc pour des raisons purement culturelles, les etudiants extremement brillants auront plutot tendance a se tourner vers les mathemaiques

          - Le cout de la recherche en biologie a fortement augmente sur les dernieres decennies mais le budget en France n’a pas suivi. Ca devient vraiment difficile de suivre les labos americains qui sont largement plus riches

          - Il y a sans doute aussi une question d’organisation : les labos americains sont souvent plus gros (en effectif) que leurs equivalents francais, ce qui permet au labo de mieux s’equiper a budget par personne identique

          Il y a surement d’autres raisons mais ces trois la sont deja essentielles ...


        • Céphale Céphale 9 octobre 2007 14:09

          @ BDS 69

          Bravo BDS, bien vu !

          Pendant qu’on est dans la physique, Bernard Dugué pourrait-il expliquer au bon peuple que l’hydrogène, dont on nous rebat les oreilles à la télé, n’est pas une source d’énergie primaire ?


          • Pierrot Pierrot 9 octobre 2007 16:00

            Félicitations à Albert Fert colauréat du prix Nobel de physique et bien sûr aux lauréats du prix Nobel de Médecine.

            Le début de l’article me semble inutile et bétifiant. Le nombre de prix Nobel est important mais n’est pas un bon critère à lui seul pour porter un jugement définitif sur l’état de la recherche en France. Il faut rappeler que souvent les prix Nobel sont décernés 20 ans après la découverte (voir prix Nobel 2006 en physique aini que le lauréat français en chimie l’année dernière.

            Il y a en effet beaucoup d’autres prix qui ont aussi de grandes valeurs scientifiques.

            Bonne journée.


            • BDS69 BDS69 9 octobre 2007 16:14

              A part la médaille Fields, je ne vois pas d’autre prix scientifique dont la notoriété égale celle du Nobel. A ce propos, les français sont très présents en math (9 fois récompensés par la médaille Fields qui est décernée tous les 4 ans), mais toujours pas en médecine ...


            • TALL 9 octobre 2007 22:19

              Intéressant de constater dans ce forum que ce qui prime surtout, c’est de savoir ce qui est français et ce qui l’est moins. L’intérêt du sujet scientifique par lui-même étant largement secondaire.

              Bande de cons !

              Ceci dit, c’est dans tous les pays la même chose. La bêtise nationaliste est la même partout. Et c’est sans doute parce que je suis d’un pays qui n’en est pas un ( la Belgique ) que je peux prendre cette distance. Espérons donc qu’en l’an 2500, on aura un peu évolué sur ce plan, car notre planète devient un peu petite pour continuer à payer la facture de ces héritages médiévaux.


              • Philipperr 9 octobre 2007 22:22

                Premier point : ce prix Nobel est surtout celui de la maitrise de la recombinaison homologue chez la souris plutot que celui des « cellules souches ». Il aurait du etre decerne il y a fort longtemps vu que l’on ne maitrise cette technique chez aucun autre animal modele (drosophile, c. elegans, poisson zebre, xenope, poulet etc) et que son impact a ete enorme pour comprendre les bases genetiques de tres nombreux phenomenes biologiques. J’imagine que l’effet de mode « cellules souches » a eu son impact. Le RNAi (RNA interference) qui a recu le meme Nobel l’annee passee a pour le moment bcp moins contribue a la progression des connaissances en bio que la maitrise de la recombinaison homologue chez la souris. Deuxieme point : Pourquoi y a t’il peu de prix Nobel de medecine francais ? Etant chercheur en France et aux USA, je peux deja vous dire qu’il faut arreter de tapper sur les chercheurs francais. Ils n’ont a rougir ni de leur niveau ni de leur travail. La difference est simple : le budget. Le NIH (National Institute of Health) est un monstre compare a l’Inserm, l’INRA et le CNRS (la recherche en biologie requiere enormement d’argent !!). De plus aux USA, les societes privees investissent aussi fortement dans la recherche academique. Ceci est difficile en France car il y a peu ou pas de societes de biotechnologies, elles sont essentiellement en Suisse et en Angleterre. Enfin, en France, les gouvernements successifs ont reduits le budget des instituts publiques de recherche et veulent une recherche A PPLI QUEE !! Evidement tous les scientifiques savent que les decouvertes majeures n’ont pas ete issues de programmes de recherche appliquee, mais bon il faut croire que nos brillants gouvernants ont une meilleure vision de ce que doit etre la recherche scientifique. Autant dire que l’on va droit dans le mur... Vu que les analogies avec les sportifs ont l’air d’etre mieux percues, disons que la France joue avec un budget d’ un club de CFA alors que les US jouent avec le budget d’un club participant tous les ans a la Champions league. En tout cas bravo a tous ces chercheurs pour leurs travaux et leur devouement, leur nationalite n’a aucun interet.

                PS : desole pour l’absence d’ accents, je tappe sur un qwerty

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