La science, son enseignement, ses musées, ses taudis
Alors que le premier ministre installe l’Académie des technologies et de l’Institut des hautes études en sciences et technologie au Palais de la découverte, il est sans doute utile de faire un petit point sur les institutions muséales scientifiques. Pour rester concis, je ne parlerai que de quatre d’entre elles, à Paris et en proche banlieue : constat de déchéance.
Les rapports d’analyse de l’Éducation nationale se suivent et se répètent : nous manquons de scientifiques en France. Les filières des sciences n’attirent pas assez de monde, certaines universités de science manquent d’étudiants et tournent au ralenti quand d’autres, littéraires entre autres, ne savent plus où donner de la tête.
L’enseignement des sciences pose donc un problème. Comment intéresser nos marmots, comment leur ouvrir l’appétit de la chose scientifique ? Les cours ont dû évoluer, mais je me rappelle mon époque où le prof de maths était le prêtre d’une religion absconse et inquiétante, dont je ne comprenais ni les tenants, ni les aboutissants. On me disait à longueur de temps d’apprendre, que la compréhension viendrait plus tard. Ma foi... j’attends toujours !
Un enfant est toujours curieux de tout, encore faut-il soutenir, voire susciter sa curiosité. Les musées scientifiques ont, entre autres, cette mission. La capitale héberge trois institutions majeures, auxquelles il est possible d’ajouter une quatrième en proche banlieue : La Cité des sciences et de l’industrie, le Palais de la découverte, le Muséum d’histoire naturelle et le Musée de l’air et de l’espace au Bourget.
Je vais régulièrement à La Villette ainsi qu’au Grand Palais, avec mon neveu de bientôt huit ans. Il aime visiblement les sciences, et commence à développer un intérêt grandissant pour les étoiles. Les deux institutions abritent chacune un planétarium. Celui sis à la Cité des sciences et de l’industrie abrite une nouvelle technologie permettant d’utiliser le dôme comme écran panoramique et de plonger les spectateurs dans des vues incroyables.
Le planétarium du Palais de la découverte est plus ancien, utilisant un planétaire central projetant chaque étoile sous forme d’un point lumineux. Plus pédagogique, moins sensationnel, les séances qui y sont proposées se déroulent sous la conduite d’un scientifique qui anime et donne parfois de vrais cours d’initiation.
Le Muséum d’histoire naturelle est lui connu pour sa "Grande galerie de l’évolution", ainsi que pour le Jardin des plantes qui est l’un des plus beaux espaces verts de Paris. Mais l’institution est plus vaste que ces deux phares. Elle abrite des collections uniques de fossiles, d’animaux empaillés. Son herbier est l’un des plus complets au monde, gardant des plantes séchées ainsi que des graines de végétaux disparus.
Le Musée de l’air et de l’espace est un lieu où l’on trouve une collection extraordinaire d’avions anciens, voire très anciens. Il dispose de son propre planétarium, que j’avoue ne pas connaître. C’est en tout cas un beau musée dédié aux sciences aéronautiques.
Nous disposons donc d’une infrastructure de premier ordre pour faire découvrir, vulgariser, enseigner les sciences dans un cadre "extra-scolaire". Les enfants que je vois parcourir les salles de ces musées sont émerveillés, ébahis par tout ce qu’ils regardent. Ils ont la possibilité de faire des expériences, de mettre en branle des mécanismes leur expliquant certaines lois physiques, ils peuvent se frotter à la science non seulement par la théorie, mais aussi par une pratique ludique et pédagogique.
Pourtant, la situation que je décris est loin d’être rose. On tire
même plus souvent vers le gris, voire vers le noir. La Cité des sciences et
de l’industrie, malgré une communication intensive qui attire un public
souvent dense, regorge d’espaces vides, inutilisés. Son état de dégrade
rapidement. Sa programmation dépend pour beaucoup d’expositions
internationales qui sont créées et montées ailleurs avant de venir à
Paris.
Le Palais de la découverte est dans un pire état. Les muséographies sont obsolètes, les expériences proposées utilisent des mécanismes brisés ou hors d’âge. Le bâtiment lui-même fait honte au Français que je suis.
Le Muséum d’histoire naturelle est peut-être l’institution le plus en péril. Ses collections sont "abritées" dans de telles conditions qu’elles sont menacées de destruction à moyen terme.
A ma connaissance, aucun projet
n’est même sur les rails pour rapprocher ces quatre institutions,
développer des synergies et leur donner à chacune un rôle spécifique.
Elles pourraient pourtant par ce biais mettre en place un outil
formidable, à destination des enfants et des adultes. Loin d’être en concurrence, elles ont en effet chacune la possibilité de garder son âme tout en s’intégrant à un projet plus vaste.
C’est bien beau de faire un cocktail de plus pour l’installation d’une académie machin, mais le gouvernement pousse l’incohérence jusqu’à organiser ces coûteux pince-fesses dans des lieux ravagés par le temps et le manque de crédits, à la dérive, faute d’une vision d’ensemble et d’un plan cohérent.
Il est temps que cela cesse. Qu’on arrête de gaspiller des ressources en futilités alors qu’on dispose d’un patrimoine formidable dont on dilapide le potentiel à force d’aveuglement et de bêtise.
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