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Le chercheur Jean-Jacques Kupiec tire un trait sur le déterminisme génétique et les théories de l’auto-organisation

Jean-Jacques Kupiec est chercheur en biologie et en épistémologie au Centre Cavaillès de l’Ecole Normale Supérieure de Paris. Son travail concerne la question du développement embryonnaire. En 1981, il proposait une théorie fondée sur l’expression aléatoire des gènes. Depuis, il a élaboré cette recherche et publié de nombreux articles dans des revues scientifiques spécialisées.
Dans son nouveau livre, « L’origine des individus », il tire un trait sur le déterminisme génétique et les théories de l’auto-organisation en proposant une nouvelle théorie de l’individuation biologique. Cette théorie dite de « l’hétéro-organisation » rétablit le lien entre la théorie de la sélection naturelle de Darwin et la théorie du « milieu intérieur » de Bernard. Elle permet également de dépasser le réductionnisme et le holisme qui, selon lui, emprisonnent la pensée biologique depuis l’Antiquité.
Véronique Anger : En ouverture de votre livre, vous rendez hommage à M. Jean Tavlitzki, votre ancien professeur de génétique. Est-ce lui qui vous a inspiré « L’origine des individus(1) » ?
Jean-Jacques Kupiec : D’une certaine manière, oui. Lorsque j’étais étudiant, j’ai eu la chance de rencontrer un professeur qui m’a inspiré au sens le plus profond du mot et qui m’a aidé à me construire intellectuellement. Cette histoire est assez paradoxale car elle s’est déroulée dans la période de l’après Mai 68 alors que nous contestions violemment le pouvoir, notamment le pouvoir professoral. Sans m’en rendre compte, je me suis retrouvé pris dans une relation maître-élève très forte qui m’a beaucoup influencé. J’avais envie de le raconter et j’ai saisi l’occasion de le faire dans la préface de « L’origine des individus ». Je voulais rendre hommage à mon professeur, mais cette histoire pourrait aussi avoir un sens dans la période actuelle. On parle beaucoup de réforme de l’université, mais rarement de la relation professeur étudiant. Il me semble que cette relation est centrale dans le fonctionnement de l’université et que toute réforme devrait le prendre en compte.
 
VA : Si j’ai bien suivi votre démonstration, en plus d’être injuste, le déterminisme génétique serait « faux » scientifiquement ?
JJK : En effet, le déterminisme génétique est infirmé par les données expérimentales de la biologie moléculaire, ce qui nécessite un remaniement théorique. Selon la théorie classique, les gènes permettent la fabrication de protéines hautement spécifiques. Cela signifie qu’elles « s’emboîtent » comme les pièces d’un puzzle pour construire l’organisme sans qu’il y ait le moindre hasard dans ce processus. Comme vous le savez de très nombreuses protéines ont été isolées depuis cinquante ans. Mais, lorsqu’on analyse leurs propriétés, on se rend compte que ces protéines ne sont pas spécifiques. Au contraire, elles sont capables d’interagir (de « s’emboîter ») avec de très nombreuses molécules partenaires. Pour reprendre l’analogie du puzzle, c’est comme si une pièce, au lieu d’avoir un partenaire unique avec laquelle elle s’emboîte, était capable de s’emboîter avec de très nombreuses autres pièces. Dans ce cas, il ne serait plus possible de reconstituer la figure de ce puzzle. Il en est de même avec les protéines d’une cellule. Du fait de leur non spécificité on ne comprend pas comment elles peuvent s’organiser pour créer une structure viable. Cela pose un problème énorme qu’il faut résoudre.
 
VA : Vous remettez également en question les principes d’auto-organisation. Affirmer que les éléments d’un système ne relèverait pas d’un processus spontané va à l’encontre des idées généralement admises…
JJK : Effectivement, du fait des limitations de la biologie moléculaire classique, les théories de l’auto-organisation ont été proposées par de nombreux chercheurs comme une alternative. Dans mon livre, j’ai donc procédé à une analyse pour savoir si elles permettent de résoudre la difficulté posée par la non-spécificité des protéines. Ma réponse est négative. Ces théories reposent, soit sur des protéines spécifiques, soit impliquent des contraintes qui ne sont pas explicitement assumées. Il s’agit d’un point important. L’idée d’auto-organisation et l’idée d’émergence, qui est sa cousine germaine, suggèrent que les éléments d’un système s’organisent spontanément. Or, lorsqu’on analyse les exemples donnés par des auteurs comme Prigogine ou Kaufmann, on s’aperçoit qu’il y a toujours une contrainte externe globale qui s’applique sur ces systèmes et assure leur organisation. En d’autres termes, leur organisation n’est pas un processus spontané interne, il est causé par l’environnement.
 
VA : Quelle alternative proposez-vous ?
JJK : La solution que je propose consiste en une sorte de darwinisme généralisé, une extension de la sélection naturelle à l’intérieur des organismes. D’une part, la non spécificité des protéines a pour résultat d’introduire du hasard dans leurs interactions. Ce hasard est utile aux cellules car il permet de créer des structures nouvelles et de s’adapter au micro environnement, au milieu intérieur des organismes. D’autre part, ce hasard est aussi contrôlé par la contrainte sélective de l’environnement, qui trie et sélectionne « les bonnes interactions », celles qui sont utiles à l’organisme. En quelque sorte, la sélection naturelle de Darwin est projetée dans le milieu intérieur de Claude Bernard. Il s’agit là d’un résumé quelque peu brutal et caricatural de ma théorie, mais il en représente le principe général qu’il faut décliner dans toutes les situations expérimentales réelles.
 
VA : Pourquoi, dans votre livre, avez-vous jugé nécessaire de revenir sur la « théorie du milieu intérieur » de Claude Bernard ?
JJK : Effectivement, j’ai aussi consacré des développements pour expliquer en quoi consiste la théorie du milieu intérieur de Claude Bernard. On la réduit souvent à l’idée d’homéostasie, mais là encore c’est une caricature qui en dénature le sens premier. Pour Claude Bernard, le milieu intérieur est l’ensemble des conditions internes qui agissent sur les parties d’un être vivant et qui provoquent en retour leurs réactions. Cela conduit à une vision décentralisée, « anti finaliste » du vivant, qui est en contradiction avec la théorie du programme génétique. Ici je ne peux que renvoyer à la lecture de mon livre (ou de Claude Bernard lui-même) dans lequel j’ai consacré des passages assez longs à ce problème qui nécessite une analyse détaillée.
 
VA : Sur quelles expériences vous fondez-vous pour affirmer que l’expression des gènes est un phénomène aléatoire ?
JJK : A l’heure actuelle il existe une base expérimentale solide à l’appui de cette théorie. L’expression aléatoire des gènes est maintenant un phénomène démontré. Cela s’oppose à la théorie du programme génétique qui est déterministe par définition. Par contre, c’est la base même de ma théorie darwinienne. Dans mon livre je décris longuement toutes les données expérimentales qui la soutiennent. Evidemment, comme toute théorie, elle doit générer un nouveau programme de recherche expérimental pour aller plus loin. C’est exactement ce que nous faisons avec des collègues de plusieurs laboratoires qui collaborent étroitement dans ce sens. Dans quelques temps, nous pourrons en reparler mais je suis très optimiste. Il y a seulement dix ans, l’idée que l’expression des gènes puisse être un phénomène aléatoire était considérée comme trop originale par la majorité des biologistes (c’est un euphémisme !). Plutôt que de continuer à toujours répéter les mêmes schémas déterministes, il serait peut-être temps de se demander qu’elles en sont les conséquences sur le fonctionnement de la cellule…
 
Version intégrale. Propos de Jean-Jacques Kupiec recueillis par courriel pour Les Dialogues Stratégiques.
  
(1)« L’origine des individus ». Editions Fayard. Le temps des sciences (septembre 2008). La version anglaise : « The origin of individuals » chez World Scientific, sera en librairie dès janvier 2009.
 
Jean-Jacques Kupiec a également publié « Ni Dieu, ni gène. Pour une autre théorie de l’hérédité » avec Pierre Sonigo au Seuil en 2000.
 
Plus d’infos sur :
Le Centre Cavaillès
L’Ecole Normale Supérieure de Paris
 
Variations sur le même thème :
« Cancerogenèse : une nouvelle théorie fondée sur le darwinisme cellulaire  ». Jean-Jacques Kupiec pour Les Di@logues Stratégiques (N°54. Mai 2005)
« Rencontre avec le Pr Ali Saïb. Regard sur la science, la formation des chercheurs et la culture scientifique  » (Les Di@logues Stratégiques N°67. Octobre 2008)
 


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47 réactions à cet article    


  • geo63 19 décembre 2008 10:44

    Je ne suis pas généticien ni même biochimiste spécialiste (restons modeste), mais il me semble que la théorie présentée ici repose sur un argument central : la non spécificité des protéines. Cela est extrêmement vague, il existe des protéines de structure, des protéines de transport, des protéines à fonction enzymatique...
    Dire qu’une enzyme par exemple peut admettre un substrat non spécifique ( mais suffisamment proche de celui-ci) et le tranformer, c’est vrai. Les biotranformations actuellement très étudiées dans le cadre de la "chimie verte" reposent sur cette posibilité, mais cela ne remet pas en cause la fonction enzymatique spécifique dans une situation biologique déterminée, me semble-t-il ?


    • jjk 21 décembre 2008 09:35

      Bonjour,
      Mme Anger m’a suggéré de répondre sur ce forum.
      Vous avez raison mais dans l’itv je n’ai fait que donner des bribes de ce que je développe dans le livre qui fait 320 pages+32 figures. J’ai consacré un chapitre entier à détailler les exemples de non spécificté des protéines qui affecte tous les domaines : enzymologie, immunologie, signalisation, régulation des l’expression des gènes dans les noyaux des cellules. Je me suis particulièrement concentré sur la signalisation et la régulation de l’expression des gènes car ce sont des phénomènes cruciaux pour la différenciation des cellules (qui permet l’embryogenèse). Il y a une énorme accumulation de données mais nous pouvons aller à l’essentiel : les réseaux entiers d’interactions entre protéines pour plusieurs organismes ont déjà été analysés et l’on sait que du fait de la non spécificité des protéines (par exemple 10% interagissent avec plus de 100 partenaires) toutes les voies de sifgnalisation sont interconnectées. Cela signifie que la description de ce réseau ne permet pas de comprendre le fonctionnement "harmonieux" d’une cellule. En effet, comment comprendre que, lorsqu’une voie de signalisation est activée par un signal, la cellule répond par une réponse adaptée (l’activation d’un ensemble de fonctions) ? Si toutes les voies sont interconnectées qu’est-ce qui évite un brouillage de tous les effets possibles ? Le paradigme de l’explication par le simple jeu des interactions moléculaires ne marche plus, il faut une autre théorie qui explique la réduction du potentiel d’interactions moléculaires.
      Cordialement
      JJK


    • Le péripate Le péripate 19 décembre 2008 12:17

       Très intéressant. Ceci dit, l’intuition que la génétique est largement insuffisante à expliquer l’évolution n’est pas complètement une révolution : Joseph Reichholf dans "L’émancipation de la vie" écrivait (je ne sais pas si c’est la phrase la plus pertinente du livre, mais je n’ai pas le temps de chercher plus avant) : On n’a pas assez tenu compte, jusqu’à présent, de ce rôle égal ou supérieur du métabolisme dans la formation et la suite de l’évolution des organismes. le métabolisme est la "tache aveugle" des théories de l’évolution jusqu’à nos jours. C’est pourtant à ses fonctions que les organismes doivent les grands progrès, les grandes percées de l’évolution, alors que la mutation et la sélection modèlent les détails de la forme extérieures et les finesses de l’adaptation.

      Le paradigme déterministe est en voie d’effondrement, et c’est une bonne chose.


      • jjk 21 décembre 2008 09:43

        Bonjour,
        Oui, je suis bien d’accord mails il faut proposer des modèles plus précis pour expliquer comment on connecte le métabolisme, l’ontogenèse et l’évolution, comme pour le commentaire précédent je ne peux que renvoyer à mon livre. Je l’ai écrit pour ça ! Au risque d’être "vague", le concept général est le suivant : les cellules s’adaptent à leur micro-environnement à l’intérieur de l’organisme grâce à un mélange de hasard (notamment dans le fonctionnement des gènes) et de sélection. Dans ce processus de sélection le métabolisme joue un premier rôle. Les cellules s’adaptent en optimisant leur métabolisme ce qui permet leur multiplication pendant l’embryogenèse.
        Cordialement,
        JJK


      • Bof 25 décembre 2008 11:08

        @ Péripate : Je viens me permettre de vous écrire que dans mon village , il est habituel de dire : "’ Quand on veut, on peut "’ ...N’y a-t-il pas un début d’explication ? Ne devrions DONC pas aider d’avantage ceux qui souffrent et les faibles ? Et aider, ce n’est surtout pas faire à la place ....Puisqu’il faut comprendre les raisons de notre situation présente semble -t-il.
         Notre situation présente, à cette seconde, ne découle -t- elle pas de notre passé et de ce que nous y avons fait ? Ne préparons- nous donc pas notre futur en ce moment précis ? Notre mental n’ a -t-il aucune possibilité d’action sur notre devenir ? Ou bien même, notre mental fera -t- il notre avenir ?

        Alors, le déterminisme...il doit peut être exister à un certain niveau pour la vie des minéraux par exemple.Il y a bien une grande intelligence dans notre sol pour qu’il nous donne encore notre nourriture avec tous les mauvais traitements et cette intelligence ne rentre -t-elle pas dans le mot ’ déterminisme’ ? Les scientifiques ne pourraient-ils pas définir les mots qu’ils utilisent de façon plus précises car il va bientôt falloir un dico pour chaque livre .



      • Bernard Dugué Bernard Dugué 19 décembre 2008 13:35

        Bonjour Véronique,

        C’est avec plaisir que je lis vos billets épistémologiques, et un peu de science ne fait pas de mal.

        Vous avez bien fait de présenter Kupieck mais pour ma part, je crois que son darwinisme étendu au milieu intérieur est une erreur scientifique aussi énorme que put l’être la phrénologie de Gall. Mais ce n’est pas une honte que d’exposer des idées fausses, c’est mieux que pas d’idées du tout

        Kupieck, je me souviens l’avoir interpellé dans une conf à Bordeaux 1, je lui ai signalé que la transposition de certaines de ses expériences au champ ontogénétique n’étaient pas valide. ça l’a bien énervé, il n’a pas su quoi répondre à part dire que ma critique revenait à penser que ses travaux ne valaient rien. Preuve s’il en est du manque d’assurance du personnage


        • Véronique Anger-de Friberg Véronique Anger-de Friberg 19 décembre 2008 13:53

          Bonjour Bernard,
          N’étant que le "passeur "du savoir et non le savoir... j’ai invité Jean-Jacques Kupiec à répondre à vos commentaires s’il le souhaitait, comme je le fais habituellement avec des sujets un peu "pointus, n’étant pas scientifique moi-même. A suivre donc ! smiley


        • Philou017 Philou017 20 décembre 2008 00:35

          Bien d’accord avec Dugué. La selection naturelle généralisée de Darwin est une tarte à la creme qu’on ressort quand on ne sait pas expliquer certains phénomenes. L’auteur ne propose aucune explication circanstantion de son phénomene de "sélection".
          Les chercheurs feraient mieux d’étudier les énergies plutôt que se limiter à une analyse uniquement mécanique des phénomenes. La science est bancale aujourd’hui et avance sur une seule jambe. Son compter sa mauvaise vue et son ouie completement fermée.


        • jjk 21 décembre 2008 10:01

          j’ai bien donné plusieurs conférences à Bordeaux mais désolé, je ne me souviens plus de cet incident  smiley
          JJK


        • sobriquet 19 décembre 2008 16:06

          Il y a un passage qui m’échappe : selon JJ Kupiec, les exemples d’auto-organisation donnés par Prigogine et Kaufmann sont invalides, car on trouve toujours une contrainte externe globale qui conditionne l’émergence.

          Mais tout système réel est toujours conditionné par des contraintes externes de température, de pression, de pH, etc. Il est donc évident qu’aucune auto-organisation n’est envisageable qui ne soit pas "autorisée" par l’environnement.

          En conséquence, je suis bien conscient qu’il s’agit là d’un point de vue de profane, mais j’ai l’impression que Kupiec ne remet pas vraiment en question les principes de l’auto-organisation, mais propose juste une autre manière de décrire les mêmes phénomènes, sans lever de contradiction.


          • Véronique Anger-de Friberg Véronique Anger-de Friberg 19 décembre 2008 16:27

            Je transmets à M. Kupiec, qui essaiera de faire une réponse "groupée" à toutes vos questions ce soir... Merci !


          • jjk 21 décembre 2008 09:49

            Bonjour,
            Le problème est que l’organisation n’est pas seulement "autorisée" par l’environnement. La nature de la contrainte environnementale se reflète dans la forme que prend l’organisation interne du système considéré. Pour cette raison le concept d’auto-organisation est invalide et doit être remplacé par celui d’hétéro-organisation. Comme pour les commentaires précédents je ne peux ici que renvoyer à mon livre. J’ai consacré un (gros) chapitre entier pour expliquer cela en donnant des exemples précis.
            Cordialement
            JJK


          • jjk 21 décembre 2008 09:51

            Bonjour,
            Bis repetita ! Tout le livre ne fait que répondre à ces questions ...
            Cordialement
            JJK


          • Véronique Anger-de Friberg Véronique Anger-de Friberg 19 décembre 2008 17:39

            Ben... tous les commentaires ont disparu ? Ou bien c’est mon PC qui me joue des tours...


            • chmoll chmoll 20 décembre 2008 08:45

              conclusion ?


              • jjk 21 décembre 2008 09:53

                en ben dis donc, c’est pas très sympa ! j’espère bien que non !  smiley
                jjk


              • Véronique Anger-de Friberg Véronique Anger-de Friberg 21 décembre 2008 14:35

                Ah... tout est revenu... il s’est passé un truc bizarre à l’écran... sans doute un bug ! Mais tout est rentré dans l’ordre à présent.
                Jean-Jacques, merci pour vos réponses aux commentaires et, effectivement, on ne saurait trop recommander la lecture de votre ouvrage aux blogueurs qui voudraient approfondir le sujet. D’ailleurs, comme vous le dites : toutes les réponses sont dans votre ouvrage et il paraît difficile de résumer l’ensemble en qques lignes dans votre commentaire.
                Bonnes fêtes de Noël à tous !


              • finael finael 21 décembre 2008 16:36

                Bonjour,

                 Il me semble que le chapeau de l’article ne correspond pas à l’esprit scientifique avec lequel M. Jean Jacques Kupiec s’exprime lui-même ici.

                 De ce que j’en sais, aucune théorie ne "tire un trait" sur quoi que ce soit. Toute théorie, pour être scientifiquement recevable doit être réfutable. C’est ce que fait, me semble-t-il, M. J.J Kupiec en réfutant certaines théories par l’interprétation de données expérimentales.

                 Mais sa propre approche, et je pense qu’il le sait, peut être elle-même réfutée - ou confirmée - par de nouvelles expériences.

                 En effet toute théorie s’appuie, à moins de remonter indéfiniment dans le temps, sur des postulats de départ, qu’ils soient exprimés ("par deux points il ne passe qu’une droite") ; ou non.

                 Bien souvent, comme ici, c’est la remise en cause de ces postulats qui permet à la connaissance d’avancer.

                 Aussi je salue les interventions de M. Jean-Jacques Kupiec, autant que je critique le titre de l’article qui renvoie à des présupposés idéologiques : "tirer un trait" ne veut rien dire.


                • Véronique Anger-de Friberg Véronique Anger-de Friberg 21 décembre 2008 17:04

                  Et moi je vous invite à lire son ouvrage avant de "critiquer". Quand vous aurez terminé, rien ne vous empêche d’écrire un article pour exprimer un point de vue argumenté. Cela demande évidemment plus d’effort intellectuel que de balancer 5 lignes péremptoires...


                • Bof 25 décembre 2008 10:38

                  MAGNIFIQUE ...QUEL CHANGEMENT ! Quel très beau cadeau que votre article vient offrir.

                  Si je comprends correctement le contenu, cela va dans le sens de nos amis Asiatiques avec leur corps éthérique qui serait l’interface entre les mondes de l’ Energie et le corps physique. Ainsi , on arrive à comprendre comment peut fonctionner notre cerveau et nos gènes ...grâce à leurs Centres d’ énergie qui correspondent à l’entrecroisement de leurs nadis. Ces nadis correspondent directement à la matérialisation de nos nerfs et des principaux Centres d’ entrecroisement, on en arrive aussi à la matérialisation des glandes.
                  Il doit bien y avoir quelque chose de vrai ...et l’aléatoire serait...un aléatoire ’ moderne’ pour être politiquement correct. On peut aussi comparer avec les expériences Américaines de notre très très regretté Professeur Luc Montagnier que des connards ont considéré comme étant trop vieux à 65 ans...âge où les scientifiques sont les plus efficaces très souvent ! J’ai écrit regretté car je crois que tout compte fait, je suis chauvin . La Mémoire de l’Eau aurait donc bien été brisée par le monde du fric....et l’aléatoire reprendrait un peu ses droits ....si la mémoire de l’eau est vraie.
                  Voici l’adresse de la conférence :

                  Luc Montagnier - Lugano - 27 october 2007 | Colombre


                  • fouadraiden fouadraiden 25 décembre 2008 11:29


                     je me demande lesquelles de ces deux origines est le plus difficile à théoriser, l’origine du monde ou celui des individus ? l’astropysicien copie t il ses interrogations sur le généticien, ou le contraire .


                     la tarte à la crème est probablement dans ce mot "origine".


                    • hans lefebvre hans lefebvre 25 décembre 2008 18:28

                      Pour ce qui me concerne, n’ayant pas encore lu l’ouvrage en question, je ne me permettrais pas d’avancer quelque critique que ce soit. Pour autant je ne pense pas que les thèses avancées invalident les travaux de Prigogine, Kauffman auxquels je me permets d’ajouter ceux de celui qui m’est le plus cher Fritjof Capra et sa "notion d’écologie complexe" qui intègre l’essentiel des travaux scientifiques issus de cette lignée (théorie dynamique des systèmes, théorie de la complexité, dynamique non linéaire et dynamique des réseaux...).
                      En outre, il est difficile de concevoir quelque théorie qu’il soit sans tenir compte de la pression du milieu (endogène ou exogène). L’auto-organisation n’exclut aucunement la prise en compte de l’environnement, je crois même qu’il est intégré de fait. In fine, je ne manquerai pas de lire l’ouvrage de JJK, il m’est avis qu’il peut s’emboiter parfaitement avec les travaux cités ci-dessus. Quoi qu’il en soit, nous tâtonnons tous et buissonnons à l’infini, à l’image de ce merveilleux tout qu’il faut contempler sans cesse.


                      • Dickin 4 janvier 2009 12:36

                        Bonjour,

                        J’ai lu votre livre, et avant de faire des critiques plus approfondies, je voudrais vous posser une question.

                        En somme, pour vous, la vie n’existe pas, puisqu’il n’y a pas de spécificité des êtres vivants par rapport aux objets inanimée ni aux machines. Je me trompe ?

                        A vous lire là-dessus et à bientôt.


                        • jjk 5 janvier 2009 08:20

                          Avant de répondre à votre question je voudrais moi aussi faire une remarque générale. Je ne me pose pas, a priori, la question de la définition de la vie. Je pense même que c’est une très mauvaise manière d’aborder le vivant. C’est s’embarquer dans des positions de principe et se tromper à coup sûr.

                          Ma problématique est celle de l’ontogenèse. A partir de l’analyse de ce problème et de l’état actuel des connaissances produites par la recherche expérimentale, j’essaye de construire une nouvelle théorie qui résout les problèmes où « coince » l’ancienne conception déterministe. Il est vrai qu’a posteriori, le point de vue que j’élabore nous dit quelque chose sur ce qu’est la vie. Mais ce n’est pas un point de vue parfait et définitif, et je l’assume comme tel. Un point de vue parfait et définitif sur cette question ne relève pas de la pratique scientifique.

                          Alors votre question.

                          Ma réponse : oui vous vous trompez.

                          Vous faites allusion à la 3ème thèse que je propose dans l’introduction du livre « Les lois de la biologie et de la physique sont de même nature » et que j’explicite ensuite dans les chapitres 3, 4 et 6. Une telle affirmation n’implique nullement que le vivant et l’inanimé soient la même chose et qu’il n’y a rien de particulier dans le vivant ! 1- Les conditions d’application des lois de la matière sont évidemment différentes chez un être vivant 2- et il y a aussi des lois supplémentaires dues aux particularités du vivant.

                          Je vous donne des exemples pour ces deux points.

                          1- Les molécules biologiques sont soumises à l’agitation thermique et aux lois de la diffusion. C’est aujourd’hui démontré expérimentalement. Mais, bien évidemment la diffusion d’une molécule biologique dans une cellule ne se fait pas comme celle d’un soluté dans un verre d’eau. Elle est contrainte par la structuration de la cellule (les membranes, les compartiments, l’encombrement moléculaire, etc.). De ce fait les cinétiques de diffusion sont beaucoup plus compliquées que des cinétiques dans un espace à trois dimensions (3D) homogène décrites par les lois classiques de Fick (lois de la diffusion). Mais malgré cette complication dans les deux cas (la cellule et le verre d’eau) les phénomènes de diffusion sont de même nature.

                          2- Les être vivants se répliquent. Nous sommes encore loin de saisir totalement ce phénomène même si les connaissances factuelles se sont accumulées. Mais nous savons que cela a des conséquences très importantes : par exemple, cela permet la sélection naturelle qui n’a pas d’équivalent en physique (jusqu’à présent).

                           

                          Dernier point pour préciser. Dans le livre, il est exact que je parle beaucoup de spécificité mais il ne s’agit pas de la spécificité de la vie en général. Il s’agit de la spécificité des interactions entre molécules et des conséquences que cela a pour une théorie de l’organisation biologique.

                          Cordialement,

                          JJK


                        • Dickin 4 janvier 2009 15:43

                          Bonjour,

                          Tout d’abord, avant de vous faire part de mes critiques, je tiens à dire que je considère les êtres vivants comme des "systèmes auto-organisés", radicalement différents des objets inanimés et des machines, car dotés d’une activité autonome. J’essaie de penser cela dans un cadre strictement matérialiste et déterministe, sans faire intervenir aucune puissance surnaturelle, "force vitale", ou autre phénomène dont les modalités seraient inconnaissable (y compris la providence laïque du hasard des mutations et de la sélection naturelle) ou improbables (programme génétique).

                          1) Aristote et l’ordre de la nature.

                          Votre critique du programme génétique et des théories de l’auto-organisation se fonde donc sur une critique de la vision aristotélicienne du monde, que selon vous ces différentes théories reconduisent plus ou moins explicitement.

                          Si votre critique des conceptions aristotéliciennes est juste, je suis très sceptique quant votre manière de les voir partout encore à l’œuvre, et surtout d’y ramener, à l’aide d’amalgames et de contresens parfois assez grossiers (il faut bien le dire), les théories de l’auto-organisation. J’ai l’impression que vous commettez là une erreur de raisonnement assez considérable.

                          Aristote n’était pas un abruti mystique : il a observé l’existence d’un ordre dans la nature et il en a donné une interprétation en termes d’essence, de finalité, etc. Ce n’est pas parce que cette interprétation est erronée, que cet ordre n’existe pas et ce n’est pas parce que l’on observe un ordre dans la nature que l’on est obligé de l’interpréter comme Aristote.

                          Vous semblez commettre ici la même erreur de raisonnement que Darwin il y a 150 ans :

                          "Si les biologistes d’aujourd’hui ne peuvent concevoir l’idée d’un ordre naturel dans l’évolution des espèces et vantent la contingence en ce domaine comme remède à la finalité, c’est parce que Darwin, en réaction à ses idées de jeunesse, a faussement imaginé qu’un tel ordre ressortissait obligatoirement à la théologie naturelle prônée par un clergyman du XVIIIe siècle (William Paley, que Darwin étudia assidûment à Cambridge). Les chimistes peuvent se réjouir de ce que Mendeléev (1834-1907) n’ai jamais lu Paley, et les cristallographes de ce qu’apparemment René-Just Haüy (1742-1822) n’en ait jamais entendu parler (bien qu’il fut prêtre lui-même et son contemporain), sinon ni la classification périodique des éléments chimiques, ni les systèmes de symétrie des cristaux n’auraient vu le jour."

                          André Pichot, Histoire de la notion de vie, éd. Gallimard TEL, 1993, p. 837-838.

                          Il y a donc un ordre dans la nature et ce n’est pas seulement une invention subjective, mais une réalité objective. Il est vrai que lorsque l’on ne veut pas admettre la spécificité de certains corps au prétexte fallacieux que cette spécificité ne peut être définie dans l’absolu et de manière univoque, comme vous le faites, ont ne peut plus discerner aucune espèce d’ordre ni d’organisation dans la nature ni chez les êtres vivants. Mais il s’agit la encore d’une grossière erreur de raisonnement : la spécificité ne se définit pas dans l’absolu (comme Dieu seul pourrait le faire, s’il existait), mais bien relativement aux autres corps. La spécificité des êtres vivants se définit par rapport aux objets inanimés et aux machines, par exemple.

                          A vous lire et à bientôt.


                          • jjk 5 janvier 2009 10:20

                            Bonjour,

                            J’ai intercalé mes réponses en gras dans votre texte pour faciliter la lecture.

                             

                             

                            Tout d’abord, avant de vous faire part de mes critiques, je tiens à dire que je considère les êtres vivants comme des « systèmes auto-organisés », radicalement différents des objets inanimés et des machines, car dotés d’une activité autonome.

                            Ceci est faut. Les être vivants ne sont pas autonomes. Ils dépendent de leur environnement. Le vivant ne peut pas se concevoir sans l’environnement.

                            J’essaie de penser cela dans un cadre strictement matérialiste et déterministe, sans faire intervenir aucune puissance surnaturelle, « force vitale », ou autre phénomène dont les modalités seraient inconnaissable (y compris la providence laïque du hasard des mutations et de la sélection naturelle) ou improbables (programme génétique).

                            C’est une position de principe a priori, donc fausse. Niez-vous l’existence de processus probabilistes à l’œuvre dans la nature ?

                            1) Aristote et l’ordre de la nature.

                            Votre critique du programme génétique et des théories de l’auto-organisation se fonde donc sur une critique de la vision aristotélicienne du monde, que selon vous ces différentes théories reconduisent plus ou moins explicitement.

                            Si votre critique des conceptions aristotéliciennes est juste, je suis très sceptique quant votre manière de les voir partout encore à l’œuvre, et surtout d’y ramener, à l’aide d’amalgames et de contresens parfois assez grossiers (il faut bien le dire), les théories de l’auto-organisation. J’ai l’impression que vous commettez là une erreur de raisonnement assez considérable.

                            Aristote n’était pas un abruti mystique :

                            Loin de moi de penser une chose pareille !! Si c’était le cas je n’aurais pas passer autant de temps à le lire et à essayer de le comprendre. D’une manière générale, je ne méprise pas les gens qui ne pensent pas comme moi.

                            il a observé l’existence d’un ordre dans la nature et il en a donné une interprétation en termes d’essence, de finalité, etc. Ce n’est pas parce que cette interprétation est erronée, que cet ordre n’existe pas et ce n’est pas parce que l’on observe un ordre dans la nature que l’on est obligé de l’interpréter comme Aristote.

                            Là je suis d’accord mais la question posée est d’expliquer d’où vient cet ordre si il n’est pas interprétable en termes d’essence et de finalité ?

                            Vous semblez commettre ici la même erreur de raisonnement que Darwin il y a 150 ans :

                            « Si les biologistes d’aujourd’hui ne peuvent concevoir l’idée d’un ordre naturel dans l’évolution des espèces et vantent la contingence en ce domaine comme remède à la finalité, c’est parce que Darwin, en réaction à ses idées de jeunesse, a faussement imaginé qu’un tel ordre ressortissait obligatoirement à la théologie naturelle prônée par un clergyman du XVIIIe siècle (William Paley, que Darwin étudia assidûment à Cambridge). Les chimistes peuvent se réjouir de ce que Mendeléev (1834-1907) n’ai jamais lu Paley, et les cristallographes de ce qu’apparemment René-Just Haüy (1742-1822) n’en ait jamais entendu parler (bien qu’il fut prêtre lui-même et son contemporain), sinon ni la classification périodique des éléments chimiques, ni les systèmes de symétrie des cristaux n’auraient vu le jour. »

                            André Pichot, Histoire de la notion de vie, éd. Gallimard TEL, 1993, p. 837-838.

                            Excusez-moi de vous le dire mais là vous prenez une très mauvaise pente. Plutôt que de répéter les anathèmes de Pichot je vous conseille de lire (ou de relire attentivement ) Darwin. Son livre majeur, « L’origine des espèces », vaut mieux que les résumés caricaturaux qui en sont donnés par ses détracteurs. Il est beaucoup plus compliqué et nuancé et source d’un questionnement fécond.  
                            Je voudrais que vous m’expliquiez concrètement le rapport entre le mécanisme de sélection naturelle qu’il décrit, fondé sur le principe de divergence, et la théologie de Paley. Désolé mais je n’ai toujours pas compris cela !! 

                            Il y a donc un ordre dans la nature

                            Oui mais la question est d’expliquer d’où vient cet ordre. Est-ce qu’il est donné a priori comme dans une conception essentialiste (Aristotélicienne) ou bien est-ce qu’il provient de mécanismes intrinsèquement probabilistes comme le suggèrent la physique statistique et le darwinisme. Je soutiens ce dernier point de vue.

                            et ce n’est pas seulement une invention subjective, mais une réalité objective.

                            La question de l’objectivité de l’ordre dépend de l’échelle à laquelle on se place. Ce qu’explique Schrödinger (et que je reprends à mon compte) est que l’ordre qui est décrit par des lois déterministes à l’échelle macroscopique (à notre niveau d’observation) est en fait le produit de la loi des grands nombres. Au niveau microscopique (des molécules et atomes) règne le hasard brownien et quantique. Est-ce que vous niez les lois de la physique ?

                            Il est vrai que lorsque l’on ne veut pas admettre la spécificité de certains corps au prétexte fallacieux que cette spécificité ne peut être définie dans l’absolu et de manière univoque, comme vous le faites, ont ne peut plus discerner aucune espèce d’ordre ni d’organisation dans la nature ni chez les êtres vivants. Mais il s’agit la encore d’une grossière erreur de raisonnement : la spécificité ne se définit pas dans l’absolu (comme Dieu seul pourrait le faire, s’il existait), mais bien relativement aux autres corps.

                            C’est exactement ce que je fais. Mais moi je tire les conséquences de cette relativité : Il existe des combinatoires immenses de possibilités d’interactions entre molécules biologiques, ceci implique que ces interactions sont probabilistes (chapitres 4 et 6). Le caractère probabiliste de l’expression des gènes, par exemple, n’est pas une spéculation. C’est aujourd’hui un fait expérimental démontré et il serait bon qu’on (je vous laisse définir le on) en tire les conclusions qui s’imposent.

                            La spécificité des êtres vivants se définit par rapport aux objets inanimés et aux machines, par exemple.

                             Là je vous renvoie à ma réponse à votre question précédente.

                             

                            Cordialement,

                            JJK


                          • Dickin 5 janvier 2009 19:00

                            Bonjour,
                            Merci pour vos réponses fort instructives.

                            Je réponds ici brièvement sur le point concernant l’autonomie des êtres vivants.

                             

                            Vous dites : Ceci est faux. Les être vivants ne sont pas autonomes. Ils dépendent de leur environnement. Le vivant ne peut pas se concevoir sans l’environnement.

                            Je crains que vous ne confondiez ici deux notions, celle d’autonomie avec celle d’autarcie. Est autarcique ce qui se suffit à lui-même. Est autonome ce qui se gouverne selon ses propres lois ou principes (ce sont les définitions - fort imparfaites concernant l’autonomie - du dico). Ce sont deux notions différentes, voire opposées par certains aspects.

                            Il faut dire que le langage courant tend aussi à confondre ces deux termes, à les prendre l’un pour l’autre : on parle de l’autonomie d’une machine pour désigner le temps durant laquelle elle se suffit à elle-même, sans apport extérieur d’énergie, alors qu’il serait plus exact de parler ici d’autarcie. Une machine n’a aucune autonomie, elle ne se gouverne pas par elle-même, mais selon les principes de sa construction, ou selon les instructions de son programme. Une machine est totalement indifférente à l’environnement, laissée à elle-même elle finit par s’arrêter faute d’énergie ou d’entretient (pour les plus automatisées). (Sur la différence entre machine et organisme, il y a aussi les belles et pertinentes analyses - dans une perspective finaliste - de Kant).

                            L’être vivant puisse matière et énergie dans l’environnement, ce qui lui permet dans le même mouvement (a peu de choses près) de devenir relativement indépendant des contraintes propres à cet environnement. La notion d’autonomie est en ce sens dialectique, c’est de cette contradiction que naît la dynamique interne propre aux vivants, leur activité autonome.

                             

                            Voyez au passage l’intérêt d’approcher d’une définition "théorique" de la vie par une méthode comparative : ce n’est pas une approche "a priori", ni la recherche d’un "point de vue parfait et définitif (!) sur cette question" (comme vous le dites, reprenant ici les arguments de Cl. Bernard) mais également une approche progressive - qu’il est possible de poursuivre beaucoup plus loin.

                            Voici quelques extraits d’un texte qui me semble assez éclairant sur cette question de l’autonomie des êtres vivants (il faudrait pour bien faire citer le chapitre entier) :

                             

                            Le principe est de reprendre l’idée lamarckienne de l’orientation du jeu des lois physiques dans des voies déterminées, étant donné que ce jeu des lois physiques est nécessairement temporel. Cette "orientation" permet d’expliquer comment l’être vivant se définit en une entité distincte, se différenciant de son milieu tout en entretenant avec lui de nombreux échanges. Soit une notion de relation-séparation entre l’être vivant et son milieu extérieur (séparation car il est distinct de ce milieu, relation car il entretient avec lui de nombreux échanges, - c’est le problème de la définition d’un système ouvert).

                            Cette séparation-relation résulte d’une disjonction de leurs évolutions. En effet, l’être vivant, dans son évolution, individuelle ou spécifique, "canalise" le jeu des lois physico-chimiques dans certaines voies aux dépens des autres possibles, alors que l’environnement, lui, évolue en suivant toutes les voies possibles selon les proportions voulues par le libre jeu de ces lois et des équilibres qu’elles régissent. […]

                            il n’en est pas moins incontestable et vrai que l’évolution (individuelle et spécifique) des êtres vivants ne suit pas simplement celle de l’environnement. Elle en est autonome, car elle a ses principes propres (ceux de cette "canalisation"). Elle n’en est cependant pas totalement indépendante, car les êtres vivants, tout en évoluant de manière disjointe, ont de constantes relations avec leur milieu (de nombreux échanges de matière et d’énergie). D’un point de vue thermodynamique, ce sont d’ailleurs ces relations qui permettent aux êtres vivants d’évoluer de manière disjointe, et donc de se distinguer de l’environnement. Sont ainsi conciliés les deux moments de l’(auto)définition des êtres vivants : leur distinction d’avec l’environnement (évolution individuelle, et spécifique, disjointe) et leur relation avec lui (échanges divers).

                            André Pichot, Histoire de la notion de vie, Chapitre de conclusion, La notion de vie aujourd’hui, pp. 941-942.

                             

                            Il est regrettable que vous ne citiez ce remarquable ouvrage que sur un détail insignifiant concernant Darwin, alors que sur bien des questions d’histoire de la biologie (Descartes, Lamarck, Bernard, Darwin), je trouve qu’il contient des analyses intéressantes - et est une mine d’informations. Manifestement, vous n’avez pas lu la Conclusion, ce qui est bien dommage car cela vous aurait certainement évité ce grossier contresens entre autonomie et autarcie.

                            Par ailleurs, cela aurait été fort intéressant de vous voir discuter les thèses de Pichot sur l’autonomie et l’auto-organisation (il critique de manière fort pertinente l’idée d’émergence, et l’utilisation de la notion d’information par la biologie moléculaire).

                             

                            Enfin, je suis peut-être bête, mais je ne vois pas bien quelle est cette "très mauvaise pente" sur laquelle je serais en train de glisser, selon vous.

                             

                            J’arrête pour aujourd’hui, j’espère pouvoir vous faire part d’autres critiques (à propos de l’auto-organisation, notamment) plus tard.

                            A vous lire avec intérêt sur tout cela.

                            B.L.

                             


                            • jjk 5 janvier 2009 22:29

                              Vous devriez méditer cette phrase de Claude Bernard (que je préfère vraiment à André Pichot, désolé) :
                              "De même, la vie est le résultat du contact de l’organisme et du milieu ; nous ne pouvons pas la comprendre avec l’organisme seul, pas plus qu’avec le milieu seul" (Introduction à l’étude de lamédecine expérimentale, p118, Editions Vrin).
                              Le vivant n’existe que dans la relation à l’environnement, pas simplement en terme d’apport nutritif, c’est sa "nature" même et en ce sens il n’y a pas d’autonomie de l’organisme.
                              Il ne se gouverne pas par lui-même parce qu’il est soumis à la sélection naturelle, c-a-d y compris dans sa structure et ses mécanismes internes. C’est précisément ce que désigne le concept d’hétéro-organisation.

                              Excusez-moi, mais je ne comprends rien à la dialectique.

                              Mais alors qui est BL ?
                              Bien à vous
                              JJK


                            • Dickin 6 janvier 2009 12:36

                              Excusez-moi, mais je ne comprends rien à la dialectique.

                              C’est bien ce qui me semblais avoir perçu à la lecture de votre livre. Mais alors, je constate également que vous n’avez rien compris à mon explication sur l’autonomie du vivant, car les arguments que j’ai avancé et la citation de Pichot ne s’opposent pas à votre citation de Bernard, mais bien au contraire vont dans le même sens et prolongent l’analyse un peu plus loin.

                              L’univers et plus encore la vie sont traversées par des contradictions... Le saviez-vous ?

                              A vous lire ?
                              B.L.


                            • jjk 7 janvier 2009 09:02

                              Le mot qui vous échappe ici est le mot contact.
                              Cordialement,
                              JJK


                            • jjk 7 janvier 2009 09:07

                              Les chercheurs aussi, c’est ce qui les fait progresser. Vous, vous n’en avez pas (vos textes en témoignent), c’est pour ça que vous allez régresser.
                               smiley
                              Cordialement,
                              JJK


                            • Dickin 6 janvier 2009 12:52

                              Je vous livre la suite de mes réflexions, puisque je les ai rédigées avant de lire votre dernière réponse qui me semble une fin de non-recevoir.

                              Bonjour,

                               

                              A propos de votre critique de l’auto-organisation, je partirais de ce que vous dites de Prigogine et Stengers et des Cellules de Benard, parce que c’est ce que je connais le mieux. Mais je crois que mes remarques peuvent être en partie valable pour les autres auteurs que vous citez.

                               

                              Dans votre analyse des Cellules de Benard, ce qui me frappe, c’est que vous ne retenez que ce qui est en faveur de votre thèse de l’hétéro-organisation, à savoir que le « système s’organise -sous l’effet d’une contrainte extérieure » (p. 127-128).

                              Ce n’est pas faux (en effet, plus personne ne croit qu’il puisse y avoir génération spontannée ou phénomènes sans causes, sauf les mystiques, cela va de soi), mais il ne faut pas oublier aussi que le dispositif expérimental qui permet d’étudier les Cellules de Benard est spécialement conçu dans le but d’étudier ce phénomène dans toute sa pureté, c’est-à-dire en circonvenant la matière à l’aide d’un maximum de contraintes et ne lui laissant que fort peu de degrés de liberté, sinon celle de manifester ces cellules de convenction.

                              Il faut voir aussi le phénomène dans sa totalité : à savoir que ce système dissipatif comporte deux phases, la diffusion et la convection. Or, la transition d’une phase à l’autre n’est pas causée uniquement par l’augmentation du gradient de température. Cette transition dépend aussi de la viscosité du liquide, la température à laquelle le système passe en régime de convection est fonction de la viscosité, c’est-à-dire d’une propriété intrinsèque et spécifique de la matière en mouvement. Le système ne s’organise pas que sous l’influence de l’environnement, contrairement à ce que vous prétendez : si la viscosité est trop faible, il n’y a pas de convection.

                               

                              On touche là, je crois, une autre de vos confusions. Vous écrivez : « Force est donc de constater que le holisme remet en cause le principe d’objectivité de la nature, qui implique l’inertie de la matière. Par cette activité créatrice dont il réintroduit l’idée, il l’affuble de nouveau d’un principe de mouvement interne qui caractérise l’animisme. » (p.112) L’idée d’objectivité exclu en effet l’animisme, c’est-à-dire l’idée qu’une âme, essence ou tout autre principe métaphysique animerais la matière. Mais cela ne veut pas dire que la matière elle-même est inerte : en mécanique, le principe d’inertie implique la conservation du mouvement dans le vide et en l’abscence de frottement ; et en thermodynamique, le premier principe (dérivé du précédent) implique la conservation de l’énergie dans tout corps isolé. Concernant les êtres vivants, ce ne sont pas des corps qui sont dans le vide ni des corps isolé (ou isolables), ce ne sont pas des systèmes fermés, mais au contraire des systèmes ouverts échangeant en permanences matière et énergie avec l’éxtérieur. En l’occurrence, l’exigence d’objectivité ne peut donc pas s’apparenter avec l’idée d’une matière inerte, mais au fait que l’on attribue pas au mouvement de cette matière (incontestable chez les êtres vivants) des causes surnaturelles ou inconnaissables, et rien de plus.

                              En physique, le développement des théories et observations a permi d’établir l’équivalence de la matière et de l’énergie (E=mC2), la dualité onde-corpuscule, la mécanique quantique (probabiliste), etc. Toutes choses qui montrent le lien étroit et indissoluble entre la matière et le mouvement, qui semblent bien être les deux aspects inséparables d’une seule et même réalité. Comme exemple pour le moins paradoxal, on pourrait prendre la lumière : un photon est une particule sans masse ayant une vitesse absolue, à moins que ce ne soit une oscillation de l’espace (onde) propageant un quantum d’énergie…

                              L’animisme attribue abusivement à la matière des capacités créatrices. La physique moderne constate non l’inertie de la matière, mais son instabilité fondamentale, laquelle est source de possibilités combinatoires ; ce n’est pas tout à fait la même chose.

                               

                              De fait, j’ai UN exemple de système auto-organisé où le mouvement propre de la matière manifeste une activité combinatoire : c’est l’astre qui nous dispense cette même lumière chaque jour, c’est le processus qui a engendré la matière dont nous sommes faits et c’est la source de toute vie sur Terre ; le Soleil.

                              La dynamique du soleil est le produit d’une contradiction intrinsèque : la masse d’hydrogène s’effondre sur elle-même sous l’effet de son propre poids et les conditions de température et de pression qui en résultent engendrent des réactions de fusion thermo-nucléaire. De là sortent chaleur et rayonnement qui s’opposent à la tendance à l’effrondrement sous l’effet de la gravitation. De cette dialectique entre la force centripède de la gravitation et de la tendance centrifuge de la chaleur résulte la dynamique globale et cyclique du système ; c’est une auto-organisation très simple de la matière, un système dissipatif qui brûle sa propre matière (il est autarcique, mais pas autonome). Il produit non seulement chaleur et rayonnement, mais aussi les éléments plus lourds que l’hydrogène qui entrerons ensuite dans la composition des planètes et de la vie sur Terre…

                               

                              Dites-moi donc ou est l’hétéro-organisation là-dedans ?

                               

                              A vous lire ?

                              B.L.


                              • jjk 6 janvier 2009 23:26

                                J’ai une mauvaise nouvelle pour vous : la mode de l’auto-organisation est terminée. En effet, ce n’est pas une théorie scientifique mais une idéologie qui sert à justifier l’ultra-libéralisme (de la particule à l’auto-régulation du marché). Sa vogue dans les années 1980 correspond à la prise du pouvoir par Reagan et Thatcher. Mais maintenant avec la crise, c’est fini. On voit bien le résultat de pareilles inepties. Si ce n’était pas tragique quant aux conséquences pour des millions de gens, on pourrait en rire.
                                Bonsoir,


                              • jjk 7 janvier 2009 11:28

                                B.L,
                                Excusez-moi mais je n’avais pas compris qui vous êtes. Mea culpa !
                                Je suis honoré.

                                Trois points  :
                                1- vous devriez mieux choisir vos conseillers scientifiques, cela vous éviterait de ressasser des platitudes.

                                2- Je vous cite à mon tour :

                                "Dans votre analyse des Cellules de Benard, ce qui me frappe, c’est que vous ne retenez que ce qui est en faveur de votre thèse de l’hétéro-organisatio n, à savoir que le « système s’organise -sous l’effet d’une contrainte extérieure » (p. 127-128).

                                Ce n’est pas faux (en effet, plus personne ne croit qu’il puisse y avoir génération spontannée ou phénomènes sans causes, sauf les mystiques, cela va de soi), mais il ne faut pas oublier aussi que le dispositif expérimental qui permet d’étudier les Cellules de Benard est spécialement conçu dans le but d’étudier ce phénomène dans toute sa pureté, c’est-à-dire en circonvenant la matière à l’aide d’un maximum de contraintes et ne lui laissant que fort peu de degrés de liberté, sinon celle de manifester ces cellules de convenction."

                                Votre argumentation est similaire à celle des généticiens lorsqu’on ose critiquer le déterminisme génétique. En général, ils vous répondent "Mais voyons, vous nous caricaturez, plus personne ne croit au déterminisme, on sait depuis longtemps que l’environnement joue un rôle également ..." Cette attitude permet d’éviter la contradiction qui est soulevée. Ici (dans la citation et le reste de votre texte) vous faites la même chose. Les "cellules de convenction" ne peuvent pas exister sans un gradient de Tp externe qui les conditionne. Il y a donc une incohérence évidente à vouloir théoriser ce phénomène avec le concept d’auto-organisation. Cela n’empêche évidemment pas l’existence de contraintes internes au système que vous mentionnez (la viscosité) !!!

                                3- Votre critique du dispositif expérimental : Si on vous suit, cela signifie que les "cellules de convenction" ne sont que des artefacts (c’est d’ailleurs une thèse générale qui vous anime - sans jeu de mot)  !!! Mais alors tout le "discours" de l’auto-organisation s’effondre puisque les "cellules de convenction" en sont l’exemple fondamental donné par ses partisans ...
                                Merci, vous m’apportez un argument supplémentaire.

                                JJK


                                • Dickin 7 janvier 2009 14:12

                                  Bonjour,

                                  Ma critique du dispositif expérimental n’a jamais voulu dire que "cela signifie que les "cellules de convection" ne sont que des artefacts". Pour quelqu’un qui critique l’essentialisme, je trouve que vous avez beaucoup de mal à raisonner autrement que "si c’est pas noir, c’est blanc" !

                                  Et le Soleil, ce n’est pas un dispositif expérimental : on observe là le libre jeu des lois de la physique, et dont le déploiement des capacités combinatoires de la matière. Expliquez-moi comment le vide intersidéral (son environnement) se "reflète" dans sa structure, qu’on rigole un peu. Est-ce un système
                                  auto-organisé, oui ou non ?

                                  Quand à votre parallèle avec le libéralisme, c’est une fois de plus un contresens : Reagan et Tatcher n’ont pas fait que déréguler les systèmes d’assistance et de protection sociale, etc. Ils ont également mis en place toute une législation très tatillonne et écrasante que seules les grandes entreprises industrielles et financières pouvaient respecter, et pour cause, c’est elles qui les avaient inspirée précisement pour en tirer un maximum de profit. Le capitalisme se dévelloppe en détruisant ou empechant les activités autonomes des individus et des communauté pour les remplacer par des marchandises et des services produits par l’industrie, par des intérêts privés. Sans l’intervention, parfois brutale et sanglante de l’Etat (voir ce qui s’est passé durant le colonialisme, ou le mouvement des enclosures en Angleterre au XVIIIe s.) (qui garanti la propriété privée des moyens de production et empêche leur appropriation collective), le marché prétenduement "auto-régulateur" ne tiendrais pas bien longtemps.

                                  En réalité, le capitalisme est un système hétéro-organisé qui parasite l’autonomie du vivant !

                                  A vous lire, B.L.


                                  • jjk 7 janvier 2009 17:18

                                    B.L. Ma critique du dispositif expérimental n’a jamais voulu dire que "cela signifie que les "cellules de convection" ne sont que des artefacts". Pour quelqu’un qui critique l’essentialisme, je trouve que vous avez beaucoup de mal à raisonner autrement que "si c’est pas noir, c’est blanc" !

                                    J.J.K Ah là j’ai touché un point sensible. Vous devriez vous relire (peut-être que vous parlez trop et de trop de choses à la fois). Je vous recite :

                                    B.L. mais il ne faut pas oublier aussi que le dispositif expérimental qui permet d’étudier les Cellules de Benard est spécialement conçu dans le but d’étudier ce phénomène dans toute sa pureté, c’est-à-dire en circonvenant la matière à l’aide d’un maximum de contraintes et ne lui laissant que fort peu de degrés de liberté, sinon celle de manifester ces cellules de convenction.

                                    J.J.K Si on vous suit, les "cellules de convenction" sont bien soit un artefact soit le produit des contraintes que l’on applique dans ce dispositif. Dans les deux cas cela met à mal la théorie de l’auto-organisation. Réfléchissez-y. Ne vous enfermez pas dans une position intenable.


                                    B.L. Et le Soleil, ce n’est pas un dispositif expérimental : on observe là le libre jeu des lois de la physique, et dont le déploiement des capacités combinatoires de la matière. Expliquez-moi comment le vide intersidéral (son environnement) se "reflète" dans sa structure, qu’on rigole un peu. Est-ce un système auto-organisé, oui ou non ?

                                    J.J.K. Sérieusement : Est-ce que vous êtes vraiment en train d’essayer de dire que le soleil pourrait être un modèle valable pour comprendre l’organisation des systèmes biologiques soumis à la combinatoire des protéines, qui est le sujet que je traite dans mon livre. Allons, ressaisissez-vous !! 
                                    Est-ce Madame Soleil qui vous a soufflé ça ? 

                                    B.L. Quand à votre parallèle avec le libéralisme, c’est une fois de plus un contresens : Reagan et Tatcher n’ont pas fait que déréguler les systèmes d’assistance et de protection sociale, etc. Ils ont également mis en place toute une législation très tatillonne et écrasante que seules les grandes entreprises industrielles et financières pouvaient respecter, et pour cause, c’est elles qui les avaient inspirée précisement pour en tirer un maximum de profit. Le capitalisme se dévelloppe en détruisant ou empechant les activités autonomes des individus et des communauté pour les remplacer par des marchandises et des services produits par l’industrie, par des intérêts privés. Sans l’intervention, parfois brutale et sanglante de l’Etat (voir ce qui s’est passé durant le colonialisme, ou le mouvement des enclosures en Angleterre au XVIIIe s.) (qui garanti la propriété privée des moyens de production et empêche leur appropriation collective), le marché prétenduement "auto-régulateur" ne tiendrais pas bien longtemps.


                                    J.J.K. Là c’est vous qui faites un contresens grossier ! (je reprends votre terminologie). Je vous ai parlé de l’idéologie ultra-libérale et non de la réalité du capitalisme. Evidemment que le capitalisme ce n’est pas la même chose que l’idéologie qui essaye de le justifier.
                                    Madame Soleil ne vous a donc pas expliqué que le Wall Street Journal apprécie beaucoup les théories de Stuart Kauffmann (partisan de l’auto-organisation très à la mode pour ceux qui nous lisent si il y en a).
                                    Je vous le dis vous êtes mal informé ...

                                    Bien à vous,
                                    J.J.K


                                    • Dickin 7 janvier 2009 17:42

                                      Sérieusement : Est-ce que vous êtes vraiment en train d’essayer de dire que le soleil pourrait être un modèle valable pour comprendre l’organisation des systèmes biologiques soumis à la combinatoire des protéines, qui est le sujet que je traite dans mon livre. Allons, ressaisissez-vous !!

                                      Dans votre livre, vous dites que l’auto-organisation n’existe pas, que la matière ne peut rien créer de son propre mouvement. Je vous montre un exemple du contraire : vous éludez le problème
                                      Le soleil est animé par une contradiction intrinsèque et rien de plus, les êtres vivant sont animés par des contradictions intrinsèques en rapport avec les contradictions extrinsèques propres à leurs rapports avec l’environnement (cf. cit. Pichot). Les êtres vivants sont des systèmes auto-organisés qui sont parvenus au point où leur organisation est devenue auto-catalytique.
                                      Mais, c’est vrai : vous ne voulez rien comprendre à la dialectique, vous etes resté à 0 ou 1.

                                      De fait, une telle conception est irrationnelle, incompatible avec la démarche scientifique, qui au contraire s’appuie sur la raison. Elle pourrait se justifier en tant que discours religieux, mais pas en tant que théorie scientifique. (p. 113)

                                      Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. Voilà en tout cas une méthode pour éliminer la contradiction qui fleure bon le scientisme poussièreux du XIXe s.

                                      Pauvre raison qui en est réduite à jeter des anathèmes...


                                      • jjk 7 janvier 2009 18:12

                                        B.L. : Sérieusement : Est-ce que vous êtes vraiment en train d’essayer de dire que le soleil pourrait être un modèle valable pour comprendre l’organisation des systèmes biologiques soumis à la combinatoire des protéines, qui est le sujet que je traite dans mon livre. Allons, ressaisissez-vous !!

                                        Dans votre livre, vous dites que l’auto-organisation n’existe pas, que la matière ne peut rien créer de son propre mouvement. Je vous montre un exemple du contraire : vous éludez le problème.

                                        J.J.K. Non je n’élude pas le problème. La différence entre vous et moi c’est que vous parlez de tout donc de rien alors que moi je suis un chercheur besogneux qui avance doucement et difficilement sur les pistes qu’il a eu la chance d’ouvrir (et qui doit en plus gérer des interventions parasites). Dans" L’origine des individus" j’ai traité les exemples principaux donnés par les défenseurs de l’auto-organisation et j’ai démontré qu’il y avait toujours des contraintes externes dans ces exemples. (Je remarque que tout à coup vous ne parlez plus des "cellules de convenction" qui vous sont pourtant proches !). Vous sortez maintenant le soleil de votre chapeau d’illusionniste. Mon réflexe de chercheur besogneux est d’être prudent sur un sujet que je ne connais pas. 

                                        B.L. De fait, une telle conception est irrationnelle, incompatible avec la démarche scientifique, qui au contraire s’appuie sur la raison. Elle pourrait se justifier en tant que discours religieux, mais pas en tant que théorie scientifique. (p. 113)

                                        Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. Voilà en tout cas une méthode pour éliminer la contradiction qui fleure bon le scientisme poussièreux du XIXe s.

                                        J.J.K Là je comprends que cela ne vous plaise pas, mais vous vous doutez bien que ce n’était pas mon intention ...


                                        B.L. Pauvre raison qui en est réduite à jeter des anathèmes...

                                        J.J.K. Mais oui la science s’appuie sur la raison. Où est l’anathème ?

                                        Je vais devoir ralentir le rythme de nos échanges bien qu’ils m’amusent beaucoup, car j’ai aussi d’autres (beaucoup) choses à faire, comme vous probablement.

                                        Bien à vous,
                                        JJK




                                      • Véronique Anger-de Friberg Véronique Anger-de Friberg 8 janvier 2009 18:49

                                        Qui est Dickin signant BL ? J’ai une petite idée, mais j’aimerais bien que l’universitaire qui se cache derrière le pseudo signe sous son nom puisque visiblement cet échange JJK/BL est un dialogue entre érudits (et non de sourds smiley) le débat y gagnerait en légitimité non ?
                                        Merci !


                                        • Dickin 8 janvier 2009 19:36

                                          Je remarque que vous persistez à éluder le problème, puisque je vous ai expliqué la dynamique que je voyais à l’oeuvre dans l’exemple du soleil (et au fait, le saviez-vous ? la diffusion de la chaleur engendrée par le coeur vers l’extérieur se fait par des cellules de convection).

                                          Mais oui la science s’appuie sur la raison. Où est l’anathème ?

                                          Il est de qualifier de religieuses, pour les discréditer, des idées et des modes de raisonnement (un peu plus dialectiques que les vôtres) que vous ne comprenez pas et dont vous ne voulez pas parce qu’elle contredisent vos conceptions sur le vivant.
                                          Ce genre de procédé difamatoire peut certainement vous rassurer, vous et les gens comme vous, en vous donnant l’illusion de représenter la raison face à un obscurantisme fantasmé, mais c’est tout simplement ridicule.

                                          Je vais devoir ralentir le rythme de nos échanges bien qu’ils m’amusent beaucoup, car j’ai aussi d’autres (beaucoup) choses à faire, comme vous probablement.

                                          En ce qui me concerne, je clos ici ce qui me semble de toute évidence un dialogue de sourds. Il a confirmé les intuitions que j’avais eu à la lecture de votre livre. Je crains de ne pas vous avoir appris grand’chose, et c’est peut-être aussi bien comme ça.
                                          J’ai aussi bien d’autres choses à faire, entre autre la rédaction d’un ouvrage sur "L’autonomie du vivant" justement, qui développera ce que j’ai exposé ici très sommairement. Je ne manquerais pas de vous signaler sa parution.

                                          Portez-vous bien
                                          B.L.


                                          • jjk 8 janvier 2009 21:39

                                            Je vous réponds finalement sur un point, celui du soleil et de l’auto-organisation.
                                            Je ne connais pas la physique du soleil précisément - mea culpa - mais je vais me renseigner pour ma gouverne personnelle. Je collabore régulièrement avec des physiciens des hautes énergies qui m’aident à faire des simulations du darwinisme cellulaire et je vais leur demander des éclaircissements.
                                            Mais je n’ai pas besoin de cet exemple. L’auto-organisation n’existe pas. C’est la question ontologique qui fait que nous ne pouvons pas nous comprendre. Vous pensez l’origine homogène alors que je la pense hétérogène. C’est ce point qui nous sépare et qui décide de tout le reste. Vous êtes du côté du Même et moi de l’Autre.
                                            Je vous souhaite bonne chance pour votre recherche.
                                            JJK
                                            PS : Je ne vous ai rien demandé. Vous devriez sortir de cette posture. Personne ne vous a diffamé, et si la Raison vous importune tant, cessez donc de la fréquenter.


                                            • Vince 10 janvier 2009 19:44

                                               @ Véronique,


                                              Avez-vous pensé à taper B.L "autonomie du vivant" sur Google ? 

                                              Google est ton ami smiley



                                              • Istina1984 13 janvier 2009 10:55
                                                Bonjour,
                                                 
                                                 
                                                Je ne sais pas si J-J Kupiec lit encore les commentaires de cet article, mais si tel est le cas j’aimerais lui poser une question.
                                                 
                                                Voilà, je suis en train de lire votre livre (je précise que je suis étudiant en philosophie, et donc incompétent en biologie : ma question sera ontologique) et il me semble que vous critiquez les théories de l’auto-organisation basées sur le concept de méta-stabilité, dans la mesure où elles ne feraient que ré-introduire une contrainte externe cachée.
                                                 
                                                Ma question était : avez vous connaissance des travaux désormais classiques de Gilbert Simondon sur l’individuation ? Si oui, les pensez vous pertinents ? Comment vous situez-vous face à ses conceptions ?
                                                En quelques mots, si vous ne l’avez jamais lu, ou pour les autres lecteurs de ce blog : Simondon propose (enfin, cela fait déjà 40 ans) une nouvelle conceptualisation de l’individu, basée sur le schème de la métastabilité, qui prend le contre-pied, tant de l’hylémorphisme (individu= matière+ forme) que de l’atomisme (les vrais individus sont des particules élémentaires insécables) au profit d’une théorie de l’individuation qui conçoit celle-ci comme un processus dynamique résultant de la rencontre entre un système riche en potentialités et un germe structurant externe.
                                                De votre point de vue, on pourrait dire qu’une telle théorie de l’organisation n’est pas une théorie de l’auto-organisation, mais qu’elle prend pour point central l’intervention d’un facteur externe (le germe structurant, par exemple la poussière qui, tombant dans un liquide en état de surfusion, produit le cristal). Mais en étant attentif aux analyses de Simondon, on voit qu’il place en fait la réelle organisation de l’individu dans la relation elle-même et non dans l’un des termes : la solution sursaturée apporte le possible, le possible étant donné, tandis que le germe structurant ne fait que permettre la « solution » de la problématique inhérente à cette solution sursaturée.

                                                Je l’explique mal, mais bon, l’idée est là : l’individu est l’être de la relation. Pour Simondon, il faut absolutiser le concept de milieu, d’interface, en le plaçant à chaque moment de l’individuation (y compris dans celle d’un cristal, mais aussi dans celles des êtres vivants et des groupes sociaux). L’organisation n’est pas d’emblée donnée dans l’être sursaturé puisqu’il n’est qu’un réservoir de possibles, mais elle n’est pas non plus donnée seule dans le germe structurant (puisqu’il n’est que l’occasion de l’individuation, l’indice qui permet la résolution) : l’individu réside en fait dans la relation et dans le processus relationnel (ex : la transduction qui forme le cristal ; ce qui explique que pour Simondon l’individu cristal existe « réellement » durant sa formation, et non une fois formé. Car une fois formé, il n’a plus qu’un très faible degré d’individualité).

                                                Il me semble que par ailleurs, même si Simondon désigne des « niveaux » d’individuation (physique, biologique, psycho-social), comme vous il ne pense pas une spécificité de la vie puisqu’elle consiste simplement pour lui en un régime différent d’individuation (et non dans une finalité immanente et mystérieuse).
                                                 
                                                Bref, Simondon se place dans le cadre du schème de la métastabilité, mais par d’autres aspects il me semble que certaines de vos analyses se rejoignent : pas de spécificité pour la vie, extension à l’infini du problème du « milieu » (par l’interface et la relation comme lieu réel de l’individu pour S.). Enfin, même si
                                                Simondon ne s’attarde pas sur Darwin, il y a quelque chose de la sélection naturelle (au sens étendu) dans son idée d’une détermination des individus en fonction du degré d’efficacité (dans la résolution des problèmes propres à la solution sursaturée) de tel ou tel germe structurant spécifique : la vie est résolution de problèmes pour lui, mais toutes les solutions ne sont pas équivalentes ; certaines solutions « marchent » mieux que d’autres, permettent la conservation d’un plus grand degré d’information.
                                                 
                                                 
                                                Bon, mon explication est sans doute bancale, et si vous n’avez pas lu Simondon tout cela doit vous sembler faible (j’ai oublié de lier à mon texte beaucoup de notions essentielles comme celles de néguentropie, de disparation).
                                                Mais ma question demeure : avez vous lu Simondon ? Comment vous situez vous face à lui ? Je précise pour tout le monde que Simondon est un philosophe français de la deuxième moitié du 20ème siècle, qui passa inaperçu à l’époque (seul Deleuze reconnut l’originalité de ses travaux, et le plagia d’ailleurs largement dans certains livres), qui fait aujourd’hui l’objet d’un fort réinvestissement spéculatif dans les champs de l’épistémologie et de la pensée de la technique (c’est même l’un des auteurs les plus à la mode chez les jeunes philosophes français).
                                                 
                                                Voilà.
                                                 
                                                Au revoir, et dans l’attente de votre réponse.

                                                • jjk 13 janvier 2009 11:45

                                                  Bonjour,


                                                  Je ne sais pas si J-J Kupiec lit encore les commentaires de cet article, mais si tel est le cas j’aimerais lui poser une question.

                                                   

                                                  JJK : Je viens de le faire …

                                                   


                                                  Voilà, je suis en train de lire votre livre (je précise que je suis étudiant en philosophie, et donc incompétent en biologie : ma question sera ontologique) et il me semble que vous critiquez les théories de l’auto-organisation basées sur le concept de méta-stabilité, dans la mesure où elles ne feraient que ré-introduire une contrainte externe cachée.

                                                   

                                                  JJK : plus précisément : les modèles de métastabilité proposés en biologie (Turing, Brusselator de Prigogine, etc.) repose sur molécules spécifiques ils sont donc invalides parce que les molécules biologiques ne le sont pas. C’est aujourd’hui un acquis de la recherche qui est incontestable. Mon propos est d’élaborer une théorie qui ne repose pas sur la spécificité. Les autres modèles improprement appelés d’auto-organisation, lorsqu’ils ne reposent pas sur des molécules spécifiques, font appel à des contraintes externes (les cellules de Bénard par exemple).
                                                  Je ne suis pas sûr que la métastabilité pour Simondon soit la même chose que les modèles précis de métastabilité dont je parle (de type Turing).

                                                  Ma question était : avez vous connaissance des travaux désormais classiques de Gilbert Simondon sur l’individuation ? Si oui, les pensez vous pertinents ? Comment vous situez-vous face à ses conceptions ?

                                                  JJK : j’ai lu (tardivement) le livre de Simondon sur l’individuation et quelques livres sur lui comme d’ailleurs Pichot intégralement pour répondre à une observation précédente). J’ai deux problèmes avec Simondon. Je perçois son intérêt mais je n’arrive pas à le relier concrètement à ma recherche. Je pense qu’il y a deux raisons à cela. 1) Ma culture est avant tout une culture de biologiste et je n’arrive pas à relier la théorie de Simondon aux acquis concrets de la recherche expérimentale. 2- Il est déterministe alors que je suis « probabilisite ».


                                                   

                                                   

                                                  En quelques mots, si vous ne l’avez jamais lu, ou pour les autres lecteurs de ce blog : Simondon propose (enfin, cela fait déjà 40 ans) une nouvelle conceptualisation de l’individu, basée sur le schème de la métastabilité, qui prend le contre-pied, tant de l’hylémorphisme (individu= matière+ forme) que de l’atomisme (les vrais individus sont des particules élémentaires insécables) au profit d’une théorie de l’individuation qui conçoit celle-ci comme un processus dynamique résultant de la rencontre entre un système riche en potentialités et un germe structurant externe.

                                                  JJK : J’en reconnais l’intérêt mais cf ma remarque précédente.

                                                   

                                                  De votre point de vue, on pourrait dire qu’une telle théorie de l’organisation n’est pas une théorie de l’auto-organisation, mais qu’elle prend pour point central l’intervention d’un facteur externe (le germe structurant, par exemple la poussière qui, tombant dans un liquide en état de surfusion, produit le cristal).

                                                   

                                                   

                                                  JJK : Là c’est un bon exemple de ce qui peut-être nous sépare : il me semble que ce point de départ structurant est un accident (la poussière qui tombe) alors que je pense l’ontogenèse comme un processus intrinsèquement probabiliste.

                                                   

                                                  Mais en étant attentif aux analyses de Simondon, on voit qu’il place en fait la réelle organisation de l’individu dans la relation elle-même et non dans l’un des termes : la solution sursaturée apporte le possible, le possible étant donné, tandis que le germe structurant ne fait que permettre la « solution » de la problématique inhérente à cette solution sursaturée.

                                                  Je l’explique mal, mais bon, l’idée est là : l’individu est l’être de la relation.

                                                   

                                                   

                                                  JJK : ça c’est très important et intéressant. Cela rejoint à point de vue le darwinisme, ce que je développe : l’être vivant n’existe que dans la relation à l’environnement. Cette idée je la trouve chez Darwin et Claude Bernanrd (depuis longtemps). Comme je vous l’ai dit il y a peut-être là un problème de culture disciplinaire qui cache des convergences réelles. Mais, elles sont à travailler (cela fait partie des choses que j’avais en tête pour poursuivre mon travail).

                                                   

                                                   

                                                  Pour Simondon, il faut absolutiser le concept de milieu, d’interface, en le plaçant à chaque moment de l’individuation (y compris dans celle d’un cristal, mais aussi dans celles des êtres vivants et des groupes sociaux). L’organisation n’est pas d’emblée donnée dans l’être sursaturé puisqu’il n’est qu’un réservoir de possibles, mais elle n’est pas non plus donnée seule dans le germe structurant (puisqu’il n’est que l’occasion de l’individuation, l’indice qui permet la résolution) : l’individu réside en fait dans la relation et dans le processus relationnel (ex : la transduction qui forme le cristal ; ce qui explique que pour Simondon l’individu cristal existe « réellement » durant sa formation, et non une fois formé. Car une fois formé, il n’a plus qu’un très faible degré d’individualité).

                                                  Il me semble que par ailleurs, même si Simondon désigne des « niveaux » d’individuation (physique, biologique, psycho-social), comme vous il ne pense pas une spécificité de la vie puisqu’elle consiste simplement pour lui en un régime différent d’individuation (et non dans une finalité immanente et mystérieuse).

                                                  Bref, Simondon se place dans le cadre du schème de la métastabilité, mais par d’autres aspects il me semble que certaines de vos analyses se rejoignent : pas de spécificité pour la vie, extension à l’infini du problème du « milieu » (par l’interface et la relation comme lieu réel de l’individu pour S.). Enfin, même si
                                                  Simondon ne s’attarde pas sur Darwin, il y a quelque chose de la sélection naturelle (au sens étendu) dans son idée d’une détermination des individus en fonction du degré d’efficacité (dans la résolution des problèmes propres à la solution sursaturée) de tel ou tel germe structurant spécifique : la vie est résolution de problèmes pour lui, mais toutes les solutions ne sont pas équivalentes ; certaines solutions « marchent » mieux que d’autres, permettent la conservation d’un plus grand degré d’information.


                                                  Bon, mon explication est sans doute bancale, et si vous n’avez pas lu Simondon tout cela doit vous sembler faible (j’ai oublié de lier à mon texte beaucoup de notions essentielles comme celles de néguentropie, de disparation).
                                                  Mais ma question demeure : avez vous lu Simondon ? Comment vous situez vous face à lui ? Je précise pour tout le monde que Simondon est un philosophe français de la deuxième moitié du 20ème siècle, qui passa inaperçu à l’époque (seul Deleuze reconnut l’originalité de ses travaux, et le plagia d’ailleurs largement dans certains livres), qui fait aujourd’hui l’objet d’un fort réinvestissement spéculatif dans les champs de l’épistémologie et de la pensée de la technique (c’est même l’un des auteurs les plus à la mode chez les jeunes philosophes français).

                                                  Voilà.

                                                  Au revoir, et dans l’attente de votre réponse.

                                                   

                                                  J’ai déjà répondu sur la fin de votre texte (en gros je suis d’accord, le seul point difficile est la question du probabilisme que Simondon rejette). Je suis tout à fait ouvert.

                                                   

                                                  Cordialement

                                                  JJK


                                                  • Istina1984 13 janvier 2009 14:23

                                                     

                                                    Bonjour,
                                                     

                                                    Tout d’abord merci pour votre réponse prompte et cordiale. Si je devais poursuivre en quelques mots :
                                                    - Si vous vous intéressez à Simondon, peut-être devriez vous lire ce qu’a écrit Anne Fagot-Largeault à son propos (à moins que ce ne soit déjà fait). Il me semble qu’elle en fait une lecture épistémologique et tente de le lier aux problèmes de la génétique (j’avoue que je n’ai pas pu lire en détail, c’était un peu trop ardu pour quelqu’un qui a arrêté la biologie en terminale). Ca c’était pour le problème de la disjonction entre champs disciplinaires.
                                                     
                                                    -Sur le problème du « déterminisme » de Simondon. Je vais reformuler vos reproches adressés à Simondon et ensuite poursuivre un peu (ainsi, si j’ai mal reformulé, vous pourrez me le dire).
                                                    Ce que vous dites : « Simondon pense l’ontogenèse de manière déterministe, avec toutefois l’apport d’accident. La solution pré-individuelle, en effet, est donnée et déterminée. Le germe structurant est un accident qui vient modifier le fonctionnement habituel du système. Se crée alors de la nouveauté, mais cette nouveauté est donnée par ajout, et la création d’inédit ne se pense pas de l’intérieur du système ».
                                                    Ma réponse sera philosophique, et même peut-être métaphysique, mais vous n’avez qu’à y prendre ce qui vous plaît.
                                                    Voilà : A mon avis, en pensant ainsi, on occulte un aspect central de la pensée de Simondon : c’est que sa pensée de l’individuation est en même temps une ontogenèse (ou du moins une tentative de genèse de ce qu’est l’être pour nous, puisque, par définition selon lui, l’équation être=un est le sophisme principal qui a donné lieu à tant d’erreurs philosophiques).
                                                     
                                                    Il ne veut pas penser « comment se forme un nouvel être, un individu, à partir de deux êtres » mais « comment se forme les êtres entendus comme individus ». L’idée est que les individus ne naissent pas de la rencontre entre deux autres individus, mais qu’ils sont constitués d’un processus d’individuation relationnel qui naît de l’intersection d’un être pré-individuel, et d’un germe structurant (une information. Attention toutefois je ne pense pas que le concept d’information chez Simondon implique une pensée de la spécificité des entités inter-agissantes ; son « information » est conçue de manière énergétique et dynamique).
                                                     
                                                    C’est à dire que la solution pré-individuelle (dont le schème de compréhension est la solution sursaturée métastable, mais ce n’est bien sûr pour lui qu’un schème de pensée) n’est pas « donnée ». Son mode d’existence n’est pas univoque ; elle n’existe pas avec la massivité d’un être en soi, d’un individu comme nous en croisons tous les jours (une table, une chaise).
                                                    Elle est fondamentalement plurivoque, et se définit non par une substantialité ontologique, mais par la richesse de ses potentialités et par un certain degré « d’auto-contradiction » (en fait, il n’y a pas contradiction mais disparation, sinon Simondon serait un vulgaire hégélien, mais je passe). C’est ce que Simondon nomme le « plus qu’un ». Pour lui, l’être est plus qu’unité (et donc il ne peut pas réellement être saisi comme tel car notre appareil cognitif-perceptif saisit des unités : il faut l’aborder latéralement. D’où l’importance du schème physique du cristal).
                                                    De même, « l’information » (germe structurant) qui vient à la rencontre de ce « pré-individuel » n’est pas donnée comme information (ce n’est pas une molécule porteuse d’une spécificité essentielle, qui lui donne le statut d’information). Elle est purement relative à la solution pré-individuelle. Rien n’interdit, selon Simondon, de penser d’ailleurs l’information de manière endogène : le hasard peut faire qu’une certaine structuration des énergies potentielles, au sein même de l’être pré-individuel, produise le phénomène de transduction propre au processus d’individuation.
                                                    Il me semble donc que pour Simondon, l’essentiel n’est même pas la rencontre entre une solution et un germe donnés (sinon il serait un déterministe qui admettrait des accidents).
                                                    L’essentiel, c’est l’avènement d’un être individuel (c’est à dire d’un régime d’échange d’information, d’un régime de différenciation au sein d’une solution riche en potentialités, hétérogène à elle-même). Cet avènement peut certes se produire à l’issue d’une rencontre, mais ce n’est pas pour lui, me semble-t-il, une condition sine qua non. L’important, c’est l’émergence de cette individuation : l’individuation étant l’acte par lequel se produit l’individu réel (un individu réel pour Simondon, c’est « ce que nous nommons individu » + « son milieu associé », c’est à dire une relation. La relation est fondamentale, elle ne succède pas aux termes mais se crée en même temps que les termes).
                                                    Le dernier point qui me semble important, c’est que pour Simondon les individuations ne sont jamais données une fois pour toutes. Une fois une individuation lancée, il reste du potentiel pré-individuel qui permettra l’enclenchement d’autres processus d’individuation (c’est à dire d’autres créations de couplage individu/milieu).
                                                    D’où la pensée des « niveaux » d’individuation : physique, biologique, psycho-social. Qui pour autant ne réclame pas de distinction ontologique forte : les schèmes, les régimes d’individuation diffèrent, mais le processus fondamental d’individuation reste le même. Il n’y a donc pas de spécificité « réelle » de la vie ou de la société (ce qui lui permet d’ailleurs de penser une continuité dans la différence entre les animaux et les hommes, cf « Deux leçons sur l’animal et l’homme » : les animaux aussi sont capables « d’actes de pensée », simplement les situations dont les potentiels rendent possibles la cristallisation de tels actes sont plus rares, plus ponctuelles, plus courtes).
                                                    Les actes d’individuations sont donc incessants, jamais finis.
                                                    Voilà donc pourquoi Simondon me semble échapper à l’analyse que vous faites de lui (un déterministe qui accepterait la présence d’accident). Car 1/ Les éléments de départ (et notamment l’être pré-individuel) ne sont pas des « donnés », leur mode d’existence n’est pas univoque et « déterminé. 2/ Les éléments d’arrivés ne sont pas non plus « donnés » car ils conservent du pré-individuel en eux.
                                                    En fait il me semble que Simondon n’est pas vraiment déterministe, même s’il n’est probablement pas probabiliste au sens au sens exact où vous l’êtes. Pour vous, il faut dire que « l’ordre naît du désordre » ; que les phénomènes constatables et répétables naissent en fait de l’ajout de très grand nombre de phénomènes aléatoires.
                                                    Pour lui, je pense que les conditions même de la détermination (c’est à dire les êtres individuels, univoques) naissent de « cristallisation », c’est à dire de « détermination » d’êtres fondamentalement plurivoques. Il me semble qu’il y a proximité mais non identité. Je sais aussi que ses conceptions sont tributaires des schémas de la mécanique quantique, mais n’ayant aucune connaissance sérieuse en ce domaine, je m’abstiendrai de gloser.
                                                     
                                                    Voilà ; vous m’excuserez d’avoir été long, un peu verbeux, et très métaphysique. Je suis loin d’être spécialiste de Simondon (mon truc c’est plutôt Nietzsche), et par malheur la partie de sa théorie que je maîtrise le moins bien est justement celle qui traite de l’individuation biologique. Ne le jugez donc pas uniquement sur ce que je viens de vous dire.
                                                    Bien cordialement, en attendant votre réponse

                                                    • jjk 13 janvier 2009 21:22

                                                      Il me semble qu’il met en avant du "déterminisme avec bruit" plutôt qu’un scheme intrinsèquement probabiliste. Je crois que certains passages de "L’individuation à la lumière ..." sont explicites. J’ai regardé rapidement ce soir mais je ne les retrouve pas. Il faut que je me replonge dedans.

                                                      "selon lui, l’équation être=un est le sophisme principal qui a donné lieu à tant d’erreurs philosophiques"

                                                      ça c’est essentiel. Je suis entièrement d’accord. comme je vous l’ai dit, je suis parti des données factuelles de la biologie. Pour moi le dépassement le "l’être-un" se situe dans la généalogie et le continuum biologique (thèse 4 et chapitre 7). C’est enitèrement contenu dans la notion d’ontophylogenèse.

                                                      Décidément il va falloir que je me replonge la-dedans.
                                                      Merci
                                                      Bonsoir,
                                                      JJK


                                                      • Thibault 14 mai 2010 20:50

                                                        Votre livre est remarquable car il démontre l’orgine de l’individu.
                                                        Un point cependant, il n’y a pas de fondement à l’assertion page 271 : « L’ontophylogenèse permet de dépasser ce point aveugle de la biologie [...]  ».
                                                        En effet, l’ontophylogenèse ne dépasse pas l’énigme de la génération.

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