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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Zero K, ou la lutte stérile de l’homme face à la mort

Zero K, ou la lutte stérile de l’homme face à la mort

 Zero K est le titre du prochain roman de Don DeLillo qui sortira en version originale le 3 mai, et dans lequel le père du héros, un milliardaire d’une soixantaine d’années, investit sa fortune dans un projet de cryogénisation d’êtres humains dans le seul but de sauver sa nouvelle compagne, atteinte d’une grave maladie. Zero K est également le nom d’un jeu vidéo de stratégie en temps réel, dans lequel d’immenses armées de robots s’affrontent dans un combat sans fin.

Nouvelles technologies, omniprésence médiatique, euthanasie, avortement. Tout n’est plus qu’une question de contrôle. La société moderne a convaincu les hommes et les femmes d’aujourd’hui qu’ils voulaient contrôler leur corps, leur carrière, leurs envies. Mais comment savoir ce que l’on veut lorsque l’on ne se connait pas, et surtout lorsque l’on ne comprend pas ce qui est en jeu ? Peu importe, car l’aveuglement conduit tout naturellement à l’erreur, qui est bénéfique pour la société marchande. Chacun son rythme, essaye autre chose, c’est normal de se tromper, de bifurquer, de se questionner. En dehors du fait qu’il n’y ait absolument rien de « normal » à cela, il s’agit bien évidemment d’une de ces innombrables stratégies marketing dont nous sommes inondés jusqu’au plus profond de notre inconscient.

Impatient, irritable et incapable de s’en résoudre aux cieux, l’Occidental n’a jamais autant voulu contrôler la terre. Les problématiques écologiques sont d’autant plus suivies aujourd’hui qu’elles renvoient à cette même volonté de contrôle – comme si sauver la planète nous permettrait de nous sauver nous. On n’a jamais autant parlé de régimes alimentaires, de bio et de fitness. L’être humain d’aujourd’hui, quand il fait partie des privilégiés qui peuvent se le permettre, voue un véritable culte à son corps et à sa santé. Il mesure ses pas, prend sa tension sur son téléphone, et va même jusqu’à s’implanter des puces électroniques. Tout est bon pour tenter d’échapper à la mort. Sur la quatrième de couverture de Zero K, on peut lire la citation suivante : “We are born without choosing to be. Should we have to die in the same manner ? Isn’t it a human glory to refuse to accept a certain fate ?” (Nous sommes nés sans l’avoir choisi. Devrions-nous mourir de la même façon ? La gloire de l’humanité ne réside-t-elle pas en ce qu’elle refuse d’accepter un destin donné ?).

Pourtant, de plus en plus nombreux sont les médecins qui s’écartent de la médecine traditionnelle et qui acceptent volontiers l'idée que des éléments surnaturels puissent jouer un rôle dans le traitement de maladies ou problèmes en tout genre. Qui plus est, la spiritualité, sous toutes ses formes, intrigue toujours autant. Les émissions sur le paranormal ont le vent en poupe. On ose parler d’expériences de mort imminente et de communication avec les esprits.

Après tout, à l’heure où la famille est dessoudée, ou les relations sont intéressées et le travail déconnecté de tout besoin réel, le sentiment d’annihilation devient de plus en plus difficile à ignorer. Cependant, la cruauté de cette société malsaine réside en ce que cette même recherche soit contrôlée dans les moindres détails par des médias et entreprises, qui, grâce à des stratégies marketing immondes, vendent des produits spirituels, et ne font que refourguer aux esclaves que nous sommes de toutes nouvelles cages.

De nombreuses œuvres de DeLillo tournent autour de ces problématiques. Dans Cosmopolis, le personnage principal, un jeune milliardaire perdu et énigmatique, sillonne la ville à bord d’une limousine, et passe son temps à spéculer sur son ordinateur portable. Dans White Noise, véritable chef d’œuvre, le personnage principal, un universitaire spécialiste d’Hitler, est contaminé par un nuage toxique qui rend ses victimes paranoïaques et obsédées par la mort.

A l’heure où les progrès de l’intelligence artificielle fascinent et où les nouvelles technologies déchaînent les passions, le nouveau roman de DeLillo s’annonce donc plus visionnaire que jamais. Il n’y a nul doute que l’auteur postmoderne, captivé par la peur de la mort, ait su à nouveau mettre les mots sur les états d’âmes torturés d’une société malade de sens.


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3 réactions à cet article    


  • Alpo47 Alpo47 9 avril 2016 17:12

    Pauvres humains qui s’égarent sur leur nature... Ils croient être leur corps ...

    La société (le système en place) nous fait associer notre identité à notre corps. Et pendant que vous travaillez vos pectoraux ou faites votre lifting, vous oubliez l’essentiel : QUI vous êtes, Ce que vous êtes.
    Le dit système prédateur en place sait très bien où est le vrai danger pour lui. Pas dans les défilés divers des contestataires, mais dans l’éveil individuel de chaque Etre humain. Le fait qu’il se relie à l’essentiel. Et il faut bien les détourner de cela pour durer encore un peu ... encore un peu.

    Mais des humains s’éveillent partout et le seuil critique devrait (?) être bientôt atteint.

    Quelqu’un a dit : « Nous ne sommes pas des Etres de chair qui veulent aller vers la lumière, mais des Etres de lumière, momentanément prisonniers de la chair ».


    • christophe nicolas christophe nicolas 9 avril 2016 21:01

      @Alpo47


      C’est pas mal dit...

    • Sozenz 9 avril 2016 22:58

      excellent article !

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