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Commentaire de Tarouilan

sur Au Tibet, la libération du Panchen-lama pourrait mettre fin aux immolations


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Tarouilan Tarouilan 24 avril 2012 09:49

En fin d’exposé, les références indiscutables...... dédicacées à la section française de la NED, auteur de cet article ;

– L’oppression politique et les atroces supplices.
Les codes locaux du Tibet de cette époque prévoyaient que : si les serfs compromettent les intérêts des trois groupes seigneuriaux, « ils seront sanctionnés en fonction de la gravité des circonstances : les yeux seront arrachés, la chair des cuisses et la langue coupées, les mains amputées ; ils seront poussés dans un précipice, jetés dans l’eau ou tués pour servir d’exemple aux futurs contestataires ». « S’ils se plaignent d’une injustice auprès du Palais, ceci étant considéré comme anticonstitutionnel, les serfs seront arrêtés et frappés avec des instruments de supplice. Seront arrêtés ceux qui désobéissent à leurs propriétaires, enquêtent sur les secrets de leurs propriétaires, ou offensent les fonctionnaires. » Concernant les êtres de différentes classes qui violent le même article de loi, les différents critères de sanction et supplices seront adoptés par les autorités. Selon les Codes du Tibet ancien, si les valets résistaient à leurs propriétaires et que ces derniers étaient gravement blessés, ils se faisaient couper les mains et les pieds ; si les propriétaires frappaient les valets et les blessaient, il leur suffisait de leur apporter des soins médicaux ; ceux qui blessaient les bouddhas vivants se faisaient arracher les yeux, couper les pieds et amputer les mains ou subissaient d’autres atroces supplices. Bombojab Tsebekovitch Tsybikoff, un Russe venu à Lhasa au début du XXe siècle, a écrit dans Un pèlerin bouddhiste au Tibet, un lieu sacré : « A Lhasa, on peut chaque jour voir partout ceux qui ont été punis pour avoir convoité les biens des autres. Ils ont les doigts et le nez coupés, et la plupart d’entre eux ont les yeux arrachés et vagabondent partout. En outre, devant porter à vie une cangue de bois circulaire autour du cou et des chaînes aux pieds, les criminels tibétains sont souvent déportés dans les régions éloignées ou offerts comme esclaves à des nobles ou des fonctionnaires de différents clans. La sanction la plus sévère est naturellement la peine capitale : le criminel se fait noyer dans une rivière (à Lhasa par exemple) ou pousser dans un précipice (à Xigazê par exemple). » (5) Dans La Terre des lamas, l’Anglais David Mcdonald dit : « La sanction la plus sévère est la peine de mort. Mais s’y est ajouté le démembrement en raison de la croyance lamaïque selon laquelle ce genre de punition interdit la réincarnation de l’âme. Voici la pratique la plus courante : celui qui est condamné à mort est introduit dans un sac de cuir et le sac jeté dans une rivière pour que le criminel meure et sombre au fond de l’eau ; le sac de cuir flotte sur la rivière et sombre normalement au bout de 5 minutes ; si l’on perçoit un souffle de vie dans le sac, on rejette une fois de plus le sac à l’eau pour qu’il soit vraiment mort. Son corps sorti du sac sera démembré, et ses membres et son tronc seront jetés dans une rivière et flotteront au gré du courant... Un autre supplice a rapport aux yeux : un fer concave brûlant, une huile ou de l’eau bouillante sont introduits dans les yeux du criminel pour que ce dernier perde la vue, puis ses globes oculaires sont sortis avec un crochet de fer. »
Les monastères et les nobles disposaient de geôles ou de prisons privées ; ils pouvaient préparer leurs instruments de supplices et créer un tribunal illégal pour punir les serfs et les esclaves. Le monastère Ganden disposait de menottes, de chaînes, de bâtons ainsi que d’instruments de supplices qui servaient à arracher les yeux et les tendons. Une institution privée de gestion monastique à Dêqên, créée par Yongzin Trigyang, assistant du maître des soutras du XIVe Dalaï Lama, a causé plus de 500 morts et blessés, serfs et moines pauvres compris, emprisonné 121 personnes et déporté 89 autres, tandis que 538 personnes ont été réduites en esclavage, 1 025 personnes ont été obligées de prendre la fuite, 72 personnes ont vu leur mariage détruit et 484 femmes ont été violées (6).
Une lettre existante du gouvernement local du Tibet écrite au début des années 1950 dit ceci : « Pour fêter l’anniversaire du XIVe Dalaï Lama, tout le personnel de Gyumé Dra-tsang doit réciter les canons bouddhistes. Pour réaliser cette pratique bouddhiste, nous avons besoin en urgence d’une paire d’intestins humides, de deux crânes humains, de sang de plusieurs sortes, et d’une peau humaine pour les offrir comme sacrifices, il faut les apporter sur-le-champ. » Pour accueillir le Dalaï Lama venant réciter les canons bouddhistes, il fallait une peau, du sang et un crâne humain. A l’évidence, le servage théocratique du vieux Tibet était vraiment atroce et sanguinaire !

– Les impôts et les corvées lourdes. L’exploitation des serfs par les propriétaires se traduisait par la corvée, les taxes et la rente de terre et d’animaux. Seul le gouvernement local du Tibet pouvait percevoir plus de 200 impôts de toutes sortes. Les corvées que les serfs assuraient pour le gouvernement local et les seigneurs représentaient 50 % de la quantité de leur travail et atteignaient même les 70 % ou 80 %. A l’intérieur d’un domaine féodal, le propriétaire divisait la terre en deux parties : la partie relativement fertile était réservée à l’exploitation du domaine ; l’autre partie stérile et lointaine était attribuée aux serfs comme parcelles de terre, sous conditions de corvées. De plus, les serfs, en utilisant ces parcelles, devaient travailler dans les terres du domaine sans aucune récompense, en utilisant leurs propres outils et denrées ; ils ne pouvaient donc cultiver leurs parcelles de terre que par la suite. Pendant la saison des gros travaux agricoles et au moment où les propriétaires avaient besoin de services, les serfs devaient transporter le matériel, construire des maisons ou assurer d’autres corvées pour ces derniers. Outre les corvées du domaine, les serfs devaient assurer des corvées pour le gouvernement local du Tibet ainsi que pour ses institutions subordonnées ; la corvée la plus lourde était celle du transport, car dans le Tibet immense et peu peuplé, la circulation n’était pas facile et le matériel devait souvent être transporté à dos d’homme et d’animal.
Selon les enquêtes faites avant la réforme démocratique, le domaine appartenant au régent du XIVe Dalaï Lama comptait 96 ha, 81 serfs servant de mains-d’œuvre à temps plein ou partiel, qui assuraient 21 266 jours de corvée sur toute l’année, ceci correspondant à la corvée de 67,3 personnes pendant une année, soit 83 % de serfs qui assuraient gratuitement des corvées pour les propriétaires. Un domaine situé au bord de la rivière Yalong, dans le district de Nêdong de la région Shannan, comptait, avant la réforme démocratique, 59 foyers avec 302 personnes et 80 ha. Chaque année, le propriétaire et son agent levaient 18 sortes d’impôts et répartissaient 14 genres de corvées équivalentes à 26 800 jours de travail ; le gouvernement local du Tibet levait 9 sortes d’impôts et répartissait 10 genres de corvées, équivalentes à 2 700 jours de travail ; le monastère local levait 7 sortes d’impôts et répartissait 3 genres de corvées, équivalentes à 900 jours de travail. Chaque travailleur devait assurer annuellement plus de 210 jours de corvées gratuites et fournir 800 kg de céréales et 100 taëls d’argent tibétain aux trois groupes de seigneurs.

Une exploitation stupéfiante grâce au prêt usuraire. Les Dalaï Lama successifs ont créé leurs propres agences de prêt à intérêt qui généraient une certaine partie des « recettes » annuelles servant à l’entretien du Dalaï Lama, et accordaient des prêts usuraires à la population afin de bénéficier de profits exorbitants. En fonction des statistiques écrites dans les livres de comptes de ces agences en 1950, un prêt total de 3 038 581 taëls d’argent tibétain avait été accordé, avec des profits annuels de 303 858 taëls d’argent. Les gouvernements du Tibet à échelons divers avaient créé de nombreuses agences de prêt à intérêt ; on avait même intégré dans les fonctions administratives des fonctionnaires de différents échelons l’attribution des prêts et la récolte des intérêts. Selon les enquêtes de 1959, les monastères Drepung, Sera et Ganden de Lhasa ont fait le prêt de 45 451 644 livres de céréales, dégageant des profits annuels de 798 728 livres de céréales et le prêt de 57 105 895 taëls d’argent tibétain, dégageant des profits annuels de 1 402 380 taëls d’argent. Les recettes à travers l’exploitation par les prêts usuraires représentaient 25 à 30 % du total des recettes des trois monastères. Les nobles, eux aussi, étaient usuriers pour la plupart ; les recettes à travers l’exploitation par les prêts usuraires représentaient 15 à 20 % du total de leurs revenus familiaux. Pour survivre, les serfs étaient obligés d’emprunter de l’argent, et ceux qui étaient endettés représentaient plus de 90 % de la population des serfs. Dans Le vieux Tibet face à la Chine nouvelle, la grande aventurière française Alexandra David-Néel a écrit : « Au Tibet, tous les paysans étaient des serfs débiteurs à vie. Il était difficile d’en trouver un parmi eux qui ait réglé ses dettes. » Les dettes que pouvaient contracter les serfs comportaient les nouvelles dettes, les dettes héréditaires, les dettes solidaires et celles qui étaient collectivement réparties. Un tiers des dettes comportait les dettes héréditaires cumulées sur plusieurs générations. Le grand-père d’un serf de Maizhokunggar, nommé Tsering Gompo, avait emprunté au monastère Sera 700 kg de céréales pour lesquels le grand-père, le père et lui-même ont payé les intérêts pendant 77 ans, soit un total de 42 000 kg de céréales. Toutefois, le créancier avait déclaré qu’il devait en fait 1,4 million de kg de céréales. Un autre serf de Donggar appelé Tanzen emprunta à son propriétaire 14 kg d’orge en 1941 ; en 1951, le propriétaire demanda de rendre 8 400 kg. Incapable de rendre la somme due, il fut obligé de prendre la fuite. Sa femme mourut sous la pression et son fils enlevé pour payer les dettes.

– Une société stagnante au bord de l’effondrement. L’oppression et l’exploitation atroces par le servage féodal théocratique ont étouffé le dynamisme de la société tibétaine, de sorte que le Tibet a stagné pendant longtemps. Jusqu’au milieu du XXe siècle, la société tibétaine demeurait très fermée et retardataire ; l’industrie, le commerce, les sciences et techniques, l’éducation, la culture et la santé restaient des lacunes à combler ; des méthodes de labourage primitives étaient utilisées dans la production agricole ; l’élevage faisait appel au nomadisme naturel. Les produits agricoles et d’élevage étaient peu nombreux et dégénérés ; les outils de production n’évoluaient pas ; la productivité et le niveau de développement social restaient très bas. De nombreux serfs souffraient de faim, de pauvreté et menaient une vie pénible ; ceux qui étaient morts de faim, de froid, de pauvreté et de maladie étaient innombrables. On trouvait des personnes âgées, femmes et enfants, mendiant partout dans Lhasa, Xigazê, Qamdo, Nagqu, etc. Selon le tibétologue américain A. Tom Grunfeld, certains ont déclaré qu’avant 1959, les Tibétains ordinaires pouvaient boire interminablement du thé au lait, possédaient quantité de viande et de légumes. Cependant une enquête réalisée en 1940 sur le Tibet de l’Est indiquait que : 38 % de foyers n’avaient jamais bu de thé au lait, 51 % de foyers ne pouvaient s’acheter du beurre, 75 % de foyers avaient, parfois, été obligés de manger des herbes sauvages dans une soupe d’os de bœuf, accompagnées de farine d’avoine et de soja. « Aucune preuve ne peut soutenir la thèse que le Tibet était un Shangri-La. »
Selon un grand nombre de preuves, le servage féodal théocratique tibétain commençait à s’essouffler au milieu du XXe siècle. Les conflits et les crises de la société tibétaine se sont multipliés ; les serfs, pour sortir de leur situation désespérée, n’ont cessé de déposer des pétitions, de s’évader, de lutter contre le fermage et la corvée, voire même de se soulever. Selon Ngapoi Ngawang Jigme, l’un des hauts fonctionnaires du gouvernement local du vieux Tibet, tout le monde pensait que, si cette situation durait, les serfs mourraient bientôt tous, et les nobles ne survivraient pas non plus ; toute la société périrait donc.(7)

(1) La Face cachée de Lhasa, Edmund Candler, traduction de Yin Jianxin et Su Ping, Editions du Peuple du Tibet, 1989.
(2) La Face cachée de Lhasa, Edmund Candler, traduction de Yin Jianxin et Su Ping, Editions du Peuple du Tibet, 1989.
(3) Biographie du XIIIe Dalaï Lama, Charles Bell, traduction de Feng Qiyou et autres, Académie des sciences sociales du Tibet, 1985.
(4) Histoire moderne du Tibet (1913-1951) – La chute du royaume des lamas, Melvyn Goldstein, traduction de Du Yongbin, Editions de l’actualité, 3e tirage, août 1995.
(5) Un pèlerin bouddhiste au Tibet, un lieu sacré, Bombojab Tsebekovitch Tsybikoff, traduction de Wang Xianjun, Editions du Peuple du Tibet, 1993.
(6) La Terre des lamas, David Mcdonald, traduction de Zheng Baoshan, Nanjing, 1935.
(7) Grand tournant historique au Tibet, Ngapoi Ngawang Jigme, « La Tibétologie en Chine », n° 1, 1991.


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