Lordon, de la pensée du FN ? Quelle blague si ce n’était tragique comme amalgame.
Lisez donc ses papiers du Monde Diplomatique tel que celui-ci :
lundi 8 juillet 2013, par Frédéric Lordon
"La colorimétrie des demi-habiles ne connaissant que deux teintes,
toute mise en cause de l’Europe, fût-elle rendue au dernier degré du
néolibéralisme, est le commencement d’une abomination guerrière, toute
entrave au libre-échange est la démonstration manifeste d’une xénophobie
profonde, toute velléité de démondialisation l’annonce d’un
renfermement autarcique, tout rappel au principe de la souveraineté
populaire la résurgence d’un nationalisme du pire, tout rappel au
principe de la souveraineté populaire en vue d’une transformation sociale,
la certitude (logique) du… national-socialisme, bien sûr ! Voilà sur
quel fumier intellectuel prospère le commentariat européiste quand, à
bout d’argument, il ne lui reste plus que des spectres à brandir.
Le pire cependant tient au fait que ces imputations, où le grotesque
le dispute à l’ignoble, font sentir leurs effets d’intimidation jusque
dans la gauche critique, terrorisée à l’idée du moindre soupçon de
collusion objective avec le FN, et qui se donne un critère si bas de cet
état de collusion que le moindre regard jeté sur une de ses idées par
les opportunistes d’extrême droite conduit cette gauche à abandonner
l’idée – son idée – dans l’instant : irrémédiablement souillée. A ce
compte-là bien sûr, la gauche critique finira rapidement dépossédée de
tout, et avec pour unique solution de quitter le débat public à poil
dans un tonneau à bretelles. Comme on sait, sous couleur de ne pas
donner prise aux accusations de « repli national », elle a laissé tomber
de fait toute idée de mettre quelque entrave que ce soit au
libre-échange puisque toute restriction à la libre circulation des
conteneurs est une offense égoïste faite aux peuples des pays
exportateurs – et la démondialisation y a été vue comme une inacceptable
entorse à un internationalisme de principe. En bonne logique ne
faudrait-il pas, à cette partie de la gauche, renoncer également à la
critique de la déréglementation financière internationale au motif que
l’extrême droite, elle aussi, en fait l’un de ses thèmes de
prédilection, en conséquence de quoi la chose ne pourrait plus être
dite ?
[...]"