@Pierre JC Allard
Je poursuis mes commentaires :
Vous galéjez, n’est-ce pas ? Parce que si vous parlez
sérieusement, j’en suis estomaqué ! Que le couronnement logique et désirable,
selon vous, de la lutte des Cubains depuis plus d’un siècle (première guerre d’Indépendance,
1868-1878) et même avant, que, surtout, l’achèvement normal et souhaitable de
presque soixante ans d’une Révolution socialiste qui a fait de cette île, entre
bien d’autres conquêtes, l’un des États et des pays assurément les plus libres et
les plus indépendants au monde face à des puissances dont la capacité de
nuisance est sans commune mesure avec la sienne, soit l’annexion aux États-Unis
qui en sont l’ennemi séculaire et surtout, de nos jours, l’antithèse absolue dans
à peu près tous les domaines, c’est l’idée la plus farfelue et surtout la plus
anticubaine que j’aie écoutée en bien des années !
Même les « dissidents » les plus haineux envers la
Révolution cubaine, même les plus vendus aux États-Unis dont ils reçoivent
argent et prébendes et appuis, n’oseraient formuler une telle perspective, car
leur « prestige » déjà inexistant ferait définitivement plouf. L’une
des plus connues, qui, à l’époque où Bush fils ne rêvait que d’en découdre avec
la Révolution cubaine et d’être le premier président étasunien à faire
disparaître ce trublion si irritant à quelques encablures de ses côtes, a
exprimé un jour son souhait que ses troupes envahissent Cuba, et « tant
pis pour les Cubains ! », mais il ne lui serait jamais venu à l’idée
de réclamer l’annexion de Cuba aux États-Unis…
À l’époque allant de la fin de la première guerre d’Indépendance
à la seconde (1895-1898), il y a eu, certes, un courant dit « annexionniste »,
mais pour une toute autre raison que celle que vous avancez : ne voyant
pas la possibilité de se débarrasser du joug espagnol par leurs propres moyens
(l’Espagne se disait prête, contre vents et marées, à conserver sa colonie « jusqu’au
dernier homme et à la dernière peseta »), ils pensaient que l’annexion
était une solution pour cesser d’être colonie et aussi, reconnaissons-le, s’intégrer
dans un jeune pays qui, face à une Espagne rétrograde, représentait l’entrée
dans la modernité. En 1898, je vous le rappelle, les États-Unis occupent
militairement l’île jusqu’en 1902, imposent leur volonté sur les plans
politique et économique, et transforment Cuba en une dépendance, en une
néocolonie, bref la soumettent à une « annexion » larvée pendant
soixante ans. Je vous rappelle aussi que la Révolution cubaine s’est faite, non
seulement pour expulser Batista, mais aussi pour récupérer l’indépendance politique
et économique perdue, ce que, comme les faits le prouvent éloquemment, aucun
locataire de la Maison-Blanche ne lui a jamais pardonné. L’ « annexion »,
on l’a déjà connue ici, et personne n’en redemande, croyez-moi !
L’annexion aux États-Unis, donc, c’était fin XIXe siècle, et
pour des raisons très concrètes, dans une situation historique bien précise !
La prôner en 2016, c’est pour le moins saugrenu ! Ici, aujourd’hui, on
taxe justement d’ « annexionnistes », ou de « plattistes »
les Cubains qui n’attendent leur salut que des États-Unis…
Si vous allez à Cuba, surtout n’avancez pas une telle idée à
vos interlocuteurs : au mieux, ils vous riront au nez ou vous prendront
pour un doux dingue ou un ignorant, au pire, même s’ils sont généralement
accueillants, ils vous flanqueront leur poing à l’endroit du corps qui contient
le cerveau. Car s’il est quelque chose dont les Cubains sont fiers, c’est de l’indépendance
et de la dignité que leur a apportées leur Révolution socialiste…
Vous vous dites défenseur et ami du peuple cubain.
Magnifique. Sur Agoravox, en tout cas, on les compte sur les doigts de la main.
Mais, je vous en prie, défendez-la autrement. Votre aide a tout du pavé de l’ours !
Bien à vous
Jacques-François Bonaldi (La Havane)