A
plus forte raison, le pouvoir ne pouvait-il laisser le parquet
national financier (PNF) se saisir d’une telle enquête (ou l’y
inciter) ? Il saute aux yeux que les faits allégués contre le
candidat n’entrent pas dans les chefs de compétence énumérés
par l’article 705 du code de procédure pénale (loi du 6 décembre
2013) de ce ministère public : non seulement ces faits ne
répondent à la définition d’aucune des infractions mentionnées
dans ces chefs de compétence, mais encore nul ne saurait prétendre
sérieusement qu’ils présentent « une grande complexité »,
au sens dudit article.
C’est
encore au prix d’une double erreur que le président de la
République se retranche derrière l’indépendance de la justice.
D’abord, les officiers du ministère public ne sont pas "la
justice", la Cour européenne des droits de l’homme leur dénie
l’appartenance à l’autorité judiciaire. Ensuite, ils ne sont
pas statutairement indépendants du gouvernement, mais subordonnés
au ministre de la Justice.
Il
y a pire. Le bras armé du pouvoir, en l’espèce, est ce parquet
national financier. Il est un organe d’exception au sens technique
du terme, un organe à compétence dérogatoire au droit commun,
limitativement définie. Faut-il rappeler sa genèse, à savoir le
refus du pouvoir de se conformer au fonctionnement régulier du
ministère public, faute d’avoir réussi à museler un procureur
général de la Cour de Paris trop indocile à ses yeux (il est loin
le temps où les tenants de ce pouvoir socialiste remettaient en
cause le caractère exceptionnel de certaines juridictions, comme les
cours d’assises spéciales en matière de terrorisme, sans parler
de la Cour de sûreté de l’Etat) ?
Dès
le début de l’enquête visant François Fillon, le parquet
national financier s’est comme ingénié à justifier la suspicion
légitimement née de cette origine : la précipitation avec
laquelle l’enquête a été ouverte, sans même le respect d’un
délai suffisant pour lire à tête reposée le Canard
enchaîné laisse perplexe ; surtout, la
publication dans Le Monde par deux « journalistes »
familiers du président de la République, de son secrétaire général
etc., des procès-verbaux de l’enquête à peine sont-ils clos, au
mépris de secret de l’enquête, démontre irréfutablement une
collusion entre les officiers du ministère public ou leurs
délégataires et ces « investigateurs ». Le même
journal combat d’ailleurs les moyens de défense constitutionnels
invoqués par la défense de François Fillon en faisant appel à un
civiliste…
Dans
leur acharnement, ceux qui ont ourdi cette machination ont pourtant
négligé ou sous-estimé un risque : celui d’une action
engagée contre l’Etat, en application de l’article L.141-1 du
Code de l’organisation judiciaire, en réparation du dommage causé
par le fonctionnement défectueux du service public de la justice au
cas de faute lourde. En effet, il ne se discute pas que la violation
du secret de l’enquête ou de l’instruction en matière pénale
constitue un fonctionnement défectueux du service public de la
justice et que le rôle actif ou passif du parquet dans cette
violation caractérise une faute lourde.
Il
reste que la tentative de déstabilisation et de disqualification
du candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle
est sans précédent par sa violence et par l’implication ouverte
de l’Etat.
C’est
pourquoi les juristes signataires de cet appel entendent alerter
leurs compatriotes sur cette forfaiture et ses dangers pour la
démocratie. Ce n’est pas une poignée de substituts militants trop
zélés qui feront obstacle aux millions de Français qui ont déjà
choisi démocratiquement François Fillon comme candidat de la droite
et du centre. Nous n’acceptons pas un coup d’Etat institutionnel,
au profit de l’héritier désigné par le pouvoir.
Collectif
Philippe
FONTANA
Avocat
au barreau de Paris
André
DECOCQ
Professeur
émérite à l’Université Panthéon-Assas
Geoffroy
de VRIES
Avocat
au barreau de Paris
Yves
MAYAUD
Professeur
émérite à l’Université Panthéon-Assas
Serge
GUINCHARD
Professeur
émérite à l’Université Panthéon-Assas, ancien recteur
Pauline
CORLAY
Professeur
agrégé des facultés de droit, avocat au Conseil d’Etat et à la
Cour de cassation
Guillaume
DRAGO
Professeur
à l’Université Panthéon-Assas Paris II
Guillaume
MASSE
Avocat
au barreau de Paris
Jean-Luc
ELHOUEISS
Avocat
au barreau de Paris, Maître de conférences
Georges
BONET
Professeur
émérite à l’Université Panthéon-Assas
Raymonde
VATINET
Professeur
émérite à l’Université Panthéon-Assas
Anne-Marie
LE POURHIET
Professeur
de droit public à l’université Rennes-I
Bernard
de FROMENT
Avocat
au barreau de Paris