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Commentaire de Denis Langlois

sur Vive les Révolutions et la Violence !!!


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Denis Langlois Denis Langlois 10 août 2018 14:45

Comment ne pas être surpris (et même scandalisé) par cet article qui prône la violence dans les rapports politiques, sociaux et personnels ? Il y aurait beaucoup de choses à dire, beaucoup de critiques à faire, mais je me contenterai de répondre à l’affirmation de départ « Les vraies révolutions sont sanglantes… Les révolutions se gagnent à coups de fourches et de canons ». Non seulement je pense que c’est totalement faux et criminel de le laisser croire, mais je viens de l’écrire dans un livre « Et si la révolution était possible ». 

Le mieux est que je recopie l’extrait qui répond précisément à cet éloge irresponsable de la violence :

« Jusqu’ici, dans l’histoire, parce qu’il s’agissait de lutter contre les classes sociales dominantes, de les bousculer, de les renverser, les tentatives révolutionnaires ont généralement été violentes, elles ont prôné la rupture brutale et sanglante avec le passé. 

Pour parvenir à une société sans classe, les théories marxistes ne préconisaient-elles pas d’instaurer au moins provisoirement une « dictature du prolétariat », une « violation despotique du régime bourgeois » ? Cela a donné des régimes totalitaires, des bureaucraties féroces, des goulags, des génocides en Union soviétique, en Chine ou au Cambodge. 

C’est une erreur tragique qu’il n’est pas souhaitable de renouveler. Pour imposer et perpétuer leur système injuste, les pouvoirs en place disposent de forces impressionnantes. Devant cette citadelle, il est tentant de se dire : « Il n’y a qu’une solution : la détruire par la violence. » Alors, on s’arme. On devient guérillero, ce qu’on pense être différent du terrorisme. On s’efforce de créer une armée encore plus meurtrière ou plus rusée que celle d’en face. Dans le passé, on y a parfois réussi, avec le funeste résultat que l’on connaît. Aujourd’hui, cela équivaut à un suicide. Les États ont renforcé à outrance leurs armées et leurs polices. Les affronter militairement ne peut mener qu’à un carnage et à la recrudescence de l’oppression. Comment peut-on affirmer que le pouvoir révolutionnaire est au bout du fusil, quand c’est l’ennemi qui tient le fusil ?

En fait, même s’il ne s’agit pas de révolutions sociales, la grande leçon des changements survenus à la fin du XXe siècle dans les pays dits « communistes » ou plus récemment dans le monde arabe, est que seules les révoltes non-violentes, celles qui permettent aux opprimés de s’appuyer sur la force insoupçonnée du nombre, ont quelques chances de réussir. Les pouvoirs savent comment massacrer ceux qui prennent les armes contre eux, ils sont toujours désorientés devant une population qui emploie des méthodes différentes et pratique notamment les manifestations pacifiques. Ils savent comment gagner les combats dont ils ont eux-mêmes fixé les règles, ils ignorent comment s’y prendre face à un adversaire qui en adopte d’autres, qui agit selon une mentalité et une logique différentes. Nul besoin d’être un stratège militaire pour comprendre que le fin du fin est d’attirer l’ennemi hors de son terrain, de le priver de ses repères habituels. Un État réduit à utiliser la violence contre une foule désarmée perd le peu de légitimité et de crédibilité qu’il avait. Il n’est plus qu’un sinistre ramassis de massacreurs. Brutalement, il lève le masque, il exhibe au grand jour sa barbarie. Il se coupe d’une partie importante de ses soutiens.

Certes, nous avons vu qu’il existe un fossé entre révolution et simple révolte. Quand ce sont les structures sociales inégalitaires qui sont directement attaquées et pas seulement le personnel politique en place, les pouvoirs nationaux ou internationaux n’ont pas forcément la même attitude hésitante. 

Ne négligeons pas cependant ces événements récents, tirons-en des enseignements utiles. Ils confirment à leur façon que, si les peuples veulent un jour réussir une révolution, ils devront se garder d’utiliser la violence militaire. Sur ce terrain, ils seront toujours les plus faibles et ce n’est pas forcément un mal.

Toute armée est par définition une structure centralisée et hiérarchisée, avec des chefs qui donnent des ordres et des soldats qui les exécutent servilement et sont prêts pour cela à tuer (ou à se faire tuer). C’est la condition de son efficacité. Tout le contraire d’une société juste et égalitaire où chaque être humain a la même valeur et doit être libre de ses actes, une société où la vie de chacun est digne de respect.

Or, il y a une règle qui se vérifie toujours : les procédés qu’on emploie pour réaliser quelque chose influent directement sur le résultat. Ils ne sont jamais neutres. La fin est toujours inscrite dans les moyens. Utiliser la violence amène logiquement à constituer une armée ou du moins un embryon d’armée. Si le sort des combats est favorable, c’est cette armée qui construira la nouvelle société. Elle a les plus grandes chances de ressembler comme une sœur à la précédente, avec ses hiérarchies, ses chefs, ses exécutants (et exécuteurs). Un coup d’épée dans l’eau. Une courte parenthèse entre deux dominations, celle d’avant et celle d’après. Et des dizaines d’années pour se débarrasser des nouveaux oppresseurs. »


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