Personnellement j’ai commencé à m’intéresser
aux problèmes climatiques au milieu des années 90, alors que, j’essayais de
comprendre les mécanismes de la dérive spéculative financière. Ça a fait
« tilt » et bien qu’à l’époque, la bibliothèque internet ne soit qu’à
l’état d’embryon je me suis mis à
l’affut des informations diffusées à ce
sujet via la presse scientifique. Mais
l’élément déclencheur a été le fait que la finance se soit emparée, suite au
protocole de Kyoto, en 1997 de la titrisation des droits à polluer.
Depuis
les années 2000, le marché carbone des
droits à polluer n’est plus là pour « encadrer » la pollution, il est
devenu une extension du domaine de la finance. Voir
l’ouvrage d’Aurélien Bernier, « Le climat otage de la finance ».
On peut schématiser le
fonctionnement du marché du carbone de la façon suivante : les ’industries
X et l’industrie Y, se voient attribuer sans frais, par le gouvernement, des
permis d’émission de GES pour l’année. Ceux-ci correspondent à une estimation
du nombre de tonnes d’équivalent carbone (MT CO2e) devant être produit en un
an, par type d’industrie, nombre qui est censé être diminué graduellement d’une
année à l’autre.
Supposons que
l’industrie X a réussi à réduire ses émissions sous le niveau permis (en
modifiant ses procédés ou en raison d’une baisse de production), elle pourra
vendre l’excédent à l’entreprise Y, qui elle souhaite dépasser le niveau
permis. C’est l’offre et la demande qui fixe le prix.
Les différents marchés
du carbone - il y en a 17 en tout - découlent des mécanismes de flexibilité
prévus par le protocole de Kyoto. Ces mesures étaient essentiellement destinées
à réduire l’impact des engagements pris par les pays industrialisés en faveur
du climat.
Outre le mécanisme
d’échange de permis, décrit précédemment, citons aussi le mécanisme de
développement propre (MDP), qui permet l’achat de crédits de compensation issus
de projets visant la réduction des GES dans les pays du Sud.
Le parti pris de nos
gouvernements pour la bourse du carbone n’a pas de quoi surprendre. L’idée de laisser un système calqué sur le modèle
financier réguler les émissions de carbone est alléchante, car cela
revient, pour les pouvoirs publics, à
s’en délester tout en donnant à l’électorat l’impression d’agir pour contrer
les changements climatiques.
Non seulement
inefficace pour réduire la production de GES, le marché du carbone est aussi
nuisible de plusieurs manières. Il entraîne une ruée sans précédent sur les terres et les ressources du Sud par la
finance internationale, qui voit dans les crédits de compensation une
occasion d’affaire à saisir.
Cette financiarisation
se fait au détriment des populations locales, qui non seulement n’en
bénéficient pas, mais se voient privées de leurs moyens de subsistance et
parfois chassé manu militari des territoires qu’elles occupaient depuis des
générations. Le documentaire « La ruée vers le carbone, réalisé par Amy
Miller, est d’ailleurs éloquent à ce sujet.
Le marché du carbone
est mal réglementé et facile à frauder, puisque les instances chargées d’en
assurer le fonctionnement se basent sur les
données fournies par l’industrie pour estimer le nombre de tonnes
d’équivalent carbone (MT CO2e) produites ou économisées par un projet donné.
Il importe de recadrer le débat entourant le
marché du carbone. Car ce qui se cache derrière ce système complexe aux visées
prétendument vertes, c’est ni plus ni moins que la marchandisation de l’atmosphère. Il s’agit d’un problème d’ordre
moral qui nous concerne toutes et tous. C’est pourquoi il faut à tout prix
éviter que les termes de ce débat soient monopolisés par les experts tous
azimuts. Il faut refuser ce système qui,
en se généralisant et s’étendant à la biodiversité, à l’eau et aux services
écosystémiques, accentue de manière exponentielle la privatisation de la nature.
Spéculer sur la nature pour la sauver est une fausse bonne idée.