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Commentaire de Emmanuel GERARD

sur Handicap et campagne electorale (2)


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Emmanuel GERARD (---.---.207.27) 2 avril 2007 03:13

Il y a six ans maintenant, alors que je promenais mon chien sur le trottoir à hauteur d’un petit carrefour, un chauffard qui roulait trop vite mais n’avait pas bu, n’ a pas vu le panneau stop au carrefour et la grande bande blanche au sol . En grillant le stop, il a percuté une voiture qui montait sur l’autre rue et avait donc priorité . Le choc fut violent, la voiture prioritaire fut envoyée en tête à queue à plusieurs mètres . Quant au chauffard, il termina sa course ... sur moi, m’expédiant contre un mur et tuant mon chien, le pauvre est mort d’une hémorragie interne, sans moi à ses côtés car de tout cela, je ne me souviens de rien . Je me suis réveillé à l’hôpital, me demandant au départ si je revais, mais c’était la réalité . Ma mère et mon frère arrivèrent et me dirent ce qu’il s’était passé sous un facheux concours de circonstances d’ailleurs ... En effet, le seul jour de ma vie où je devais être là à cette heure là, en prenant ce chemin là, le drame se produisit, pas une seconde avant, ni une seconde après . La destinée est parfois terrifiante . Il m’aura fallu trois ans pour croire de nouveau en Dieu, s’il existe, en apprenant que le mal au sens démoniaque existe et que Dieu n’y est pour rien là dedans . De tout cela, j’attends de voir, et si c’est vrai, je réglerai mes comptes . Enfin, se réveiller à l’hôpital après un accident, c’est normal mais voilà, j’ai appris bien vite que j’étais paraplégique . Je passe les dures mois de rééducation, le personnel qui n’a pas le droit de montrer une trace d’amour et d’amitié, les semaines où l’on revient chez soi, confronté au miroir de ce qu’on est et de tout ce qu’on ne peut plus faire chez soi . On imagine ensuite l’extérieur, le travail qui me reprenait malgré tout et fut mon soutien car il est aussi ma passion, et puis ce jour où l’on pense à la sexualité, où plus rien ne va, plus d’érection, plus de sensation, plus d’éjaculation, plus de plaisir . On se demande si on est encore un homme dans cette société où le sexe tient une place de premier plan . Et puis la dépression, l’abîme où plus rien ne compte, même plus vos frères et soeurs . Ma mère avait trop souffert dans savie, c’est la seule choe qui m’empêcha d’en finir, je ne voulais pas qu’elle souffre encore plus de la perte d’un fils de 31 ans, atteignant enfin la pleine réussite sociale à défaut de l’amour, mis de côté . D’ailleurs, qu’est ce que j’ai pu être bête à ce point car quoi qu’en dise les bien pensant, ceux qui veulent croire qu’on est resté dans la norme, il existe plus d’handicapés seuls, célibataires ne trouvant jamais personne, mariés qui se retrouvent tout seul, ça existe aussi, que d’handicapés qui trouvent l’amour avec une personne valide cela va de soi dans cette expression . Pourquoi d’ailleurs un handicapé devrait aller avec une handicapée en mal d’amour elle aussi ? La marge entre les deux monde est elle si grande ? Où est ce la sexualité perdue qui repousse les femmes ? Je parle de ceux dans mon cas, car certains traumatisés de la colonne peuvent encore avoir une sexualité “normale”" ou presque .

Maintenant, après plusieurs années de recul, je continue à le dire, malgré mon niveau de vie confortable : j’aurai préféré mourir que de vivre comme ça . Pourquoi l’autre n’a t il pas fait son boulot jusqu’au bout avec sa bagnole ... Je souffre depuis de douleurs neurologiques et antalgiques sérieuses, pourrissant ma vie et mes rares instants de plaisir . Je suis un traitement lourd, aux doses maximum, avec morphine et rivotrile . Quand j’en vois sur des forums se plaindre de leurs 5 gouttes par jour de ce dernier médicament .... moi j’en suis à 45-50 gouttes par jour . Oui je tiens encore debout mais mes après midi sont gagnées par le sommeil . Ah le sommeil, seul moment où mon corps ne me fait plus mal, où je n’ai plus ces sensations de crampes du genoux au bas de la colonne ... Ne cherchez pas : on ne peut rien faire . Même le centre anti douleur est dépité ... Seul dernier remède : augmenter la morphine, mais là, il faut que j’accepte de devenir un “mort vivant”, moi qui m’endort déjà sans le sentir dans mon fauteuil, devant la télé, ou devant mon assiète certains jours ...

Aussi je le dis bien haut et je ne vois pas pour quels idéaux farfelus non fondés sur du sérieux, ou des pensées religieuses qui ne repose sur rien, sinon la croyance et si on ne croit en rien ? ! Oui, je le dis bien haut, à tous nos médecins, nos psychiatres sépcialistes des anti dépresseurs (j’en prends de deux sortes d’ailleurs), et à nos politiciens qui n’ont pas à décider à la place de leurs électeurs, ... je suis pour l’euthanasie active tant qu’elle est décidée par la personne concernée . Je ne parle pas de soins palliatifs . Je pense que, lorsqu’on considère qu’on n’a plus rien à faire ici et que cette Terre et populasse n’a plus rien à nous apporter, on devrait avoir le droit de demander l’euthanasie, quelque soit notre âge, et notre état de santé . Préférez vous quelqu’un qui se jette sous le métro, ou quelqu’un qui s’endorme paisblement dans un lit ? Je sais que vais déranger, faire sauter au plafond les défenseurs de la vie . Oui, mais de quelle vie ? Qu’appelez vous vivre ? Moi à l’instant, d’après MA définition de la VIE, je vis à 15 ou 20 % donc, pour pas grand chose . J’aimerais être rassuré que, lorsque j’aurai décidé d’en finir, je sois sûr de ma fin, plutôt de ne tenter je ne sais quoi pour me retrouver encore plus handicapé . J’ai encore des choses à faire selon vous ? Et si ce n’était pas cette idée que je dois faire accepter et germer ? Je sais, il y a des dépressions qui s’en vont et la joie qui revient mais chez qui ? Chez les valides ? Soit, faisons exception pour eux, quoique je ne partage pas l’idée que les autres viennent nous dire comment vivre, et au nom de quoi ? de qui ? Du ridicule ? de croyances que vous ne pouvez même pas fonder ? Ne venez pas me donner de leçon de morale, à 38 ans, je n’ai plus l’âge d’en recevoir . J’ai vêcu et vis des choses que vous n’osez imaginer vivre un jour . Même une personne de 80 ans ne vis pas ce que je vis, sauf cas rares qui doivent penser comme moi . J’ai décidé de continuer la route pour l’heure avec toutes les souffrances que cela implique . Je veux juste vivre l’esprit reposé en pensant qu’au moment de ma mort, je ne souffrirai pas d’avantage . On pique un chien pour abréger ses souffrances et on n’est même pas capable d’avoir la même compassion pour un être humain . Vos larmes d’après seraient elles plus dures à supporter que les souffrances d’avant pour ceux que vous dites aimer ? N’est on pas plutôt égoïste lorsqu’on refuse la mort d’un proche et qui plus est lorsque ce proche en aurait fait une demande officielle et décidée en pleine conscience ? Je n’ai plus peur de mourir, je me fiche de ce qu’il y a après . Je crois en Dieu mais s’il n’existe pas, et bien, je n’aurai pas le temps de m’en rendre compte ! J’en ai marre de souffrir, chaque jour, chaque heure, et même la nuit quand ça me réveille . Ce que je veux, c’est être sûr de ne pas souffrir plus encore pour trépasser, être drogué sur un lit d’hopital à moitié comateux et entendre les médecins dire ironiquement : vous voyez bien, il ne peut même pas parler . Si c’est cela que vous voulez “vivre” avant de partir, vous avez bien du courage, mais vous ne devez pas savoir ce qu’est la souffrance . Ma vie n’ a pas trouvé bon de me laisser me fabriquer une façade, en faisant du sport, des sorties, plein d’occupations, qui me fassent oublier mon handicap, pour un temps, car je sais bien que ces handicapés “heureux” et “courageux” dont les médias se régalent pour montrer que le handicap n’est pas horrible, oui je sais que leur façade craque lorsqu’il se retrouvent seuls, face à des obstacles que les valides passeraient ou ne connaissent pas . J’en ai connu des parents handicapés, même mariés à un ou une valide, et qui périodiquement attendent le moment pour chialer seuls afin de ne pas inquiter conjoint(e) et enfants ! Non, le handicap n’est pas une sinécure . On ne peut pas le combattre puisqu’il gagnera toujours l Il ne régresse pas, il ne se soigne pas, ne disparaît pas et quant aux traitements .... On n’est même pas fichu de vous sortir un médicament qui supprime ces fameuses douleurs neurologiques, ou ces “courts circuits” entre les axones des nerfs qui repoussent anarchiquement . Seriez vous heureux de recevoir toute une nuit des décharges électriques tellement fortes qu’elles sont comme des coups d’aiguilles à travers à vos membres, toutes les 30 secondes, et ce durant toute une nuit ? Ce n’est plus un handicap, c’est de la torture . Quel être humain peut être heureux en étant ainsi torturé par son corps périodiquement à tel point que ça l’empêche de pratiquer toute activité physique . Car le mal est pervers ... il vous laissent vous éclater en fauteuil, mais il vous fait payer votre bonheur par une journée d’une crise si douloureuse que vous en gémissez, et que vous finissez par craquer nerveusement, par chialer . Je n’exagère rien . C’est ce que je vis . Qu’on ne viennent pas me dire comment mener cette vie où une bonne partie de moi même est déjà morte et sans espoir de renaître . Pitié, ne ditez pas que la sience avance ! Vous n’en savez rien et même si on trouve quelque chose, je serai certainement mort de vieillesse avant qu’on le pratique à grande échelle ! Non, tous les handicapés ne peuvent pas vivre dans l’illusion du bonheur et de la force, je voulais aujourd’hui parler au nom de ceux à qui les médias ne donnent pas la parole .... trop déprimant sans doute ! Vous, valides bien portant, taxis qui n’acceptez pas de prendre des handicapés dans votre voiture, comme je l’ai appris cette semaine, dites vous bien qu’un jour, en vieillissant, vous serez peut être comme nous . C’est une de mes grandes consolations ...


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