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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > 1969-2019, le rock progressif européen naissait il y a 50 ans

1969-2019, le rock progressif européen naissait il y a 50 ans

 

 L’année 2019 s’achève sans que le cinquantenaire du rock progressif n’eût préoccupé grand monde. Il faut dire que ce genre musical n’a pas vraiment la cote en France, pour ne pas dire qu’il est pratiquement ignoré du grand public, faute d’une couverture médiatique suffisante. En quelques dates, une brève histoire du rock.

 

 1955-1962. Le rockabilly ou rock’n roll occupa la scène américaine avec ses légendes, Elvis, Chuck Berry et tant d’autres. Emancipation de la jeunesse, des corps en mouvement, alors qu’à Saint-Germain, Sartre et les existentialistes s’encanaillaient sur fond de jazz dans les caves enfumées.

 

 1962-1966. Un autre rock émerge, plus urbain et social pour ne pas dire juvénile avec de devenir intello. Pour faire simple, les Beach Boys en Californie, les Beatles en Angleterre, vite secondés par les Stones, puis les Kinks et plein d’autres bad boys comme les Who qui n’hésitaient pas à fracasser le matos en fin de concert. 1965 a représenté un tournant avec Rubber Soul, tournant accompli avec la sortie de Revolver en 1966 et cette incroyable surprise, l’entrée des violons dans la pop musique avec un titre légendaire, Eleanor Rigby. Bluffés par les Beatles, les frères Wilson relèvent le défi lancé par Rubber Soul et sortent Pet Sounds, album de maturité visant la concurrence avec les Anglais. « L’album est caractérisé par des harmonies vocales complexes mêlées à de riches arrangements et à des effets sonores inédits, faisant appel à des instruments moins conventionnels en plus des claviers et guitares typiques de la musique pop/rock à l’époque : orgues, clavecins, flûtes, accordéon, harmonica basse, hautbois, thérémine, instruments à cordes de type hawaïen » (Wiki). Malgré ce chef-d’œuvre, les Américains ne pourront pas rivaliser avec le génie européen qui a pointé son nez avec les Beatles, les Who et bientôt, les grosses pointures de 1970.

 

 A partir de 1966, des centaines, voire des milliers de groupes dits psyché occupent la scène au States et au Royaume encore uni. Parmi les plus connus, Electric Prunes et Third Flood.... Ces groupes ont néanmoins tendance à se copier les uns les autres et converger vers un format musical standard qui ne sait plus quelle innovation harmonique ou instrumentale ajouter. Il était temps de sortir du cadre. Les Pink Floyd furent les premiers à sortir de l’impasse psyché en proposant des morceaux plus élaborés avec Piper en 1967 et dans la foulée Saucerful en 1968. C’est cette année que les Britanniques façonnent ce qui deviendra le rock progressif. Les Gallois de Man sévissent déjà et se plaisent à étirer les morceaux dont la durée devient déraisonnable eu égard aux normes radiophoniques. Mais la BBC ne se refuse rien et réalise des centaines d’enregistrements, témoins de la grande charnière qui se prépare.

 

 1969. Une formation frappe un grand coup, à la fois dans le style musical mais aussi l’art de la pochette vinyle qui ne représente plus les musiciens mais l’œuvre. Le rock audacieux et progressif est lancé telle une réplique du tsunami floydien mais avec une intention symphoniste indéniable traduite par un nouvel instrument, le mellotron, au son aisément reconnaissable et dont le principe est de faire défiler un enregistrement d’orchestre sur une bande magnétique lue et modulée pour jouer avec un clavier les notes de la gamme. En 1969, le groupe King Crimson sort son premier et retentissant album, In the court of the Crimson King. Et c’est le début d’une longue série d’albums enregistrés par des dizaines de formations venues de nulle part et proposant un rock mature, abouti, sophistiqué, joué avec virtuosité avec des instruments inattendus. Même les précurseurs du heavy jouent le jeu et étirent les morceaux, sur les albums studio et sur scène, de Led Zep à Deep Purple sans oublier Black Sabbath. Les Britanniques ont surclassé les Américains à partir de 1970, les Allemands et les Italiens ont suivi et les Français ont assuré modestement avec quelques figures comme Magma qui sortit son premier disque en 1969, un double vinyle, puis Ange.

 

 Le rock progressif est le signe du génie européen et d’un raffinement artistique dont n’ont pas disposé les Américains. Et c’est la grande énigme du XXe siècle que cette explosion musicale qui a échappé aux Américains, eux qui se sont placés en pointe dans tous les domaines, économie, technologie, art contemporain, littérature, cinéma, science. Tout leur a réussi sauf le rock progressif, domaine réservé aux Européens. 1969, Led Zep sort son premier album mais aussi Van der Graaf, puis après 1970, Genesis, Yes et tant d’autres. Soft Machine lance un genre spécialisé, l’école de Canterbury, jazzy et prog. Magma lance le zeuhl, contribution majeure de la France. Les Italiens ont pratiqué le progressif à leur manière, avec des groupes n’hésitant pas à brouiller les codes et innover dans les compositions audacieuses. Banco et PFM sont les plus connus, en revanche, qui a entendu parler des dizaines de formations italiennes sévissant dans le prog pendant les seventies, Pierrot Lunaire, Balletto di bronzo, Le Orme et j’en passe. Et les Allemands, aussi doués que les Britanniques et surtout inventifs, avec l’émergence du krautrock et ses légendes déjà en scène en 1970, Ash Ra Tempel, Kraftwerk, Tangerine Dream, Klaus Schulze, les maîtres des synthés et les inventeurs du genre. Ne prenez pas au sérieux les médias français, Jean-Michel Jarre n’a pas inventé la musique électronique, quand il a sorti Oxygène, Tangerine et Schulze avaient à leur compteur six albums chacun.

 

 Il ne reste plus qu’à commémorer les cinquante ans du prog et penser à une chose incroyable mais pas impossible, proposer le rock progressif européen pour une inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco, aux côtés du fest noz breton et du mugam azéri.

 


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22 réactions à cet article    


  • Clark Kent Séraphin Lampion 30 décembre 2019 11:14

    Pourquoi vouloir classer dans des tiroirs des choses empruntées ailleurs, mal dégérées et surtout avec des étiquettes mal traduites ?

    « Progressif » est une mauvaise traduction. Le terme d’origine, « progressive rock » devrait être traduit par « rock progressiste », ce qui, en plus, correspond à peu près aux idées des groupes qui ont fabriqué ce terme outre-manche (pochette du disque de Caravan, paru en 1968) auquel on peut associer pour les rats de discothèques les appellations de « baroque rock », « classical rock », « art rock », « rock symphonique » ou « musique planante ». En France, on se contente d’un faux ami : « rock progressif », ce qui ne veut rien dire.

    De toutes façons, même les victimes de cet étiquetage n’aimaient pas ce terme, y compris chez les anglophones des deux côtés de l’Atlantique. Les Allemands, eux, appelaient ça « krautrock » (avec des knacks et du lard ?) ou même affirmaient, eux, qu’ils ne faisaient pas du rock du tout, en fait. Encore une fois, ce sont les journaleux comme ceux de rock & folk ou des Inrockuptibles qui ont la prétention de savoir mieux que les musiciens ce qu’ils font et inc=ventent des catégories sorties de leurs fantasmes et de laur prétention à la « pédagogie », un point commun avec certains élus ! Le pire, c’est la suite : néo-prog, new prog, post-prog. Là, on est carrément dans l’extase masturbatoire.


    • Jonas Jonas 30 décembre 2019 12:25

      @Séraphin Lampion "Pourquoi vouloir classer dans des tiroirs des choses empruntées ailleurs, mal dégérées et surtout avec des étiquettes mal traduites ?"

      Il est effectivement difficile de classer dans une catégorie un album de musique ; pour le rock progressif, on peut parler d’influences, de mélange de musique médiévale, baroque, et rock ayant émergé à la fin des années 1960, avec des groupes comme King Crimson, Odessa des Bee Gees ou les premiers albums de Genesis (Nursery Cryme) et des centaines d’autres.


    • Tcharl 30 décembre 2019 13:38

      Merci pour cet article, grâce à vous je vais découvrir les alter ego de magma en Europe 🙂. Par contre, dire que les Américains ont raté le coche serait faire fi de l’apport de Franck Zappa au domaine (a voir si c’est considéré comme du rock progressif, mais de mon oreille de neophyte ça pourrait s’y apparenter).

      Cordialement,


      • Stupeur Stupeur 30 décembre 2019 15:12

        @Tcharl
        Viva Zappa ! smiley
         Occam’s Razor


      • Jonas Jonas 30 décembre 2019 16:28

        @Tcharl "Franck Zappa au domaine (a voir si c’est considéré comme du rock progressif, mais de mon oreille de neophyte ça pourrait s’y apparenter)."

        Zappa, c’est plus du Rock, Blues, Jazz, Fusion.


      • Emohtaryp Emohtaryp 30 décembre 2019 14:16

        Je trouve assez injuste de parler de « rock prog » sans citer certainement un des meilleurs groupes Français des années 70/80 et qui se produit toujours actuellement avec autant de talent, Ange...


        • Un des P'tite Goutte Un des P’tite Goutte 30 décembre 2019 19:22

          @Emohtaryp
          Bonjour,
          Il est cité, tout à la fin : Magma et Ange en france.
          Cordialement.


        • Emohtaryp Emohtaryp 31 décembre 2019 13:38

          @Un des P’tite Goutte

          OUi effectivement ! autant pour moi, mais c’est écrit tellement petit que j’ai zappé en lisant....


        • Stupeur Stupeur 30 décembre 2019 15:25

          Naxatras :

           
           -> I am the Beyonder [live, Athènes 21.1.2017]

           
           -> On the Silver Line [live, Athènes 21.4.2018]

           


          • In Bruges In Bruges 30 décembre 2019 15:33

            Ouatche...

            Avec des noms comme ça ( Ange, Caravan) on va voir débarquer tout le clan d’Avox des chevaliers et des grandes prêtresses de la fumette et du garrot dans la petite cuiller...

            Quoique, même chez les psychédéliques nostalgiques , on prend à présent des vacances. Le site semble décidément bien déserté, mêmes par les allumés et les « t’en veuuuut ? ».

            Bref, le foie gras a eu raison du cheval, quoi....


            • In Bruges In Bruges 30 décembre 2019 15:35

              T’façons, j’men fous, je vais me remettre Alain Barrière, avec « ma vie » et « elle était si jolie »...
              Na.


            • Clark Kent Séraphin Lampion 30 décembre 2019 16:21

              @In Bruges

              et à quoi ça sert que Rosemar, elle se décarcasse, alors ?
              t’aimes pars les « merveilleux chantes de Noël », les Frères Jacques et tout ça ?


            • Nowhere Man 30 décembre 2019 17:13

              @l’auteur

              ok pour Revolver. C’est sur cet album que Mc Cartney apporte sa contribution la plus géniale : Eleanor et 5 autres titres.

              Mais le vrai morceau révolutionnaire de Revolver c’est « Tomorow Never Knows » de Lennon.

              j’ai lu il y a quelques années le témoignage d’un ingénieur ayant participé à l’élaboration phénoménale du titre.


              • Stupeur Stupeur 30 décembre 2019 17:15

                Hypnos 69 :

                -> The Great Work (extrait)

                -> Burning Ambition

                 


                • Stupeur Stupeur 30 décembre 2019 18:31

                  Liquid Visions :

                  -> Morning Rain

                  -> yellow sunshine paper man

                  -> Pink Cloud

                   


                  • Un des P'tite Goutte Un des P’tite Goutte 30 décembre 2019 19:41

                    Bonjour Bernard Dugué,

                    La musique ne s’accommode pas avec la parole sur elle, c’est vrai ; mais quel plaisir de voir ressurgir ces génies, dans quelque sous-catégorie qu’on les place. Et de -ne serait-ce que de- s’en être souvenu : In The Court Of The Crimson King. Rien à redire.

                    Quel plaisir aussi que la perspective d’en découvrir d’autres par youtube, les thématiques, ainsi que par les commentateurs (merci stupeur).

                    En bref merci et encore merci, multiplié par environ 10 puissance 67.

                    Cordialement. 


                    • titi titi 30 décembre 2019 21:02

                      @L’auteur

                      Je ne suis pas d’une nature nostalgique, ni à me lamenter en disant que « c’était mieux avant »...

                      Mais c’est clair que Echoes de Pink Floyd versus Djadja de Aya Nakamura 40 ans plus tard, on se dit qu’il y’a quand même eu un bug dans l’évolution Darwinienne.


                      • Aurevoiràjamais Aurevoiràjamais 30 décembre 2019 21:51

                        Merci pour cet article.

                        Marillion, Porcupine tree, Steven Wilson...et n’oublions pas les américains de Dream Theater !

                        En France nous avons Lazuli, Mörglbl (métal prog) et plus récemment Pragma Tango, un jeune groupe prometteur d’Aix en Provence.

                        Les britanniques dominent la scène prog depuis les années 70 mais ce style est en perte de vitesse, même en Europe ! Dans les années 90 on entendait Pink Floyd, Génésis, King Crimson, Magma à la radio aux heures de grande écoute, aujourd’hui c’est terminé ! Place aux artistes éphémères ...

                        Heureusement Il nous reste les salles de concert ...


                        • Paul Jael 30 décembre 2019 23:00

                          Pourquoi considérer 1969 comme l’année de naissance du rock progressif ? En 1968, Pink Floyd, Soft Machine, les Moody Blues, Jethro Tull, The Nice et même les Américains (!) d’Iron Butterfly sortaient des albums formidables.


                          • Berthe 1er janvier 2020 06:24

                            @Paul Jael

                            tout à fait, mais il faut remonter aux plus grands guitaristes des années 60 qui ont influencé le rock des années 60. Crimson est le premier groupe de rock progressif britannique en 69 ; mais Yes a devancé Crimson, tout comme soft machine. on a aussi Roxy Music en 71, Alan Parson en 1975, Emerson, Lake (ex Crimson)&Palmer 70.

                            Chez King Crimson de toutes manières, la particularité c’est le fonctionnement de son « personnel » qui tourne en permanence. Chris Squire chez Yes, Robert Fripp qui va au jazz et rock psychédélique, le duo Fripp & Bian Eno, et même, Levin avec Peter Gabriel. Rock psyché, The Talking Heads ; Ian Dury, The clash dans le Rockabilly (le premier groupe date de 54), The Cars avec Ben Or, Radiohaed géant et même Vangélis, Ange en France, pépite. Je pense qu’il y a énormément de passionnés jusqu’à nos jours, c’est un genre de musique intemporel comme le néo romantisme (new wave), Ultravox en 73 quand même, U2, dépêche mode 79, etc..Disons que le rock progressif est un genre de musique moins commercial. Pas oublier l’Allemagne de l’Ouest aussi qui avait ses pépites comme le groupe Ashra Temple formé par Klaus Schulze en 70, Tangerine Dream en 1967 par Edgar Froese, Grobschnitt en 70 qui ont eu leur succès puisqu’ils chantaient en anglais mais qu’on présente comme un sous-genre du rock progressif, pas moins bon à mon avis. En 70 on est aussi dans la musique électronique avec Kraftwerk. Excellent travail l’auteur d’autant qu’il faut plus d’une page pour écrire cette histoire...il faudrait peut etre y revenir, le RAP c’est d’un emmerdant ces mecs qui n’arrêtent pas de gueuler sur un son platonique !!!


                          • vesjem vesjem 30 décembre 2019 23:45

                            merci ; cet article permet, par ses divers liens, d’aller explorer sur youtube d’anciennes versions très originales qui ont été copiées pour notre plus grand plaisir ;

                            l’oreille se flatte toutefois de nouveaux sons plus que de musique ; le temps efface alors les pâles succès éphémères ;


                            • Cincinnatus 1er janvier 2020 19:41

                              Tu vois Bernard que tu peux être progressiste quand tu veux.

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