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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « Avant l’hiver » : la critiques à courte vue. Le cinéaste aussi (...)

« Avant l’hiver » : la critiques à courte vue. Le cinéaste aussi ?

« Avant l’hiver » : œuvre de cinéaste ou de romancier ?

On connaît la réponse : les deux évidemment dans le cas de Philippe Claudel, un bon écrivain, un des meilleurs de sa génération et un futur grand cinéaste, très vraisemblablement.

 Cet éloge d’emblée, en raison d’une grande surprise : le dernier film « avant l’hiver »n’a pas encore le succès escompté et mérité. 
Peut-être a-t-il été un peu oublié par la promotion ? La bande annonce n’aurait pas été assez incitative ? Pire, le parisianisme sévissant comme à l’accoutumée, le Lorrain que son terroir ou les terroirs proches (l’Alsace, le Luxembourg) inspirent souvent, n’aurait t-il pas trouvé l’accueil privilégié par certains critiques plus germanopratins. Ouf, c’est dit ! Non ou alors un peu de tout çà mais pas essentiellement : il se peut aussi que le film ait été vu sous un angle fallacieux, ordinaire, et qu’on y ait escamoté un aspect très important et beaucoup plus original. Avec cet autre regard là, dans la lecture d’un roman, il aurait été impossible de ne pas le percevoir, cet autre aspect, quitte à le feuilleter à rebours, à loisir. Peut-être ? Sans doute.

Des critiques bonnes ou mitigées mais sans dithyrambes.

La presse en général a accueilli le film avec le respect qui est dû à un beau travail d’un réalisateur talentueux et des acteurs de premier rang : Daniel Auteuil (Paul) et Kristin Scott-Thomas ( Lucie) sont parfaits, intelligents, sensibles et « personnels » comme Richard Berry( Gérard) d’ailleurs. La jeune et énigmatique Leïla Bekhti ( Lou- par hasard ?) est émouvante de justesse. Un talent très prometteur qui dépasse de loin sa beauté sensuelle mise à profit ici assez souvent. « Lisse, hélas » écrit un critique qui n’a pas tout vu.

Certes tout est banal, commun, ressassé, attendu : un couple approchant la fatidique soixantaine, de moins en moins resserré ; un chef de famille neurochirurgien de renom, néanmoins père et grand-père, ordinaire, aimant toujours sa femme avec moins d’élans juvéniles qu‘aux premiers jours ; elle, restée belle et cultivant son vaste jardin, avec goût et avec une ardeur parfois tempérée par un peu d’ennui ou de nostalgie. Paul, de son côté n’en a pas le temps et les incidents stupides comme la réception répétée et anonyme de bouquets de roses rouges l’intrigue, l’indispose et l’inquiète puis finit par l’exaspérer, malgré la beauté provocatrice de l’expéditrice qu’il réussit à identifier. On attend que, banalement encore, le démon de midi moins le quart l’emporte et qu’une liaison se noue et, avec elle, les tracas ou les drames habituels qui s’ensuivent.

Non ! Rien de tout çà et c’est là que pourrait être vu l’essentiel, beaucoup plus original et pas « lisse » du tout,

comme un syndrome de Stockholm inversé. Voir cette séquence essentielle.

Paul est un cœur pur, pris dans un piège effroyable. Professionnel consciencieux et performant, bon patron et bon collègue attentionné, il ajoute à sa pratique d’expert une humanité faite de gentillesse bienveillante. A une patiente qu’il s’apprête à opérer d’une tumeur du cerveau et qui craint de perdre la mémoire des prénoms des membres de sa famille disparue dans la folie meurtrière nazie, il promet de les retenir tous et il les égrènera à sa patiente après son réveil. C’est cette même bonté, plutôt de bon

père que d’amant éventuel, qui lui vaudra l’estime puis l’affection et peut-être l’amour de Lou.

Dès lors le piège tendu par une minuscule « brigade rouge » vengeresse, aveugle, ne peut plus fonctionner. Pour arrêter l’inexorable processus, il faudra un sacrifice suprême.

 Paul un homme ordinaire ? Sûrement pas, plutôt un thaumaturge en la circonstance. Oui il y a là un miracle ordinaire mais crédible.

Voilà une autre façon de voir ce beau film auquel on pourra faire un petit reproche : celui d’abuser d’allusions, de suggestions équivoques, déroutantes qui font peut-être perdre de vue que la bonté appelle la bonté et la vertu appelle la vertu, que l’amour quelle qu’en soit la forme peut avoir raison de la haine aveugle, jusqu’à l’extrême. Le personnage central devait être Lou.

Antoine Spohr


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