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D’un président à l’autre, du désespoir à l’espoir : « W. - L’improbable président » d’Oliver Stone

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En cette belle journée historique qui, par l’élection du démocrate Barack Obama comme 44e président des Etats-Unis, symbolise le début d’une nouvelle ère et cristallise tellement d’espoirs outre-Atlantique et dans le monde entier, mettant ainsi fin à huit années de calamiteuse présidence du républicain George W. Bush, j’ai choisi de vous parler du film éponyme d’Oliver Stone qui résume ce nom en une simple lettre à laquelle est accolé ce qualificatif ironique et terrible « improbable », une lettre qui, par ce qu’elle sous-entend, en dit tellement sur les motivations de l’ancien président (qui l’est néanmoins officiellement jusqu’au 20 janvier 2009) qui a tristement transformé la face du monde, du moins du Moyen-Orient.

W. c’est donc deux récits que le montage entremêle judicieusement : l’histoire du fils d’un homme politique qui brigue la présidence américaine (James Cromwell dans le rôle de George Bush, senior), un fils alcoolique, impulsif (Josh Brolin dans le rôle de W.) qui rate tout ce qu’il entreprend et que le manque de confiance et de considération paternelles conduiront jusqu’à la Maison-Blanche et l’histoire d’un président, ledit fils, qui se lance dans une guerre aux motivations troubles qui le conduira à sa perte, à devenir le plus mauvais président américain. Le parcours d’un homme alcoolique notoire qui devient l’improbable président des Etats-Unis.

J’ai lu ou entendu çà et là que certains déploraient que George W. paraisse sympathique comme si être sympathique occultait tous les autres défauts qu’Oliver Stone décrypte malicieusement, comme si paraître sympathique suffisait pour être président des Etats-Unis. C’est à mon sens d’ailleurs bien pire, la critique n’en est que plus percutante et virulente. W. n’est pas un idiot sanguinaire, mais un homme qui malgré ses faiblesses, ses failles (et peut-être à cause d’elles) arrivera à la tête de la plus grande puissance mondiale. Il pourrait même nous inspirer de la pitié. Mais il est juste pitoyable. Et la caméra d’Oliver Stone, souvent placée là où ça fait mal, ne lui épargne rien, soulignant souvent son ridicule, le montrant comme un enfant capricieux, plutôt rustre, pas très cultivé, mais doté d’une mémoire considérable, un enfant dont la relation à son père a bouleversé la face du monde, un enfant qui s’intéresse essentiellement au baseball, mais qui, à 40 ans, trouve la foi, se convertit, cesse de boire et se retrouve dans les pas historiques de son père, lequel aurait préféré y voir son frère qui, d’ailleurs, échouera.

W. : c’est donc une simple lettre qui en dit long car c’est justement pour n’être pas que W., pas que « le fils de » que ce dernier se lancera en politique et qu’il briguera la présidence sans jamais avoir vraiment le soutien de son père à la personnalité écrasante avec lequel il entretient une relation orageuse par laquelle Oliver Stone explique ici en partie la guerre en Irak, W. reprochant à son père de ne pas avoir éliminé Saddam Hussein et expliquant ainsi qu’il n’ait pas été réélu. (Les conversations entre le père et le fils à ce sujet ou les réunions de l’administration Bush sont réellement passionnantes et tristement instructives.) Ce complexe œdipien serait sans doute touchant si W. n’était à la tête de la plus grande puissance mondiale et de son armée. Un homme comme les autres (qui a d’ailleurs bien compris le bénéfice qu’il pouvait en tirer) à une place qui n’est pas comme les autres.

 Un film captivant, édifiant qui décrit un système dont le président n’est parfois qu’un rouage et auquel la caméra d’Oliver Stone, toujours intelligemment placée, apporte un regard incisif, parfois un second degré, démontrant de manière implacable à quel point ce président est improbable. Seul regret : la fin, certes explicite et significative, un peu expéditive et abrupte après une scène néanmoins consternante d’une conférence de presse où il apparaît, perdu, tel un enfant pris en faute, en manque d’arguments, un enfant qui a mené un pays à la guerre, pour de fallacieuses raisons.

Cette critique serait incomplète sans évoquer l’interprétation, celle, magistrale, de Josh Brolin (que l’on a vu récemment dans No Country for Old Men) avant tout, mais aussi de tous ceux qui incarnent l’administration Bush. Si le voir jeune manque parfois un peu de crédibilité (l’acteur a 40 ans) en revanche lorsqu’il l’incarne comme président des Etats-Unis, nous retrouvons sa voix, ses gestes, sa démarche de cow-boy, un mimétisme troublant que l’on retrouve également chez les autres acteurs, notamment avec Thandie Newton dans le rôle de Condoleezza Rice ou Jeffrey Wright dans celui de Colin Powell dont on découvre ici les réticences pour entrer en guerre et ensuite sa capacité à la défendre (Colin Powell a finalement appelé à voter Obama…).

Après JFK en 1991 et Nixon en 1995, Oliver Stone signe donc son troisième film consacré à un président américain et la première fiction réalisée sur un président encore en exercice. Nous imaginons déjà quel film magnifique et poignant pourrait être la vie de celui, si posé et charismatique, qui incarne désormais l’American dream, de celui, entre autres symboles tellement cinématographiques d’un indéniable potentiel dramatique, dont la grand-mère qui l’a élevé expire son dernier souffle (non sans avoir voté !) la veille du jour où son petit-fils en donne un nouveau au monde, de celui qui est bien plus et mieux que tous les symboles auxquels certains tentent de le réduire, de celui qui incarne aussi tellement d’espoirs comme personne n’en avait incarné depuis longtemps, de celui qui redonne le sourire au monde, de celui qui démontre que l’improbable, dans tous les sens, est toujours possible à condition d’y croire et de s’en donner les moyens. Yes, we can !

Un film que je recommande à tous ceux qui désirent en savoir plus, comprendre comment W. est arrivé au pouvoir, comment l’improbable a été possible, mais aussi comprendre le parcours d’un homme qui aurait été touchant s’il n’avait été président des Etats-Unis. Malheureusement.

Site officiel du film : http://www.w-lefilm.com

Cet article est extrait du blog "In the mood for cinema" : http://www.inthemoodforcinema.com


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10 réactions à cet article    


  • morice morice 5 novembre 2008 13:17

    Bref on a eu un imbécile intégral pendant 8 ans à la tête de la nation la plus puissante au monde : on va mettre 50 ans à se remettre de ses ravages...


    • Sandra.M Sandra.M 5 novembre 2008 13:37

      Quelle argumentation constructive et pertinente. Avec des arguments pareils, si fins, c’est vraiment étonnant qu’Obama ait été élu...


    • Calito 5 novembre 2008 14:04

      Sandra, merci pour cet article, passionant.
      Ne vous fatiguez pas avec le troll je vous prie, la modération va s’en charger.
      Cordialement,

      Calito.


    • Traroth Traroth 5 novembre 2008 17:16

      Je ne vois pas en quoi ce que Morice dit est faux.

      Et les débats ayant eu un impact sur l’élection n’ont pas eu lieu sur Agoravox, soyez rassurée... smiley


    • Ran 5 novembre 2008 17:56

      Merci pour cet article intéressant : je ne sais pas si j’irai voir le film (envie de souffler un peu et de me purifier les toxines) mais c’est une bonne chose qu’il ait été tourné, histoire de garder une trace facilement accessible pour les têtes blondes de demain. Mais quand même, tant de vies brisées pour un complexe d’Oedipe, c’est cher payé...

      Excusez le relatif manque de délicatesse de Morice : ce n’est pas un troll, ses nerfs ont simplement été mis à rude épreuve : il a été heurté par un troupeau entier d’authentiques trolls du bord opposé en pleine transhumance sur Agoravox...


    • Traroth Traroth 5 novembre 2008 18:29

      Dont Calito, dans ses oeuvres un peu au-dessus, est un des membres les plus éminement nuisibles.


    • Traroth Traroth 5 novembre 2008 16:22

      Franchement, critiquer Bush maintenant, c’est vraiment un combat d’arrière-garde. Le mal est fait. Quel intérêt ? C’est un peu comme faire des procès à Chirac maintenant qu’il a pillé tout ce qu’il pouvait. Vu qu’il ne rendra jamais l’argent, ça sert à quoi ? Le vrai courage aurait été de sortir ce film avant 2006, histoire que ça ait une chance de servir à quelque chose. Si McCain avait été élu, Stone aurait fait un film sur lui en 2016...

      C’est vraiment marrant, jusqu’à hier, je jouais avec l’idée d’aller le voir, et depuis ce matin, je me dis que je m’en fous...


      • El Nasl El Nasl 5 novembre 2008 21:16

        Bonsoir Traroth ,

         si je suis votre raisonnement , les personnes qui commettent des crimes ne devraient rendre aucun compte à la justice ...


      • Gilles Gilles 6 novembre 2008 10:47

        "un enfant capricieux, plutôt rustre, pas très cultivé .................. un enfant dont la relation à son père a bouleversé la face du monde,"

        Tient ça me rapelle quelqu’un d’autre, qui n’a encore rien bouleversé (heureusement), mais qui en rêve et aime à se réprésenter plus grand, en taille, que son mentor. Et les deux ne boivent pas d’alcools

        Sinon, il faut tout de même se méfier de ces films purement à charge et dont le public déjà conquit se réjouit en avant première de l’humiliation qui va être infligée à Bush.

        Je crois que dans Farenheit 9-11, les quelques minutes sur Bush, de vraies images et de vrais propos, étaient bien plus parlantes que n’importe quelle fiction sur l’incapacité totale de Bush à être même un sous caporal en Chef. (d’ailleurs le seul truc vraiment bien de ce reportage)


        • le pen la vie la vraie 9 novembre 2008 11:07

          il faudrait arrêter avec cet antibushisme pensée unique
          bush était un type bien
          si bush apparait sympathique, cela ne m’étonne pas : il l’est !

          sur stone : stone est un cinéaste gauchiste dont tous les films sur des personnalités (jfk, morrisson, nixon) sont sans gd intérêt
          ce qui ne l’a pas empêché de faire d’autres films passionnants
          aux etats unis ils ont des stone, cinéastes puissants, électriques
          en france on a des begaudeau....

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