Dark psyche envoûtant avec Demetra Sine Die

C’est reparti pour une recension de plus sur cette incroyable scène rock italienne qui offre d’innombrables visages, du métal le plus black au symphonique le plus sophistiqué. Demetra Sine Die est une formation génoise née en 2003 à l’instigation du guitariste Marco Paddeu et du batteur Marcello Fattore dont on verra à quel point il compte dans le style. Le bassiste Adriano Magliocco a rejoint le groupe et maintenant, une line up opérationnelle et efficace se produit sur scène grâce à l’arrivée récente du nouveau claviériste Matteo Orlandi qui sévit aux synthés. Inutile de traquer les instruments vintage genre mellotron, Hammond ou Moog, l’intention musicale étant résolument axée sur le néo métal né à la fin des années 1990 mais dans une option plus expérimentale et même psychédélique. A l’actif du groupe, on compte deux démos plus un album sorti en 2008 et salué par la critique. En 2012, nos Génois du dark psyché reviennent avec un CD édité par Blood Rock Record et distribué par Black Widow. A quiet land of fear propose neuf morceaux assez différents mais doués d’une teinte ambivalente. Certes c’est du dark mais au final, on ressent une sorte de paix intérieure et c’est assez surprenant. Pas d’agressivité comme dans le black métal mais une sorte de sérénité envoûtante scandée par une exécution toute remarquable du batteur dont le jeu se veut hypnotique, à l’instant des tambours frappés dans les transes africaines.
On peut donc parler de tranquille inquiétude et se laisser envahir par ces sonorités très contemporaines qui nous rapprochent de Opeth ou même d’une référence beaucoup plus lointaine, la première partie de Saucerful of secret du Floyd connue pour le jeu hypnotique de Mason qu’on vit à l’œuvre dans les ruines de Pompéi. Demetra Sine Die joue comme un quatuor de rock contemporain, avec des musiciens équilibrés tandis que les compositions sont signées du groupe, preuve s’il en est qu’on a affaire à un collectif de musiciens et non une formation servant à porter une personnalité. Si l’on suit les propos du groupe, l’intention stylistique est faite d’un mélange entre deux faces, l’une cérébrale progressive et décadente, l’autre psychédélique et atmosphérique avec le souci de produire une musique inclassable, complètement éloignée des stéréotypes et ma foi, l’objectif est parfaitement atteint.
Le CD est sur la platine, quelques effluves de synthétiseur se marient avec des crissements de guitare alors qu’une voie féminine venue d’outre-tombe exécute quelques murmures avant que le chanteur ne se lance dans des incantations comme s’il s’agissait de prier les puissances angéliques et cette fois, c’est parti, la batterie martèle un hypnotique battement sur lequel se dessinent des fantaisies jouées à la guitare et des notes de synthé parfois planantes. C’est parti pour une sorte de voyage musical intergalactique plutôt secoué et très déconcertant car les morceaux n’ont aucune structure conventionnelle et l’on retrouve bien l’intention de proposer du rock art atmosphérique. La guitare distordue y contribue, autant que les jeux de synthé et cette rythmique d’une diabolique efficacité. Parfois, la guitare rappelle la cold wave des eighties mais ce n’est qu’une ruse psychédélique pour conférer à l’ensemble une noirceur d’une étincelante beauté. Break et passages atmosphériques se succèdent pour dérouter l’auditeur et le perdre au milieu des instruments. A noter les textes du premier morceau placés sous le patronage d’un poème de William Blake, un signe qui n’étonne guère puisque la référence en question nous introduit à l’élargissement des portes de la perception, idée chère à Blake et qui pourrait être considérée comme une marque de fabrique de la musique psychédélique, étant entendu que cette perception n’a rien de la réalité augmentée par les prothèses technologiques et se trouve à l’état naturel chez l’individu qui parfois, use de substances illicites pour éveiller cette perception élargie.
Au final, on peut classer ce CD comme inclassable avec cette fois, des emprunts au psyché fin sixties, à la cold wave des early eighties et bien sûr une ossature néo métal qu’on retrouve chez Opeth ou Tool pour n’en citer que deux. Les derniers morceaux montent d’un cran de plus dans la sophistication grâce au trompettiste de Roby Calcagno, invité spécial dont le jeu est planant et free, rien à avoir avec le jazz mais plus avec celui du saxophoniste Nick Turner dans le Hawkwind des années 1970 et allez, un peu de Miles pour ce côté criant. Une mention spéciale pour le quatrième morceau qui semble central et emblématique, avec ses passages de suspense musical et cette voix incantatoire d’un chanteur en attente de délivrance dès lors que la catharsis musicale va se produire pour décharger la tension accumulée. Mêmes émotions pour le septième morceau. Etonnant et excellent. A ne pas rater, encore un magnifique CD en cette fin d’année 2012 qui fut remarquable dans le domaine musical progressif.
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