• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Fritz Lang dans l’Histoire

Fritz Lang dans l’Histoire

L’histoire du cinéma allemand se confond avec celle du siècle. Le cinéma est devenu l’histoire même de l’Allemagne, il en a été partie prenante et l’a modelée. Les ruptures y sont plus visibles qu’ailleurs. C’est une histoire de passions” confiait l’historien Bernard Eisenschitz. A travers la filmographie du plus emblématique des cinéastes allemands, Fritz Lang, on retrouve toute l’histoire de l’Allemagne contemporaine. C’est en cela qu’elle devient historiquement indispensable, pour comprendre notamment les enjeux, les craintes et les perspectives d’avenir de la société allemande.

 mabuselejoueur.jpg

“Dr. Mabuse, der Spieler” (”Docteur Mabuse le joueur”) - 1922 -

 Le premier film sur lequel nous allons nous attarder est “Dr. Mabuse, der Spieler” (”Docteur Mabuse le joueur”), première partie, “1.Teil : Der große Spieler - Ein Bild unserer Zeit” (”le joueur, une image de notre temps”) et la seconde partie, “Dr. Mabuse, der Spieler 2. Teil : Inferno - Ein Spiel von Menschen unserer Zeit” (”Inferno, une pièce sur les hommes de ce temps”) sortit en 1922.

Le film est donc en deux parties, le titre de chacune d’entre elles, est d’ailleurs assez révélateur et sa durée est de 4h30. Bernard Eisenschitz parle de ce film comme d’un « triomphe de la mise en scène, qui donne le sentiment d’assister à des actualités parce qu’il montre la mécanisation de la vie. » En effet aucun autre film n’a mieux dépeint l’atmosphère qui régnait dans la république de Weimar, à part sans doute le “Berlin Alexanderplatz” de Fassbinder en 1980. On y voit entre autres l’arrestation d’un agitateur révolutionnaire, la carrière ascendante d’un affairiste, le siège d’une maison par la police et par l’armée et tous les assassinats qui n’étaient pas sans rappeler tous ceux que connaissait la République de Weimar. On pourrait évoquer celui du premier ministre et président de Bavière Kurt Eisner (1867-1919) le 21 février 1919, du ministre des finances du Reich Mathias Erzberger (1875-1921) le 26 aout 1921, de Walter Rathenau (1867-1922) ministre des affaires étrangères et figure de proue du DDP (”Deutsche Demokratische Partei”), le 24 juin 1922 et enfin des leaders de la révolution spartakiste Rosa Luxemburg (1871-1919) et Karl Liebknecht (1871-1919), le 15 Janvier 1919 par les corps francs du Gustav Noske (1868-1946). Il y a une montée de la violence et des partis extrémistes qui est croissante, dans la rue les communistes (en 1918, le Parti Communiste Allemand derrière celui de l’Union Soviétique) se battent contre les nationalistes notamment ceux du “Stahlhelm” (”Casque d’Acier”), qui compte 500 000 hommes. 

Certaines scènes se passent dans des places boursières, que Mabuse va tenter de troubler. Ce n’est pas innocent, beaucoup d’industries spéculent à la baisse sur le Mark et tirent profit des variations du cours de la monnaie. La petite et la moyenne bourgeoisie des années 1920 est littéralement “euthanasiée”. Le professeur Anton Kaes a d’ailleurs bien résumé ce film en affirmant que « Lang montre un large panorama du Berlin des années 1920, le tableau de la dévalorisation inflationniste de l’argent comme des mœurs ; du vide du pouvoir et de la recherche de religions nouvelles ».

spione.jpg

“Spione” (”Les espions”) - 1927 -

Dans “Spione” (”Les espions”) sortit en 1927, on retrouve tout comme dans Mabuse, la volonté de puissance et de contrôle d’un maitre criminel, étonnamment d’actualité. Il s’inspire d’ailleurs de faits réels comme base de son scénario. Mais il n’y a pas ce miroir social et politique que peut être le premier Mabuse, du fait aussi que ce dernier est sortit durant la période d’instabilité du régime tandis que de 1923 à 1929, le régime semble mieux accepté grâce notamment au chancelier puis ministre Gustav Stresemann (1878-1929). Après l’échec qu’il a connu avec “Frau im Mond”, (”la femme sur la lune”) sortit en 1929. Fritz Lang pense arrêter le cinéma mais la folie collective provoquée par une série de crimes en série commis à Düsseldorf et l’arrestation du coupable, Peter Kurten, lui donne le pouls de son pays dans le présent et non plus dans un registre mythique ou futuriste (comme dans ”Die Nibelungen” ou “Métropolis”).

m.jpg

 ”M” (”M le Maudit”) - 1931-

Fritz Lang réalise alors en 1931, “M” (”M le Maudit”). Le film de Lang est un véritable chef d’œuvre, on découvre peu à peu au fil des scènes, le visage de l’assassin interprété magistralement par Peter Lorre. D’abord l’ombre, puis la silhouette, puis le visage à la fois spectral et angoissé de cet assassin tourmenté. Historiquement, ce film est capital. En effet, il dénonce durement l’impuissance étatique de l’Allemagne. Jamais on avait osé représenter jusqu’alors l’assassinat de petites filles, Fritz Lang lui franchit cette barrière. On est alors obligé de se demander : Qui peut encore croire en l’autorité de l’Etat, si de tels crimes sont possibles ? . De plus, le brave commissaire Lohmann, figure de la fonction publique et étatique, (personnage que l’on retrouve aussi dans le Docteur Mabuse) est impuissant à retrouver cet “assassin collectif” (terme utilisé à l’époque pour désigner un tueur en série). C’est grâce au concours de la pègre et de son leader Schränker, que M va être arrêté. La société dépeinte dans “M” est celle de l’insécurité croissante, de la criminalité et du chômage massif (importance des mendiants dans le film). Nous avons évoqué tout à l’heure le mieux être du régime de 1878 à 1929 mais à partir de la crise économique mondiale du 24 octobre 1929, le régime républicain est en sursis.

L’Allemagne est victime du surinvestissement des capitaux étrangers à court terme, la production chute et les faillites se multiplient. Le chômage touche 50 à 60% de la population. Le chancelier Brüning (1885-1970) en pratiquant une déflation plutôt qu’une dévaluation accentue ses tendances, le régime privilégie la sauvegarde des entreprises au détriment des couches populaires. L’arrivée d’Hitler au pouvoir va sonner le glas de cette République en crise, que dépeint parfaitement Fritz Lang. Le titre original du film, “Mörder unter uns” (Les meurtriers sont parmi nous) a d’ailleurs une étonnante résonnance à l’heure où le parti nazi ne cesse d’étendre son influence.

La fin du film est là aussi révélatrice, “M” n’est pas confié à un tribunal de justice mais du peuple, (ça rappelle d’ailleurs quelque peu la thématique du lynchage de “Fury”, (quelques années plus tard), ce n’est plus la loi qui gouverne mais la pression des masses. Dans une atmosphère d’asphyxie voir de claustrophobie que nous venons d’évoquer, le meurtrier Hans Beckert dit « M » est devenu une victime apeurée face à une masse populaire, immobile et silencieuse. Il y alors cette scène finale magnifique, où M se livre à une auto analyse où il révèle la division de son « moi », sa schizophrénie en fin de compte. Il déclare son impuissance face à la bête tapie en lui : « Je ne peux pas m’en empêcher. Je ne contrôle pas ce mal qui est en moi... Je porte en moi cette malédiction, cette brulure, ce supplice... Je cours entouré des fantômes des mères et des enfants et quand je cède, tout s’évanouit devant moi... ». Lang conclut simultanément à l’impossibilité de juger et à la nécessité de la Justice. M croyant être lynché, voit en effet une main s’abattre sur son épaule, celle de la police. Goebbels préfère y voire lui, un plaidoyer pour la peine de mort. Il note le 21 mai 1931, dix jours après la sortie du film, une note dans son journal où il écrit : « Fantastique. Contre le sentimentalisme humanitaire. Pour la peine de mort. Lang sera notre réalisateur, un jour.  »

La preuve, la plus fragrante de l’impact historique de ce film, se trouve aussi dans sa réutilisation par Hans Jürgen Syberberg dans “Hitler, un film d’Allemagne”, (”Hitler, ein Film aus Deutschland”) sortit en 1977. Dans ce film, Syberberg donne une place centrale au monologue final d’Hans Beckert que nous venons de citer et cite en parallèle des passages du discours prononcé à Posen, le 4 octobre 1943, par Heinrich Himmler. Dans ce dernier, le Reichsführer-SS parle notamment de sa décision d’éliminer les femmes et les enfants juifs, « Je ne me sentais en effet pas le droit...de laisser grandir les enfants qui se vengeraient sur nos enfants et nos descendants ». Etrange correspondance...

testament.jpg

“Das Testament des Dr. Mabuse” (”Le testament du docteur Mabuse”) - 1933 -

En 1933, Fritz Lang réalise “Das Testament des Dr. Mabuse” (”Le testament du docteur Mabuse”), après avoir été arrêté dans le premier volet, le Docteur Mabuse continue de la cellule de son asile à commander la pègre. Les différents exécutants de son organisation criminelle prennent leurs ordres d’une pièce où un rideau est toujours baissé, chacun à son rôle. Cela va de la déstabilisation des places boursières jusqu’aux attentats chimiques. Car Mabuse n’est plus incarné, il est un esprit qui peut pénétrer tous les êtres. Mais quand il l’est, le regard maléfique du Docteur Mabuse interprété brillamment par Rudolf-Klein Rogge est terrifiant. La mise en scène de Lang montre dans ce film l’omniprésence du danger, l’insécurité croissante qui pèse sur la République. Même si le message antinazi a été formulé après coup par Lang (d’ailleurs l’incendie allumé par le Docteur a un certain écho après celui du Reichstag du 27 février 1933), son ancrage contemporain est incontestable.

Il y a d’ailleurs dans les paroles du Docteur Mabuse, des fragments de discours nazis, qui n’ont d’ailleurs pas échappé à Goebbels. On pourrait citer notamment ce passage où Mabuse déclare : « L’âme des hommes doit être remplie d’angoisses par des crimes inexplicables, en apparence absurdes. Des crimes qui ne profitent à personne, qui n’ont qu’un but, répandre la peur et la terreur. Car le but ultime du crime est de préparer l’empire absolu du mal. Un état d’incertitude et d’anarchie fondé sur l’élimination des idéaux d’un monde voué à la destruction. » Lang lui fait même dire à un moment : « L’Etat c’est moi ». Le cinéaste avait en effet pris de plus en plus conscience du danger nazi. Il s’était rendu en 1932 à un congrès du parti avec un de ses collaborateurs, Conrad von Molo (assistant monteur) et ils en étaient ressortis véritablement secoués. Le Docteur Mabuse est d’ailleurs l’un des premiers films à être censuré par les nazis. Il ne sortira en Allemagne qu’en 1951.

Fritz Lang a souvent affirmé avoir eu une rencontre avec Goebbels avant de quitter l’Allemagne. Même si l’on sait aujourd’hui que cette histoire romancée est fausse, il est très vraisemblable qu’un poste de direction du cinéma allemand lui ait été proposé. Hitler avait adoré “Die Nibelungen”, et “Métropolis”. Le 6 juin 1934, le réalisateur allemand embarque au Havre en direction de New York. Il faut savoir que les cinéastes allemands exilés ont joué un role essentiel pour combattre le nazisme. Ils ont également par leur point de vue à la fois extérieur mais aussi allemand du fait de leurs origines, une analyse particulière et souvent lucide de cette Allemagne hitlérienne. En 1936, Fritz Lang participe d’ailleurs à la fondation à Hollywood, de la “Anti-Nazi League”.

furie.jpg

“Fury”, (”Furie”) - 1936-

C’est en 1936, deux ans après son arrivée sur le territoire américain que Fritz Lang réalise “Fury”, (”Furie”). Ce nouveau chef d’œuvre raconte l’histoire d’un homme accusé injustement d’enlèvement et détenu en prison. Des détails minimes l’accablent. Les habitants de la ville où il est détenu apprennent très vite la nouvelle et c’est une vaste marée humaine qui se rend à la prison pour le lyncher. Le réalisateur allemand s’en prend une nouvelle fois au système judiciaire ainsi qu’aux accusations sommaires. Le scénario à deux tiroirs aborde deux points essentiels, la stupidité de la foule aveugle comme un clin d’œil acide à celle qui en Allemagne a amené Hitler au pouvoir et la vengeance de l’individu.

Encore une fois Lang s’attarde sur la Justice et s’interroge comme dans “M” sur les personnes qui sont dignes ou non de prononcer la sentence finale. Michel Ciment affirme que Lang a « nourrit son analyse de l’expérience qu’il vient de vivre dans une Allemagne nouvellement gagnée par le racisme et le totalitarisme ». La fin du film est un peu convenue mais sonne comme un avertissement alarmiste pour le respect des droits de chacun. Fritz Lang réalise ensuite, ce que l’on appelé la tétralogie antinazie, quatre films consacré à la lutte contre le nazisme. La plupart de ces films se concluent par des “happy end” contrairement à l’habituel “pessimisme langien”. On peut interpréter ça comme la volonté de faire triompher les puissances démocrates face à la menace nazie.

manhunt.jpg

 ”Man Hunt”, (”Chasse à l’homme”) - 1941 -

Le premier de ces films, est “Man Hunt”, (”Chasse à l’homme”) sortit en 1941. Le film raconte l’histoire d’un chasseur britannique, capturé par les nazis, qui l’accusent d’avoir voulu tuer Hitler et d’être un espion à la solde de l’Angleterre. Le capitaine Allant Thorndike échappe miraculeusement à la mort et fuit, traqué par les hommes de la Gestapo. On notera la séquence spectaculaire en début de film où Thorndike qui est tombé par hasard sur le nid d’aigle du führer, cadre plein d’hésitation, Hitler dans le viseur de son fusil à lunette. Dans derniers plans du film, on voit un Thorndike déterminé, sauter en parachute d’un avion qui survole l’Allemagne, tandis que la voix d’un commentateur annonce : “Et désormais, quelque part en Allemagne, se trouve un homme portant un fusil de longue portée, et doté de l’intelligence et de l’entraînement nécessaires pour s’en servir. Il faudra peut-être des jours, des mois ou même des années, mais cette fois il connaît exactement son objectif“. On ne peut trouver un avertissement plus solennel et une incitation à la révolte plus explicite pour le peuple allemand.

bourreaux.jpg

“Hangmen Also Die !”, (”Les bourreaux meurent aussi”) -1943 -

 Le second volet de cette tétralogie sort en 1943, il s’agit de “Hangmen Also Die !”, (”Les bourreaux meurent aussi”). Dans son journal, l’écrivain Berthold Brecht, coscénariste du film affirme qu’ils ont eu l’idée du scénario, le 28 mai 1942, sur la plage de Santa Monica. L’actualité leur a fourni, la veille. En effet, le 27 mai 1942, un groupe de patriotes tchèques a mortellement blessé le SS-Obergruppenführer Reinhard Heydrich (1904-1942), adjoint direct d’Himmler et Protecteur adjoint du Reich en Bohême-Moravie. La Gestapo se met alors en marche pour trouver l’assassin. Dans le film de Lang, à la suite de plusieurs coups de théâtres, le peuple se ligue pour désigner comme coupable, le brasseur Czaka, notable pragois collaborant avec l’ennemi. Ce film tient d’ailleurs plus du thriller à rebondissements que d’un véritable film historique. Michel Ciment considère d’ailleurs que ce film est « le moins convaincant » de la tétralogie. Mais sous couvert d’une mise en scène pleine de virtuosité et rempli de suspens, se sache un véritable message. Car le film est avant tout, un hommage à ceux qui donnent leurs vies, par leur résistance au Nazisme.

Selon l’historienne, amie du réalisateur, Lotte Eisner, ce sont « les souffrances d’un peuple sous l’occupation nazie qui ont touché Fritz Lang. ». Au début du film, Heydrich ait d’ailleurs montré avec arrogance, cravache à la main, tenant un discours en allemand sur un ton hystérique. On pourrait citer quelques extraits de ce monologue : « ces sabotages qui nous empestent », « des mesures radicales », « je lui rendrai la vie infernale, à cette vermine tchèque, j’apprendrai la discipline à ces ordures dans les usines Skoda, ils en auront les oreilles qui tintent ». Lang a voulu également montrer la terreur que pouvait inspirer la Gestapo. Le film se termine par des plan sur la ville de Prague et sur le chant des otages tchèques : « Peut-être mourras-tu, peut-être non/ Mais ne les laisse jamais te prendre, frère/ Que tu tires ou que l’on te tire dessus... ». Le titre final du film est assez explicité là aussi, dans un monde en pleine guerre : « NOT the end », sous entendu, que le combat à mener n’est pas terminé et qu’il faut prendre exemple sur cet acte héroïque de la résistance tchèque.

tamise.jpg

“Ministry of Fear” (”Espions sur la Tamise”) - 1944 -

En 1944, Fritz Lang réalise ensuite “Ministry of Fear” (”Espions sur la Tamise”). Le film raconte l’histoire d’un homme libéré après deux ans de détention, en Angleterre. A sa sortie, il voit son pays bombardée par les nazis (Lors de la Bataille d’Angleterre, la Luftwaffe pilonne sans relâche le Royaume-Uni). A la suite de diverses péripéties, il se retrouve à lutter contre un réseau nazi qui est implanté en Angleterre. Lotte Eisner note qu’il « s’agit d’un thriller mais en même temps de bien davantage. L’activité destructrice clandestine des Nazis est montrée avec autant de force expressive que dans “Man Hunt”. Le “réalisme fantastique” de Lang rejoint une vérité criante, ce film appelle à la lutte contre Hitler. C’est aussi un film de propagande, et des meilleurs. » Comme dans “Man Hunt”, l’objectif premier de Lang, est aussi de montrer aux Etats-Unis, le danger que peut représenter le nazisme.

cloak.jpg

“Cloak and Dagger” (”Cape et Poignard”) - 1946

En 1946, avec la sortie de “Cloak and Dagger” (”Cape et Poignard”), clôt sa tétralogie. Le film est réalisé alors que la menace nazie a été annihilée, le film étant sortit en 1946 et le Troisième Reich ayant capitulé, le 8 mai 1945. Mais le film se présente comme une conclusion aux trois autres volets et un avertissement solennel face à l’utilisation de la bombe atomique. En effet l’histoire est celle d’un professeur de physique dans une université américaine, Alvah Jasper. Ce dernier est contacté par les services secrets, pour enquêter en Europe sur l’avancement scientifique des nazis en ce qui concerne la bombe atomique. L’issue de la guerre en dépend. Le nom du film “Cloak and Dagger” est le nom qui couvrait les activités de l’OSS (Office of Strategic Services). Dans son discours final, Jasper prononce ces quelques phrases qui pour Lang, justifiaient à lui seul la réalisation du film : «  Paix ? Il n’y a pas de paix ! Nous sommes en l’an I de l’ère Atomique, et Dieu nous prenne en pitié si nous avons cru ou même voulu, tenir secrète la science. Dieu nous prenne en pitié si nous croyons pouvoir risquer d’autres guerres sans nous détruire nous-mêmes. Et Dieu nous prenne pitié, si nous n’avons pas le bon sens de maintenir ce monde en paix. »

diaboliquemabuse.jpg

“Die Tausend Augen des Dr. Mabuse”, (”Le Diabolique docteur Mabuse”) - 1960

De retour en Allemagne, en 1959, réalise un troisième opus autour du “Docteur Mabuse”, “Die Tausend Augen des Dr. Mabuse”, (”Le Diabolique docteur Mabuse”) sortit en 1960. Frit Lang porte dans ce film, un regard très noir sur l’Allemagne contemporaine. L’adaptation du roman de Norbert Jacques avait commencé en 1922, nous l’avons vu avec “Dr. Mabuse, der Spieler” pour se poursuivre par “Das Testament des Dr. Mabuse”, ce dernier épisode clôt ainsi la trilogie et la fin des aventures de ce génie du mal. Dans chaque Mabuse, on retrouve une certaine inspiration freudienne récurrente, ce recours sans cesse à la psychanalyse pour décrypter cet être mystérieux. L’arme de Mabuse est à chaque fois la même, c’est la puissance hypnotique comme moyen de triompher de la résistance psychologique, là aussi on peut tirer un parallèle avec la fascination qu’a réussi à dégager le leader du IIIeme Reich.

Dans ce dernier opus de Mabuse, il est question de télésurveillance, nouvel outil technologique qui permet à ce diabolique Docteur de connaître les faits et gestes de tous les habitants d’un hôtel luxueux. Ce génie du mal espèrent manipuler ses habitants et en particulier ses membres importants afin d’une fois n’est pas coutume, de répandre le chaos. C’est en apprenant que les Nazis avaient comme projet de construire des hôtels truqués pour les ambassadeurs étrangers en vue de les espionner que Lang a eu l’idée de faire ce film. Le film est fascinant, alternant les phases de réalisation en caméra normale avec celle de surveillance, comme pour pousser un peu plus loin le suspens. Qui regarde qui ? Alternant le clair obscur à la manière du Caravage, Lang nous trouble et l’on se demande irrémédiablement si ces « mille yeux » ne sont pas ceux du metteur en scène lui-même. Mais Lang est au dessus, il dissémine avec parcimonie des indices pour nous faire découvrir l’identité du docteur, il est la main qui nous guide et qui nous met en garde contre les menaces dictatoriales du futur.

 

Le film se clôture par une scène très hollywoodienne de course poursuite en voitures, comme un clin d’œil à son pays d’adoption où il aura vécu durant vingt ans. Dans son dernier film, Fritz Lang assène aussi une critique très ferme contre cette Nouvelle Allemagne prompte à oublier le nazisme (Certains policiers ont oublié Mabuse). Il condamne ainsi l’amnésie qu’a connu le peuple allemand après la guerre. Volker Schlöndorff, lorsqu’il évoque les dernières années de Fritz Lang en Allemagne, déclare que « Fritz Lang ne pensait plus qu’à l’Allemagne, à ce qu’elle était, à ce qu’elle a fait, à ce qu’elle est devenue. Arrivé à Berlin avec tout son dynamisme naturel, désireux de renouer avec sa jeunesse, Lang est reparti vieilli mais non vieillard….  ». En 1976, Edgar Reitz ajoutait : « A l’heure actuelle, Fritz Lang apparait toujours comme le cinéaste le plus allemand et le plus représentatif de l’Histoire allemande… »Mancioday

http://ruminances.unblog.fr/

 

Vidéos annexes :

Extrait de “Mabuse le Joueur”

 

 

Scène finale du jugement dans “M le Maudit”

 

 

Extrait du “Testament du Docteur Mabuse”

 

 


Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (10 votes)




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Les thématiques de l'article


Palmarès