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Gombrowicz, entre simulacre et liberté

Certains écrivains ouvrent des brèches dans le simulacre social. Leurs oeuvres sont alors des charges explosives pouvant sauver au milieu des ruines ce qui peut encore l’être en chacun de nous. Peut-être un semblant de lucidité par exemple.

Witold Gombrowicz est un écrivain polonais, écrivain, ludique et pessimiste, provocateur et pervers. Je vous parlerai plus particulièrement de Cosmos, roman métaphysique qui joue avec l’absurde jusqu’à former un univers complet et cohérent, paradoxe ultime ! Il serait inutile de vouloir en raconter l’histoire tant l’intérêt ne réside pas en elle. Le narrateur Witold accompagné de son ami Fuchs séjournent dans une pension de famille. On pourrait dire de Cosmos que c’est l’enquête pathologique de personnages dérangés à propos d’un oiseau mort et de deux bouches. La découverte par les protagonistes d’une suite de signes (un moineau pendu, une flèche sur un plafond, un bout de bois pendu à un fil, un poulet pendu lui aussi) sont interprétés comme autant d’indices menant le questionnement pseudo policier. Séries d’hypothèses farfelues et grotesques parsèment le récit le plombant vers un naufrage morbide et drôlatique à la fois. Cosmos est une sorte d’imposture visant à révéler l’immaturité et la facticité du lecteur et du monde tout court. Le roman commence ainsi : "Je plongeai le regard dans ce fouillis de feuilles, de rameaux, de taches lumineuses, d’épaississements, d’entrebâillements, de déviations, de poussées, d’enroulements, d’écartements, de je ne sais quoi, dans cet espace tacheté qui avançait et se dérobait, s’apaisait, pressait, que sais-je ? Bousculait, entrouvrait... Perdu, couvert de sueur, je sentais à mes pieds la terre noire et nue. Là entre les branches, il y avait quelque chose qui dépassait, quelque chose d’autre, d’étrange, d’imprécis. Et mon compagnon aussi regardait cela. Un moineau. Ouais. C’était un moineau. Un moineau à l’extrémité d’un fil de fer. Pendu. Avec sa petite tête inclinée et son petit bec ouvert. Il pendait à un mince fil de fer accroché à une branche. Bizarre. Un oiseau pendu. Un moineau pendu. Cette excentricité hurlante indiquait qu’une main humaine s’était glissée dans ce taillis. Mais qui ? Qui avait pendu cet oiseau, pourquoi, quel pouvait être le motif ? ".

Roman du rien, du creux qui se pare de toutes les pseudo significations ; c’est là tout le talent de l’auteur. Certaines situations de ce roman sont très proches de l’univers de Bunuel et de l’âge d’or (sensualité embarassée, absurdité malsaine des rapports humains. Le narrateur est obsédé par la rencontre possible de la bouche de Léna, et de celle de Catherette, attirance et répulsion formant un climat oppressant tout au long du récit. Lynch pourrait se délecter des phobies qui émaillent les perceptions des sujets : "cette bouche était comme trop fendue d’un côté, et allongée ainsi imperceptiblement, d’un millimètre, sa lèvre supérieure débordait, fuyant en avant ou glissant presque à la façon d’un reptile, et ce glissement latéral, fugitif, avait une froideur repoussante de serpent, de batracien, mais pourtant il m’échauffa, il m’enflamma sur le champ, car il était comme une obscure transition menant à son lit, à un péché glissant et humide."

Gombrowicz ou comment la réalité la plus banale peut devenir où plus exactement est loufoque, délirante, inquiétante, obsédante si l’on ose soulever le voile pudique du réalisme classique. Supporter la prose de Gombrowicz n’est possible que si l’on admet l’idée de la mesquinerie et de l’idiotie humaine. Pourtant son propos n’est en rien accusateur, en rien moralisateur, au contraire il se réjouit de l’immaturité généralisée proche d’une forme d’innocence pervertie. La partiallité, la petitesse, l’insignifiance de l’histoire romancée est à transposer sur l’idée que se fait l’auteur de la “ grande histoire ”. Non-événement d’un monde insignifiant qui ne pren “ sens ” que sous le joug de la subjectivité humaine, cruelle et arbitraire.

L’observation d’un moineau pendu constitue le coeur du récit, son trou noir, sa matière noire qui constitue la trame originelle de tout l’univers se déployant autour : ""Partons". Mais il restait là, il regardait, le moineau pendait, je restais là aussi, je regardais aussi. "Partons". "Partons". Nous ne bougions pas, cependant, peut être parce que nous étions restés trop longtemps déjà et que le moment convenable pour le départ était passé... et maintenant cela devenait plus dur, plus incommode, nous deux avec ce moineau pendu dans les buissons... et j’eus l’intuition d’une sorte de disproportion, de faute de goût ou d’inconvenance de notre part... J’avais sommeil".
Le regard de Gombrowicz vise la déformation pour mieux accoucher d’une perception authentiquement phénoménologique des événements et des êtres qui gravitent en leur sein. A trop s’y attarder, c’est la santé mentale du lecteur et de l’auteur qui sont mises à mal. Le besoin d’ignorance s’avère le pilier de la “ norme”. L’insolite ouvre sur le monstre qui réside en chacun, le grotesque fait écho à l’infini au statut humain : "Tout à coup surgit une vache. Je m’arrêtai et nous nous regardâmes dans le blanc des yeux. Sa vachéité surprit à ce point mon humanité que je me sentis confus en tant qu’homme, en tant que membre de l’espèce humaine (...) Comment se comporter face à une vache ?... Comment se comporter face à la nature ?" La cohérence du “ réel ” est cruellement mise à terre. Gombrowicz était doué pour observer des heures durant des crochets sur les murs et d’imaginer le passé éventuel de la demeure supportant ces fameux crochets.

Un jour qu’il se promenait à la plage, il sauva un scarabée qui s’était retrouvé sur le dos et gigotait des pattes. Il le sauve, le remet sur ses pattes puis en voit un deuxième dans la même fâcheuse position : il le sauva aussi, se croyant sauvé par la même occasion de ce labeur étrange mais une quantité astronomique d’autres bestioles dan le même état se révéla à sa vue quelques mètres plus loin. Accablé devant une mission devenue grotesque, il partit en panique.

Gombrowicz est aussi l’auteur de pièces de théâtre (Yvonne princesse de Bourgogne ). Son oeuvre la plus connue demeure Ferdydurke qui a été misse à l’écran par Jerzy Skolimowski.Transatlantique est un roman autobiographique sur l’exil de Gombrowicz en Argentine en 1939 lié à l’invasion de la Pologne par Hitler. Exil qui durera 23 ans. Puis Gombrowicz dérivera vers Paris, Berlin, Vence.

La Pornographie traite notamment du rapport entre la forme et la maturité de l’adulte d’une part, et de l’adolescence malléable d’autre part, rapport de force symbolique entre celui qui veut imprimer sa forme et celui qui aspire à être formé, attraction flirtant avec le vice et la vertu tour à tour. Ambivalence où tous se perdent, l’adulte dans sa fascination de l’informe, l’adolescent quant à lui piégé par la forme que tente de lui imprimer l’adulte. L’attirance qui en découle est basée sur la perte des qualités à l’origine de la relation. L’immaturité informe semble consacrée par la modernité qui ne propose plus aucun cadre structurant, qu’il soit d’ordre politique, social ou religieux.

Toute l’oeuvre de Gombrowicz charrie un refus fondamental du sérieux, en quête d’une sorte d’innocence impossible, à rebours de la souffrance et de la gravité adulte. Mais guette l’infantilisme tout aussi destructeur et vide. Une impression de simulacre et de fausseté imbibe tout ses récits. L’artificialité des rapports humains sautant aux yeux des protagonistes. Ses mémoires sont à découvrir pour mieux percer le mystère Gombrowicz. Son cours de philo en six heures un quart est un monument d’humour intelligent. En ces temps de simulacre politicien liberticide, la lecture de cet aristocrate déchu est salvatrice.


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13 réactions à cet article    


  • snoopy86 (---.---.100.33) 29 mars 2007 12:39

    Quelle importance ?

    Il a du talent, lui...


  • seb59 (---.---.180.194) 29 mars 2007 15:50

    @ DW

    Nous sommes dans un pays democratique, chacun vote pour qui il veut.

    La preuve, certains votent pour toi Demian !

    Pourtant, Mr Le Pen est bien plus cultivé que tu ne l’es.

    Maintenant laisse parler Mr Roussot qui est un vrai auteur. (il ecrit des livres lui)


  • median swet (---.---.79.33) 29 mars 2007 16:03

    "par demian west (IP:xxx.x21.121.240) le 21 octobre 2006 à 12H48

    Pour laquelle raison : dans la République Française où les femmes travaillent innummérablement et où elles sont heureuses de s’épanouir dans le travail, refuserait-on à des femmes musulmanes qu’elles soient éxaminées par des femmes puisqu’il y en a, et si tel était le désir des patientes à être examinées.

    demian west "


  • median swet (---.---.79.33) 29 mars 2007 16:14

    "par demian west (IP:xxx.x14.246.7) le 11 octobre 2006 à 21H44

    Je commence vraisemblablement à vivre dangereusement : car on dit tantôt que je suis en intelligence avec les musulmans qui se terrent dans les zones franches, et j’avoue aussi entregenter avec les femmes qui veulent plus de sexe paraventure.

    demian west "

    La dernière phrase étant un énorme mensonge puisque comme tout le monde le sais maintenant, Demian West est un homosexuel honteux.


  • nessoux (---.---.25.117) 29 mars 2007 16:56

    Il est jaloux le théoricien des arts et des lettres. C’est tordant comme truc. Il pense sans doute qu’en appuyant sur la tête des autres il va se grandir ce pauvre nain de la pensée


  • seb59 (---.---.180.194) 29 mars 2007 17:21

    @ median

    Il parait que Demian aurait une liaison avec un type à chapeau.

    Mais chut, c’est un secret ! smiley

    @ l’auteur

    Continuez vos articles Mr Roussot, car vous ecrivez bien, et ceux ci sont interessants !


  • (---.---.138.115) 29 mars 2007 17:53

    il parait aussi que le pseudo Milla ne serait que la version « travelo » de celui de DW ? a quoi en est réduit ce pauvre DW ... smiley


  • Thomas Roussot Thomas Roussot 29 mars 2007 18:11

    @ DW, Votre technique digne du réflexe de Pavlov ne trompe que les couards ou les sots. Vous pensez qu’en pratiquant la dénonciation fumeuse, cyclique et obsessionnelle qui vous tient lieu de marotte pour tromper la vacuité de votre état, vous pousserez vos interlocuteurs à opter pour l’indignation outrée, l’intérêt pour votre charabia abscons ou pire le débat avec votre auguste avatar schtroumpfesque. Le ministère du vice et de la vertu taliban étant hors d’usage, je vous propose une reconversion du côté du mrap, un repaire parfait pour les délateurs racistes de votre espèce.  smiley


    • steve (---.---.182.86) 29 mars 2007 19:50

      Vieux jaloux !

      Respectez les autres, Mr West !


    • Thomas Roussot Thomas Roussot 29 mars 2007 20:32

      Une girouette (mot provenant du vieux normand wire-wite) est un dispositif généralement métallique, la plupart du temps installé sur un toit, constitué d’un élément rotatif monté sur un axe vertical fixe. Sa fonction est de montrer la provenance du vent ainsi que, contrairement à la manche à air, son origine cardinale. Application possible par extension virtuelle : être nekkazien en janvier, royaliste en février et bayrouiste en mars. En avril ne pas se dévouvrir d’un fil.  smiley


    • (---.---.138.115) 29 mars 2007 20:43

      « Vieux jaloux ! »

      C’est le problème des vieilles tantes, avec l’âge ça devient aigri ... smiley


    • seb59 (---.---.180.194) 30 mars 2007 09:12

      @ Mr Roussot

      LOL smiley Bien joué Thomas !

      Ca c’est une fessée ! Pas vrai Demian ?


    • nalai (---.---.135.160) 31 mars 2007 12:03

      Dis donc cela devient une tribune pour crépagge de chognons, avec insultes au passage ( veilles tantes)...

      Nous y voilà, à ras les paquerettes, attention de ne pas mordre la poussières à force de se rapprocher du sol...

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