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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « La piscine » de Jacques Deray : une plongée dans une eau savoureusement (...)

« La piscine » de Jacques Deray : une plongée dans une eau savoureusement trouble et incandescente

A l’occasion de l’hommage que le Festival Paris Cinéma rend à Jean-Claude Carrière sera projetée "La piscine" de Jacques Deray ,au cinéma Le Champo à Paris. L’occasion pour moi de vous parler de ce classique du septième art...

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piscine dvd.jpgComme je vous le disais hier, faute de choix de films intéressants à l’affiche actuellement, je vous propose de profiter du Festival Paris Cinéma dans le cadre duquel sera notamment projetée « La piscine » de Jacques Deray, à l’occasion de l’hommage que le festival rend à Jean-Claude Carrière qui en est le coscénariste. Si vous n’êtes pas à Paris vous pouvez également trouver ce film en DVD.

Ce film date de 1968, c’est déjà tout un programme. Il réunit Maurice Ronet, Alain Delon, Romy Schneider, Jane Birkin dans un huis-clos sensuel et palpitant, ce quatuor est déjà une belle promesse.

Marianne (Romy Schneider) et Jean-Paul (Alain Delon) passent en effet des vacances en amoureux dans la magnifique villa qui leur a été prêtée sur les hauteurs de Saint-Tropez. L’harmonie est rompue lorsqu’arrive Harry (Maurice Ronet), ami de Jean-Paul et de Marianne chez lequel ils se sont d’ailleurs rencontrés, cette dernière entretenant le trouble sur la nature de ses relations passées avec Harry. Il arrive accompagné de sa fille de 18 ans, la gracile et nonchalante Pénélope (Jane Birkin).

« La piscine » fait partie de ces films que l’on peut revoir un nombre incalculable de fois (du moins que je peux revoir un nombre incalculable de fois) avec le même plaisir pour de nombreuses raisons mais surtout pour son caractère intelligemment elliptique et son exceptionnelle distribution et direction d’acteurs.

Dès les premières secondes la sensualité trouble et la beauté magnétique qui émane du couple formé par Romy Schneider et Alain Delon, la langueur que chaque plan exhale plonge le spectateur dans une atmosphère particulière, captivante. La tension monte avec l’arrivée d’Harry et de sa fille, menaces insidieuses dans le ciel imperturbablement bleu de Saint-Tropez. Le malaise est palpable entre Jean-Paul et Harry qui rabaisse sans cesse le premier, par une parole cinglante ou un geste méprisant, s’impose comme si tout et tout le monde lui appartenait, comme si rien ni personne ne lui résistait.

Pour tromper le langoureux ennui de l’été, un jeu périlleusement jubilatoire de désirs et de jalousies va alors commencer, entretenu par chacun des personnages, au péril du fragile équilibre de cet été en apparence si parfait et de leur propre fragile équilibre, surtout celui de Jean-Paul, interprété par Alain Delon qui, comme rarement, incarne un personnage vulnérable à la sensualité non moins troublante. L’ambiguïté est distillée par touches subtiles : un regard fuyant ou trop insistant, une posture enjôleuse, une main effleurée, une allusion assassine. Tout semble pouvoir basculer dans le drame d’un instant à l’autre. La menace plane. L’atmosphère devient de plus en plus suffocante.

Dès le début tout tourne autour de la piscine : cette eau bleutée trompeusement limpide et cristalline autour de laquelle ils s’effleurent, se défient, s’ignorent, s’esquivent, se séduisent autour de laquelle la caméra virevolte, enserre, comme une menace constante, inéluctable, attirante et périlleuse comme les relations qui unissent ces 4 personnages. Harry alimente constamment la jalousie et la susceptibilité de Jean-Paul par son arrogance, par des allusions à sa relation passée avec Marianne que cette dernière a pourtant toujours niée devant Jean-Paul. Penelope va alors devenir l’instrument innocent de ce désir vengeur et ambigu puisqu’on ne sait jamais vraiment si Jean-Paul la désire réellement, s’il désire atteindre Harry par son biais, s’il désire attiser la jalousie de Marianne, probablement un peu tout à la fois, et probablement aussi se raccrochent-ils l’un à l’autre, victimes de l’arrogance, la misanthropie masquée et de la désinvolture de Harry. C’est d’ailleurs là que réside tout l’intérêt du film : tout insinuer et ne jamais rien proclamer, démontrer. Un dialogue en apparence anodin autour de la cuisine asiatique et de la cuisson du riz alors que Jean-Paul et Penelope reviennent d’un bain nocturne ne laissant guère planer de doutes sur la nature de ce bain, Penelope (dé)vêtue de la veste de Jean-Paul dans laquelle elle l’admirait de dos, enlacer Marianne, quelques jours auparavant, est particulièrement symptomatique de cet aspect du film, cette façon d’insinuer, cette sensualité trouble et troublante, ce jeu qui les dépasse. Cette scène entremêle savoureusement désirs et haines latents. Les regards de chacun : respectivement frondeurs, évasifs, provocants, dignes, déroutés… font que l’attention du spectateur est suspendue à chaque geste, chaque ton, chaque froncement de sourcil, accroissant l’impression de malaise et de fatalité inévitable.

Aucun des 4 personnages n’est délaissé, la richesse de leurs psychologies, de la direction d’acteurs font que chacune de leurs notes est indispensable à la partition. La musique discrète et subtile de Michel Legrand renforce encore cette atmosphère trouble. Chacun des 4 acteurs est parfait dans son rôle : Delon dans celui de l’amoureux jaloux, fragile, hanté par de vieux démons, d’une sensualité à fleur de peau, mal dans sa peau même, Romy Schneider dans celui de la femme sublime séductrice dévouée, forte, provocante et maternelle, Jane Birkin dont c’est le premier film français dans celui de la fausse ingénue et Maurice Ronet dans celui de l’ « ami » séduisant et détestable, transpirant de suffisance et d’arrogance…et la piscine, incandescente à souhait, véritable « acteur ». Je ne vous en dirai pas plus pour ne pas lever le voile sur les mystères qui entourent ce film et son dénouement.

Deray retrouvera ensuite Delon à 8 reprises notamment dans « Borsalino », « Flic story », « Trois hommes à abattre »… mais « La piscine » reste un film à part dans la carrière du réalisateur qui mettra en scène surtout un cinéma de genre.

Neuf ans après « Plein soleil » de René Clément (que je vous recommande également), la piscine réunit donc de nouveau Ronet et Delon, les similitudes entres les personnages de ces deux films sont d’ailleurs nombreuses et le duel fonctionne de nouveau à merveille.

Un chef d’œuvre dont le « Swimming pool » de François Ozon apparaît comme une copie détournée, certes réussie mais moins que l’original. En lisant récemment « UV » de Serge Joncour je me dis que cette piscine-là n’a pas fini d’inspirer écrivains, scénaristes et réalisateurs mais qu’aucune encore n’a réussi à susciter la même incandescence trouble.

Un film sensuel porté par des acteurs magistraux, aussi fascinants que cette eau bleutée fatale, un film qui se termine par une des plus belles preuves d’amour que le cinéma ait inventé. A voir et à revoir. Plongez dans les eaux troubles de cette « piscine » sans attendre une seconde ! La période estivale est le moment rêvé…à vos risques et périls.

Heures et lieux de projection de « La piscine » de Jacques Deray à Paris Cinéma, au cinéma Le Champo dans le 5ème : le 2 juillet à 16H, le 5 à 18H, le 9 à 16H30, le 10 à 20H, le 12 à 20H.

Cet article est extrait du blog "In the mood for cinema" : http://www.inthemoodforcinema.com

Sandra.M


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8 réactions à cet article    


  • del Toro Kabyle d’Espagne 5 juillet 2008 12:33

    Coïncidence : j’ai revu ce film voilà trois jours. Et je continue avec une rétrospective éclectique que je recompose moi-même.
    (je n’aime pas du tout Delon)
    Merci encore !


    • Bof 5 juillet 2008 14:50

      Vous écrivez : "surtout celui de Jean-Paul, interprété par Alain Delon qui, comme rarement, incarne un personnage vulnérable à la sensualité non moins troublante."...et bien, je ne le vois pas du tout comme cela. A moins que je ne confonde deux films, très possible...pour moi, la piscine est le film qui m’indique (si c’est bien lui, j’en étais certain avant de vous lire) la manière excécrable dont nous sommes gérés par nos technocrates. J’y retrouve actuellement un passage de ce film (ou d’un proche en date de parution) où Delon conseille son Oncle chef de mafia : """il faut savoir leur donner (un peu) pour conserve (tout)"""...du style : ’ " tout pour moi, rien pour les autres " ’ si cher à nos bureaucrates . Je suis donc bien loin de votre personnage vulnérable ! c’est la raison qui me fait dire que ...je parle peut-être d’un autre film de Delon mais ces paroles me sont revenues il y a environ cinq ans (date où j’ai compris que la France avait été pillées par nos technocrates avec le jugement qui nous a appris que les entreprises nationalisées étaient égarées) et elles ne me quittent plus et jusqu’à cet instant précis j’étais certain que je les avais entendues dans la ’piscine’.


      • rocla (haddock) rocla (haddock) 5 juillet 2008 14:54

        Sandra vous inquiètez pas , y en a ils regardent pas un film , ils projettent leur vie ratée sur l’ écran noir de leurs nuits blanches ....


        • Sandra.M Sandra.M 5 juillet 2008 15:12

          Bonjour,
          Je vous remercie de ce commentaire et d’avoir répondu à ma place à ce précédent commentaire affligeant qui n’a strictement aucun rapport avec le film en question. Il n’y a rien d’autre à ajouter !


        • Bof 7 juillet 2008 09:46

          Bonjour Madame,
           Je me permets ...tout doucement...de venir vous dire que lorsque l’on regarde un film, il y a des décors . Ces décors comptent pour l’ambiance, pour nous plonger dans une ambiance ...ici, celle de 1968 avec les défauts de notre société qui est alors l’étalement des profits et des richesses acquises de façon peu légales et ...une piscine dans un propriété fait penser à cela. On en déduit donc que lorsqu’on se prélasse dans ’ "’ ses émotions , ses désirs et même son affectivité’" ’ comme le film l’indique si bien , on reste dans cette indication. Un peu comme nous l’a si cruellement indiqué "’ Sissi"’ avec comme fin à ses déboires , la seconde guerre mondiale. Le monde semble ainsi fait...il refuse les désirs personnels, l’étalement de ses émotions et de son affectivité qui sont classés dans le bas-mental....qu’y puis-je ? Le film a très bien indiqué ceci MAIS, ...s’il n’y a pas de conclusion à un tel chef d’oeurvre ...à quoi servent des acteurs comme Monsieur Delon ?

           Voici une réponse à un reproche de Monsieur Moore dans un article d’agoravox : Michael Moore ,gros monteur
          Réponse de Michael Moore : « C’est un reproche ridicule : je fais du cinéma, et tout est subjectif en art.>>

           ET l’art véritable doit bien servir l’Humanité je trouve..


        • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 5 juillet 2008 15:18

          Oui, un film excellent que l’on revoit avec plaisir et où la piscine, actrice à part entière, est le théâtre de l’amour et de la mort. Si tous les acteurs sont formidables, il faut tout de même accorder une mention spéciale à Maurice Ronet - encore un acteur disparu trop tôt - dans le rôle d’Harry qui confère à l’histoire sa vraisemblance et son intensité face à un Delon soudain vulnérable. C’est également grâce à ce long métrage si réussi que Romy amorçait la seconde partie ( brillantissime ) de sa carrière.


          • Sandra.M Sandra.M 5 juillet 2008 15:28

            C’est vrai que Maurice Ronet était un formidable acteur qui aurait certainement fait une magnifique carrière s’il avait vécu plus longtemps. Je l’aime aussi beaucoup dans "Plein soleil". Vous avez raison : j’ai oublié de parler de l’influence que ce film a eu sur le "redémarrage" de la carrière de Romy Schneider, et sa deuxième partie effectivement brillantissime.


          • sisyphe sisyphe 5 juillet 2008 17:02

            Si je puis me permettre de doucher un peu l’enthousiasme...

            Un film, certes, avec de très bons acteurs, et Carrière est un excellent scénariste, mais que, pour ma part, j’ai toujours considéré comme très médiocre, réalisé par un tacheron, et très, très, très loin d’un film un peu similaire duquel il semble d’ailleurs inspiré :
            "Plein soleil" d’un vrai réalisateur celui là (Réné Clement)...

            Désolé ; ce n’est que mon avis, mais je le partage...

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