Retour sur Annie Girardot (1931-2011)

Alors que c’est aujourd’hui, vendredi 4 mars 2011, qu’est inhumée au Père Lachaise à Paris l’actrice décédée le 28 février dernier à l’âge de 79 ans, profitons-en pour revenir sur le parcours artistique d’Annie Girardot et sur sa vie de femme. De «
Si l’on devait jouer au filmologue patenté, genre bouche pincée pour se protéger derrière le bon goût du snobisme, il serait de bon ton de ne retenir d’elle que ses apparitions à l’écran chez des auteurs prestigieux (Visconti, Ferreri, Comencini, Cournot, Blier, Haneke) mais ce ne serait pas tellement lui rendre justice. Car, pour être fidèle à son image d’« actrice populaire », on ne peut passer sous silence son évolution, avec des hauts et des bas, dans le cinéma commercial. Dans cette veine-là, n’en déplaise aux ayatollahs de l’intégrisme cinéphilique, il arrive que de bonnes choses s’y passent ; de même, qu’a contrario, le cinéma dit d’auteur n’est pas toujours à la hauteur, loin s’en faut, des promesses de son appellation. Alors c’est vrai, Annie Girardot n’a pas joué que dans des chefs-d’œuvre, elle a même à son actif un certain nombre de films médiocres, voire de nanars, mais elle avait pour elle, comme un Bébel ou une Romy Schneider, un fort capital sympathie auprès du public. Bref, c’était une nature ; Jean Cocteau ne s’y était d’ailleurs pas trompé lorsqu’il avait dit d’elle à la fin de la générale de sa Machine à écrire : « Tu as le plus beau tempérament dramatique de l’après-guerre ! »
Annie Girardot a été tour à tour une jeune femme séductrice, une Madame Tout-le-Monde et une femme de tête, à poigne, ne se laissant pas dicter sa conduite par les hommes ou par la bonne morale sociétale. Il faut se rappeler d’un temps, celui des années 70, où l’on allait au cinéma pour voir «
Nous, de toute évidence, on ne l’oubliera pas pour certains rôles marquants. Il faut revoir Annie Girardot, belle et séductrice, dans l’admirable Rocco et ses frères (1960, Luchino Visconti). Depuis un certain temps, on gardait d’elle l’image d’une vieille femme au visage abîmé et flétri par la vie mais il faut vraiment la revoir frémissante de vie, de désir et de fraîcheur dans ce mélodrame poignant. En quelque sorte, elle a eu la trajectoire physique d’une Simone Signoret : avec le temps, un aspect râpeux a succédé à la beauté de sa jeunesse. Rocco et ses frères, film charnière pour Visconti entre le néoréalisme de ses débuts et le pessimisme dostoïevskien du Guépard, montre une Nadia (A. Girardot), prostituée de son état, qui doit subir, dans une société créée par les hommes, la trajectoire égoïste de destins masculins menant jusqu’à la désintégration inéluctable d’une famille pauvre de l’Italie du Sud. Elle y joue une femme sacrificielle, se résignant à subir son sort, histoire de répondre aux diktats de la tradition familiale, consistant notamment à respecter le frère aîné, quoiqu’il arrive. Ballottée entre Simone (Renato Salvatori) et Rocco (Alain Delon), Annie Girardot est inoubliable dans la scène où, face à un Simone désespéré, elle se met en croix pour se laisser poignarder : « (…) quand Simone s’avance pour la poignarder, c’est un geste de résignation, de quelqu’un qui a compris que de toute façon il ne s’en sortira plus, que c’est là sa route. Et en fait c’est sa fin. Elle ne se rebelle pas devant le meurtre, le geste de Simone, au contraire elle s’offre comme une sorte de Carmen, en un sens. Simone a été sa vie, mais sera aussi sa mort. » (Visconti, in Luchino Visconti cinéaste, par A. Sanzio et P-L. Thirard, éd. Persona, 1984). On n’oubliera pas non plus Girardot dans un autre film d’auteur,
Enfin, Annie Girardot n’était pas seulement à l’aise dans le drame, mais également dans la bouffonnerie. Et c’était aussi pour ça qu’on l’aimait : pour son abattage et sa gouaille. Pour preuve, parmi moult prestations comiques, dans
Photo 1 de l’auteur (polaroid ©, portrait d'Annie Girardot, Paris, 2003).
Rocco et ses frères, Annie Girardot (Nadia) - L. Visconti - extrait par AgoraVoxFrance
Les Misérables, Annie Girardot (bande annonce) - Claude Lelouch par AgoraVoxFrance
Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais elle cause... , Annie Girardot - bande annonce - Michel Audiard par AgoraVoxFrance
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