Rosinski au sommet de son art
Et voilà, une page se tourne. Thorgal raccroche son arc et prend une retraite bien méritée, retraite qu’on lui souhaite douce et paisible, auprès de ceux qu’il aime et pour lesquels il a tant lutté... Une page se tourne et ce dernier album ne peut se lire sans un petit pincement au cœur...
Thorgal est né il y a près d’un quart de siècle de deux jeunes et talentueux auteurs, Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski, qui sont depuis devenus des monuments de la BD... Il vit avec cet album empli nostalgie sa toute dernière aventure... La série, superbe à plus d’un titre, ne serait-ce que par le dessin magnifique de Grzegorz Rosinski, a connu des hauts et des bas... Culminant avec l’incontournable Cycle de Qâ, elle a connu un passage à vide avant de redémarrer avec le terrible Shaïgan-sans-Merci... Peut-être aurait-il été dramatiquement intéressant de le laisser mourir à la fin du Barbare mais il doit être difficile pour les auteurs, et peut-être aussi pour les lecteurs, de faire mourir cet enfant des étoiles qui fait partie de ces héros de papier emblématiques...
Ce dernier opus, avant de découvrir la suite qui nous contera les aventures de Jolan, fils aîné de Thorgal et Aaricia, est de toute beauté... Rosinski a ici travaillé ses planches en couleur directe, comme il le fit pour la superbe Vengeance du comte Skarbek scénarisée par Yves Sente qui reprendra la suite de la série... Le résultat est superbe, dépassant toutes les attentes... Sans doute ce 29e tome est-il le plus beau de la série, par cette mise en couleur magistrale, rehaussant un dessin qui sert impeccablement la narration. Du côté du scénario, ce n’est certes pas le plus marquant de la série, il remplit néanmoins parfaitement son rôle de lien entre le passé et l’avenir... Il remet en scène des personnages et des lieux rencontrés dans les précédents albums et met en avant le personnage de Jolan qui reprendra le flambeau laissé par un Thorgal vieillissant n’aspirant qu’à une vie paisible. En cela, il est véritablement un album de transition, une manière pour le lecteur de saluer ce héros qui l’a accompagné durant tant des lustres... Une façon aussi pour Jean Van Hamme de tirer sa révérence avant le tomber du rideau. Comme a pu le dire Gustave Flaubert à propos d’Emma Bovary, le scénariste a mis beaucoup de lui-même dans ce personnage imaginaire et ce n’est pas sans tristesse qu’il l’abandonne à d’autres mains...
A noter à ce propos la très séduisante idée de l’éditeur de sortir l’album dans une seconde version (« quand le scénario et le graphisme se font face ») offrant le découpage en vis-à-vis de chaque planche, précisant les intentions de l’auteur et lui donnant, tant dans une préface touchante et émouvante que dans le découpage lui même, l’occasion de dire au revoir à Thorgal... La dernière case de l’album est en cela très touchante... On devine que derrière les traits de Thorgal, c’est Jean Van Hamme lui-même qui regarde sa progéniture aller vers un autre destin qui l’entraînera loin de lui... Mais n’est ce pas le lot de tous les pères que de voir leurs enfants leur échapper !
Un album touchant et émouvant graphiquement magnifique qui clôt une série incontournable du neuvième art...
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