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« Souvenir » de Im Kwon-Taek

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La barre du 10e Festival du film asiatique de Deauville avait été placée très haut cette année avec pour film d’ouverture Beyong the Years devenu en français Souvenir du cinéaste coréen Im Kwon-taek, auquel un hommage avait été rendu en sa présence. Après la remise de la médaille de la ville et une brève allocution de la part du cinéaste honoré, les lumières s’étaient éteintes pour laisser place à la projection d’une oeuvre enthousiasmante pour sa beauté et sa poésie.

A partir d’un récit simple et douloureux d’une quête de l’art à son plus haut degré de perfection et de l’amour dans son accomplissement le plus pur, le cinéaste propose un véritable poème, un chant d’une tristesse magnifique. Ce long métrage, qui date déjà deux ans, relate l’existence d’une chanteuse et d’un musicien de pansori, le chant traditionnel coréen dont les percussions s’élèvent jusqu’à l’épuisement et que l’auteur avait déjà abordé dans deux opus précédents : La chanteuse de pansori (1993) et Le chant de la fidèle Chunhyang (2000).


 

L’histoire est la suivante : un maître du chant traditionnel, qui n’est pas parvenu à faire carrière, enseigne à son beau-fils et à sa fille adoptive les arcanes du pansori, mais ses méthodes sont si dures, ses exigences si grandes, que le jeune Dong-Ho finit par s’enfuir, laissant seule avec le vieil homme celle qu’il considère comme sa soeur et aime en secret, la douce Song-Hwa. Le départ du jeune homme plonge la jeune fille dans une immense douleur, au point qu’elle perd peu à peu la vue... son mentor va alors lui appliquer un traitement à base de plantes, mais ajoutera, à la potion recommandée par l’herboriste, une autre plante qui accélère l’évolution du mal. Pourquoi a-t-il agi ainsi, alors que la jeune fille est la source de tous ses espoirs ? Est-ce afin de la garder auprès de lui ou bien parce que, comme il aime à le dire, les sommets de l’art ne peuvent s’atteindre qu’aux prix de grandes souffrances ? Nous ne le saurons jamais vraiment. Toujours est-il que Dong-Ho, longtemps après sa fugue, revient dans une auberge où, autrefois, le vieil homme et ses jeunes élèves aimaient à se rendre, tant le paysage était d’une splendeur admirable, au bord d’un lac entouré de montagnes et survolé par des grues cendrées au vol majestueux. Il s’installait alors avec les enfants et ils chantaient ensemble la beauté de la nature, rendant grâce à l’art et à la beauté. Mais lorsque Dong-Ho se retrouve des années plus tard sur les lieux, sa nostalgie est plus grande encore, car plus rien n’est semblable. Le lac a été asséché par une digue, les arbres ont disparu, ainsi que les grues cendrées. C’est ainsi, en présence de l’aubergiste, qu’il va nous révéler les tranches de sa vie et de celle de Song-Hwa, qu’il s’efforce de retrouver. Cela se fera grâce à une succession de rencontres qui nous permettront de suivre les destins parallèles de deux êtres qui n’ont point cessé de s’aimer et ne parviendront à s’atteindre que dans la musique. Pour elle, Dong-Ho fera construire une maison où chaque détail a été pensé pour faciliter son existence d’aveugle, mais Song-Hwa ne pourra jamais y demeurer, minée par la tuberculose. Le film s’achève sur une image apaisée : celle puissante du souvenir qui, en nous permettant de remonter le temps, rend à Dong-Ho, désormais seul, la plénitude de son art et de son amour. Ainsi la narration se construit-elle sur des strates temporelles qui soudent au tissage du temps cette recherche désespérée et profondément bouleversante d’une unité à jamais perdue. Servi par des acteurs émouvants et, en particulier par une jeune chanteuse d’une grâce merveilleuse dans ses habits traditionnels, la ravissante et délicate Jung-Hae Oh, de même que par des paysages d’une splendeur stupéfiante, ce film lent (certains le lui reprocheront sans doute) est une méditation profonde sur la quête d’un absolu qui reste à jamais une aspiration et une inspiration. Nous plongeons, avec ce centième opus de l’auteur, au coeur d’une oeuvre brodée à petits points par un cinéaste que n’ont pas épargné les épreuves de la guerre et qui sera, dès lors, en continuelle recherche d’un idéal à proposer, celui d’un présent qui accepterait d’être revisité par le passé, pour la simple raison que ce dernier porte en lui une leçon d’exigence et de sagesse ; oui, quelqu’un de profondément attaché à sa nation et dont la passion pour la civilisation de sa Corée natale sert de toile de fond à la plupart de ses oeuvres. Avec ce film admirable, Im Kwon-Taek a peut-être écrit son ultime chef-d’oeuvre. A ne pas manquer.


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1 réactions à cet article    


  • maggie maggie 26 juillet 2008 10:28

    Article intéressant. Je n’avais pas vu "Ivre de femmes et de peinture" je vais peut-être m’y mettre.

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