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Surfons la vie pour sur-vivre à la complexité du monde et à son accélération !

Dans Surfer la vie. Comment sur-vivre dans la société fluide, son dernier livre qui vient de paraître aux Editions Les Liens qui libèrent, Joël de Rosnay nous invite à penser le monde de demain à travers la métaphore féconde du surf, ce sport dont il est un des pionniers en France et qu'il pratique toujours avec passion, dès qu'il en a l'occasion. On oublie en effet parfois que ce biologiste de formation, prospectiviste, écrivain, conseiller de la présidente d’Universcience, ancien chercheur-enseignant au MIT et ancien directeur des applications de la Recherche à l’institut Pasteur, élu « personnalité de l’Economie numérique 2012  » par l’ACSEL « pour son implication dans le numérique en France », est un « Tonton surfeur » ; c’est ainsi qu’on appelle les pionniers du surf à Biarritz, qui ont « importé » cette pratique sur la côte basque en 1957-1958.

Face à un monde en perpétuelle mutation, et par là même angoissant, Joël de Rosnay déroule l’image du surf comme vision d’un monde délinéarisé, et remet en cause les schémas des anciens comme Pythagore, Copernic et autres Newton… Car si, comme le montrent les dernières découvertes de la science neuronale, le cerveau est un "réseau fluide" qui se reconfigure en permanence au gré de ses relations avec son environnement interne et externe, pourquoi notre société ne fonctionnerait-elle pas de la même manière ? Il s'agit donc d'envisager la société et la vie, sous leurs différents aspects, à partir de ces nouvelles données.

Energie : vers une révolution démocratique majeure

L'un des aspects les plus intéressants de ce livre concerne ce que son auteur appelle la "démocratie énergétique". Après l’auto-mobilité, avec l’automobile qui nous a libérés des contraintes de temps et d’espace, puis l’info-mobilité qui a permis la circulation et le partage d’information grâce aux smartphones et au web 2.0 en nous libérant peu à peu des lobbies de diffusion de l’information, une troisième révolution se prépare : celle de l’éco-mobilité pour nous libérer des lobbies du pétrole et du nucléaire.

Joël de Rosnay estime que la fusion du numérique et de l’énergétique sera plus importante encore que la révolution de l’internet. Le mariage de l’énergétique et du numérique sera bientôt possible grâce au protocole mondial CPL-G3, qui transitera par les réseaux actuels de distribution d’électricité pour construire un réseau intelligent, une « smart grid ». Cette « grille intelligente » sera capable de s’adapter à l’offre, à la demande, au jour, à la nuit, à l’été, à l’hiver. Il sera alors possible de combiner différentes énergies (renouvelables et classiques) dans un « mix énergétique » connecté à cette grille. Grâce à cette « démocratie énergétique », les gens pourront choisir un type de consommation d’énergie (qu’ils produiront eux-mêmes ou achèteront en partie) et ainsi devenir co-responsables de la production énergétique, c’est-à-dire de leur futur. Cette révolution démocratique importante permettra, selon le scientifique, d’échapper progressivement aux grands monopoles.

Des rapports de force aux rapports de flux

Il serait trop long de passer ici en revue tous les aspects de l'ouvrage. Contentons-nous de dire qu'il peut se découper en trois grandes parties. La première porte sur la "société fluide", c'est-à-dire la fin d'une vision pyramidale, à la fois politique, industrielle, sociétale, du management et du pouvoir, vers un pouvoir transversal, plus partagé et doux. Joël de Rosnay se dit persuadé que la génération des surfeurs du Net, la NetGen, va nous obliger à sortir du pouvoir pyramidal et rigide des sociétés anciennes pour évoluer vers une société qui donnera davantage de place à l’altruisme intéressé ou « altruisme réciproque ». Une expression paradoxale au premier abord, qui rejoint en fait le concept de win-win (gagnant/gagnant) et de la coopétition.

La deuxième partie du livre montre que les "rapports de force" et les "rapports de flux" sont en train de changer l'un par rapport à l'autre : nos sociétés se sont en effet construites sur des rapports de force (militaires, politiques, syndicaux...), et nous voyons aujourd'hui apparaître une forme de rapports de flux, qui est la capacité de s'adapter à des changements continus, de se réguler en temps réel. Le prospectiviste évoque la complémentarité et aussi l’opposition entre les rapports de force et les rapports de flux. La métaphore du surf se prête bien à sa démonstration puisque ce sport se fonde sur des rapports de flux : le flux de la vague qui avance, le flux du surfeur qui avance sur la vague… Les rapports de force incarnent l’affrontement, dont il est impossible de sortir autrement que par une discontinuité, une escalade. Les rapports de flux, en revanche, sont continus. La « société fluide », à laquelle Joël de Rosnay aspire, repose sur ces rapports de flux qui peuvent être des rapports d’information, de culture, de savoir, d’amour, d’empathie, de solidarité, de générosité, d’échange…

Les sept clés de la sagesse

Le troisième aspect du livre, enfin, nous montre comment cette métaphore du surf - dans la fluidité, l'aléatoire et le discontinu - peut nous permettre de construire ensemble des valeurs pour affronter le futur, dans une société plus harmonieuse, plus responsable et plus éthique. Joël de Rosnay célèbre ainsi sept grandes valeurs qui lui tiennent à coeur, ses « sept clés de la sagesse » : l’empathie, l’altruisme, le respect de l’autre, le respect de la diversité, la responsabilité, l’amour fraternel et la spiritualité laïque. Et il convoque, pour en saisir toute la portée, de grandes figures intellectuelles qui les ont étudiées : Edgar Morin et la pensée complexe, Michel Serres et la génération des « mutants », Michel Foucault et les stratégies de pouvoir, André Comte-Sponville, le bonheur et la spiritualité « athée », Patrick Viveret et la question du vivre ensemble, Franz de Waals et l’empathie, Robert Axelrod et l’altruisme réciproque ou Luc Ferry, la fraternité et la « spiritualité laïque ».

Surfer la vie se veut un livre de sagesse devant la vie, où l'auteur a souhaité exprimer ce qu'en allemand on appelle sa « weltanschauung  », c'est-à-dire sa conception du monde selon sa sensibilité. Chez Joël de Rosnay, celle-ci englobe la théorie du chaos, la science avec les nouvelles découvertes sur le cerveau, la génétique (notamment l’épigénétique) ou la biologie de synthèse, autant de sujets qu'il a déjà traités beaucoup plus en détail dans ses précédents ouvrages. Dans ce dernier livre à consonance philosophique, son idée est d’essayer de répondre à la question : quel sens donnez-vous à votre vie ? Surfer la vie, en substance, c’est s’adapter en temps réel, au discontinu, aux difficultés, à l’imprévu dans les relations avec les autres. Transposer les valeurs du surf dans la conduite de sa vie, c’est profiter de l’instant, être à l’écoute de son environnement, de ses réseaux, évaluer en temps réel les résultats de son action, conserver son équilibre, rester en alerte, prendre du plaisir, faire preuve de solidarité.

Un manifeste optimiste

Surfer la vie peut s'appréhender comme un manifeste pour une société plus solidaire, plus coopérative, plus humaine, via lequel Joël de Rosnay nous lance un grand « viva » :

  • Vive le « Et » qui partage contre le « ou » qui oppose.
  • Vive l’éco mobilité, la démocratie énergétique, la décentralisation du pouvoir, le management transversal, la critique constructive de l’autorité.
  • Vive la Génération Y. Génération têtes vides ? Peut-être mais vides de ce qui encombrent celles de leurs ainés. Alors vive la coéducation, la transmission senior – juniors.
  • Vive les nouvelles industries, l’économie de la récupération, les réseaux auto organisés, les communautés citoyennes, les réseaux intelligents de transport d’énergie, l’innovation, les réseaux sociaux…
  • Vive la complexité de notre environnement. Admettons d’être dépassé et ne cherchons pas à simplifier tout à l’extrême.
  • Vive l’utopie. Nous pouvons en conscience tenter de faire de notre vie une œuvre d’art plutôt qu’une copie de la vie de quelqu’un d’autre.
  • Vive l’économie du don et du partage. Pour lui, donner et partager est un moyen puissant pour éviter l’angoisse de la mort.
  • Vive la prise de recul et la connaissance de soi pour comprendre ce qu’il appelle « le flux empathique ». L’empathie comme base essentielle pour coopérer. Coopérer comme ferment de la civilisation de demain.

Surfons la vie pour sur-vivre à la complexité du monde et à son accélération, tel est son message !

Pour aller plus loin, on peut visiter également le blog du livre ou sa page Facebook (une signature du livre est même prévue ce soir pour les parisiens qui souhaitent rencontrer Joël de Rosnay même si, hélas pour moi, je ne pourrai pas m'y rendre !).


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7 réactions à cet article    


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 22 mai 2012 14:09

    Bonjour,

    « la génération des surfeurs du Net va nous obliger à sortir du pouvoir pyramidal » en effet, pas de stars sur le net, juste des quantités de fabricants de contenus créant un sillage dans lequel s’insinuent ou s’incrustent quelques autres surfeurs adeptes du remous pour flotter ou soulever des embruns.
    Démocratie énergétique, énergéthique, et pourquoi pas démocratie numérique, liée au tirage au sort développé par Étienne Chouard et véhiculée par le net en temps réel. Obligeons nous à soumettre le net sécurisé, actuellement au profit de la finance, au service de la démocratie avant que le pouvoir pyramidal ne nous écrase sous la vague scélérate.


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 22 mai 2012 16:52

      Question modele de vie et surf : Laird Hamilton .


      • herbe herbe 22 mai 2012 21:10

        On peut l’écouter dans une (fort intéressante) émission de « place de la toile » :


        • Isdomir Isdomir 22 mai 2012 23:16
           
          Effectivement, l’émission est très intéressante. Merci d’avoir donné le lien.
           

        • herbe herbe 23 mai 2012 18:29

          De rien !

          intéressant aussi un apport d’un autre amateur de surf, philosophe, qui a lui aussi produit une oeuvre sur le sujet :

        • herbe herbe 23 mai 2012 18:30

          le commentaire suivant d’Axel (merci !) traite lui aussi de l’apport de ce penseur, je viens de le lire et de constater...


        • Axel Axel 23 mai 2012 10:17

          Bonjour,

          En matière de Surf, tout à rebours de ce manifeste optimiste et histoire de titiller les vendeurs de ‘sagesses’ là où cela fait mal, je conseille lecture de la « Petite philosophie du Surf » de Frédéric Schiffter.

          http://lephilosophesansqualits.blogspot.com/
          http://www.lexpress.fr/culture/livre/petite-philosophie-du-surf_810187.html

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