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Virée chez les Yéniches

«  Mange tes morts, tu ne diras point ! » de Jean-Charles Hue

Si loin du but …

J'ai eu le privilège d'assister à une projection en avant-première du film : « Mange tes morts, tu ne diras point ! » de Jean-Charles Hue en compagnie du réalisateur. Ce film a été tourné et partiellement écrit par des acteurs amateurs, membres de la communauté des gens du voyage. Il est d'une rare précision, de celle que l'on peut qualifier de chirurgicale tant il tient lieu de documentaire.

J'avoue mon malaise lors de la projection. Si le film est sous-titré c'est parce que le langage des Yéniches exige souvent quelques éclairages. Ils ont un argot spécifique à leur communauté et surtout une manière bien à eux de débiter des tirades sans articuler. Ce torrent verbal est aussi chargé de jurons et de grossièretés, d'expressions-rengaines dont le redoutable « Tes morts ! » qui agrémente chaque réplique en guise de ponctuation délicate.

Pour moi, c'est là que réside la souffrance que j'ai éprouvée à suivre ce documentaire exceptionnel de précision et de vérité mais insupportable pour l'amoureux de la langue. J'avais mal pour ces gens au langage si sommaire, à la vulgarité si prégnante. Je n'y peux rien ; elle est profondément ancrée en moi cette aversion pour le langage excrémentiel et, par conséquent , ne me fait pas le meilleur juge qui soit de ce film.

Pourtant, je dois admettre que j'ai reconnu en ces personnages des élèves issus de cette communauté et dont le rapport si défectueux à l'expression orale m'a interpellé. C'est sans doute le sentiment d'échec qui ne manque jamais de se faire sentir avec eux, qui m'a ainsi sorti de cette histoire. J'avais mal pour ces personnages pour lesquels, si souvent, la prison est un passage normal dans leur parcours, un baptême respectable.

Alors, face à tous ces ressentiments, les explications du réalisateur après le film ne purent me convaincre, d'autant qu'il y avait un trop grand décalage entre l'épopée sauvage et meurtrière à laquelle nous avions assisté et les propos bienveillants d'un homme sincèrement admiratif de ces gens, pour que je puisse acquiescer à ses affirmations.

Non, son film n'est pas une plaidoirie pour les Yéniches, bien au contraire ; il met en avant la face obscure de leurs dérives. La rédemption par le baptême ne suffira pas à effacer les forfaits et les écarts, la folie et l'excès. Il ne faut certainement pas se tromper ainsi quand on aime tant des gens qui vivent depuis si longtemps en marge de notre société.

L'angélisme du réalisateur se fracasse contre la dureté impitoyable des images et de la bande-son. Le spectateur peut-il se prendre d'affection pour ces jeunes hommes à la dérive ? Je crois que la compassion serait le sentiment le plus approprié : sentiment qui ne donne jamais rien de bon dans la compréhension d'un groupe humain.

Reconnaissons pourtant le travail au scalpel de ce réalisateur brillant. Il a produit un grand film qui a justement mérité le Prix Jean Vigo à la « quinzaine des réalisateurs » à Cannes. Il n'est nullement question ici de remettre en question cette récompense parfaitement justifiée, ni cette œuvre qui emporte le spectateur à la manière des grands films américains.

Ceux qui veulent de l'émotion et du suspens, du spectacle et des surprises seront servis. Ceux qui veulent découvrir une société dont ils ignorent tout auront fait le plein de connaissances par la même occasion. Mais seront-ils pour autant convaincus de la bonté de ces gens, de leur authentique volonté de vivre en phase avec notre monde « gadjo » ? J'ai comme un doute.

La difficulté est grande de faire concorder ses intentions et son œuvre. Il y a bien souvent des zones de fracture entre ce que l'on espère et ce qui se passe réellement dans la tête du spectateur ou du lecteur. Jean-Charles Hue n'échappe pas à cela.

Mais au-delà de cette nuance, allez sans hésiter voir ce film qui sortira dans de nombreuses salles prochainement. C'est à vous de vous faire votre opinion, la mienne ne valant sans doute pas la peine que je me suis donnée à la coucher sur la papier. Accordez le bénéfice du doute à ce réalisateur parfaitement convaincu et si déterminé à soutenir la cause du peuple Yéniche !

Dépassez aussi vos réticences à la lecture de ce titre « Mange tes morts ! » qui apparaît en grosses lettres, alors que le sous-titre « Tu ne diras point » se fait tout petit et si discret en-dessous. Là encore, les intentions du réalisateur se heurtent aux exigences de la distribution et des soucis provocateurs. Et si l'incompréhension était le véritable sujet de ce film ? L'objectif serait alors remarquablement atteint.

Incommunicablement leur.


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17 réactions à cet article    


  • C'est Nabum C’est Nabum 17 septembre 2014 12:08

    Henri Canant


    La faim se justife car pour moi, le film est moyen

  • volpa volpa 17 septembre 2014 10:59

    Il y a aussi « mon pote le gitan » de Montand.

    Pour causer il faut les avoir pratiqués.

    Cessez de rêver !!!

    Allez demander à ceux qui nettoient derrière leur passage. Simplement çà.


    • C'est Nabum C’est Nabum 17 septembre 2014 13:28

      volpa


      Certains aspects déplaisent ... Et on ne peut les qualifier de culturel. Le film en fait parfois trop dans ce domaine. 

    • C'est Nabum C’est Nabum 17 septembre 2014 13:26

       joyeusetés


      Je ne juge pas cette communauté, je juge simplement les intentions d’un film qui ne les présente pas sous leur meilleur jour.

    • volpa volpa 17 septembre 2014 19:19

      Ah qu’il est beau cet adjectif « nauséabond » !.

      Rien d’autre pour argumenter ?.


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 septembre 2014 06:13

       joyeusetés


      Le langage est au cœur de ce film et des commentaires
      C’est normal

    • C'est Nabum C’est Nabum 18 septembre 2014 06:15

      Hervépasgrav


      Je sais celà pourtant c’est plus fort que moi, la vulgarité me repousse

      C’est justement son but et je laisse le grossier remporté er le débat sans lutter

    • C'est Nabum C’est Nabum 18 septembre 2014 21:44

      Hervépasgrav


      Oui, la vulgarité peut être un rempart ou bien une défense devant des souffrances extrêmes. Je n’en disconvient pas
      Elle provoque pourtant chez moi un rejet profond, un sentiment de malaise qui me faire fuir. Je n’y peux rien. Je ne juge pas, je ne supporte pas tout simplement

    • marmor 17 septembre 2014 21:47

      Ils ne souhaitent aucunement s’integrer, ils sont de passage. cette communauté a ses règles, ses codes et ses lois, auxquelles aucun membre ne déroge. par contre la solidarité et l’entraide est encore de mise chez eux, contrairement à notre monde « civilisé »... Mais qui ne connaît pas ne peut pas comprendre...
      Volpa, vous seriez surpris de la propreté de leur « camping », comprenez « caravane », vous mangeriez par terre, par contre, ils laissent leur merde après leur départ, aux gadje qui les traitent comme ce qu’ils laissent derriere eux... un voleur de poules ne peut pas passer près de chez vous sans vous faucher une volaille, vous ne comprendriez pas...


      • volpa volpa 17 septembre 2014 23:04

        @marmor

        Je ne veux pas raconter ma vie.

        Sur parole vous pouvez me croire que la solidarité chez eux n’est pas ce que vous imaginez.

        Faut faire attention aux clichés qui proviennent de la littérature.

        Si vous êtes curieux vous trouverez un reportage sur le net qui explique bien leurs parcours depuis l’Inde.

        Autre chose ; Un bobo vert du côté de Nantes qui était à fond pour eux à bien déchanté quand le hasard de la vie à fait qu’ils se sont retrouvés dans son quartier.


      • marmor 18 septembre 2014 19:40

        je ne parle ni de clichés de la litterature ni de lectures documentaires, mais de vécu



        • C'est Nabum C’est Nabum 18 septembre 2014 06:16

          brieli67


          Pourquoi faudrait-il avoir un avis éclairé ?

        • brieli67 18 septembre 2014 02:29

          NABUM


          AVANT DE CLAVIOTER

          on se documente


          une Mamsell --- institutrice d’Alsace Bossue sur la « Bohême » en Alsace 

          • brieli67 18 septembre 2014 03:57

            NABUM


            AVANT DE CLAVIOTER

            on se documente

            France et pays des Droits de l’Homme

            surtout des Zigginner« Alsaciens Lorrains en vadrouille

            Pontmain tu devrais connaître non ?


            un »client célèbre" --- futur Prix Nobel de la Paix
            En tant que citoyens allemands, les époux sont mis en résidence surveillée dès 1914 par l’armée française. Exténués par plus de quatre ans de travaux et par une sorte d’anémie tropicale, ils sont arrêtés en 1917, déportés et incarcérés comme prisonniers civils dans les Hautes-Pyrénées à Notre-Dame de Garaison, et par la suite à Saint-Rémy-de-Provence jusqu’en juillet 1918.


            • brieli67 18 septembre 2014 04:28

              document suisse à faire traduire et expliquer par ROCLA



              • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 21 septembre 2014 13:20

                Bonjour Nabum, Je viens de suggérer un nouvel article qui propose d’arrêter de penser qu’on « mangera un jour les morts » !

                « Manger les vivants » est du cannibalisme, « manger les morts »est sans doute une « idée » qu’on ne doit même pas avoir en tête !

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