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Coup de cœur

Les livres, c’est comme un panneau d’affichage des trains en instance dans une gare. Au hasard des lectures, les premiers partent ailleurs, sont remplacés par d’autres. Les conseils, les critiques, le hasard, la curiosité permettent ces arrivées qui provoquent des départs. On se rappelle d’eux, mais ils ne paraissent plus aussi essentiels. Certains tiennent le coup et entrent dans le souvenir au chapitre des trains de légende.

Mon dernier grand plaisir de lecture, je le dois à Antoine Bello. Dans une librairie, parmi les nouveautés Folio, un nom nouveau et un titre (Les Falsificateurs) qui promet un ouvrage sur la politique ou la finance. Assez pour piquer la curiosité. L’auteur est un Français, né et vivant aux États-Unis. Son style est agréable, vif, enjoué. Il n’applique pas les canons habituels des romans américains formatés aux ateliers d’écriture. Pas de remplissage, pas de bavardage, mais une idée originale qu’il exploite avec rigueur, humour et à l’aide d’une documentation solide où l’on retrouve l’influence yankee. Le jeune héros sort de l’université à la recherche de son premier emploi. Il intègre un cabinet qui se consacre aux études environnementales. C’est, en fait, une couverture pour une organisation internationale occulte : le CFR, dont l’activité est de modifier la réalité et d’être aussi une agence d’influence. Ce consortium de falsification du réel (d’où l’acronyme CFR), où il est embauché, reste mystérieux tout au long du livre - qui aura une suite. On suit les étapes de la formation du narrateur, sa progression dans la hiérarchie, ses aventures et mésaventures. Originalité, suspense et belle écriture au service d’une intrigue à rebondissements. L’ambiance est proche de celle d’un roman de Le Carré en moins elliptique. Les affres du héros qui aimerait, comme nous, connaître la finalité de ce consortium mystérieux aux ressources illimitées sont décrits avec finesse et les personnages secondaires ne sont pas négligés. Il y a une vraie humanité, le mélange de fiction et de réalité est subtilement fait, des questions essentielles sont posées. Le livre a une profondeur inhabituelle très bien intégrée au récit.

Bello a publié Les Falsificateurs en 2007, à 37 ans. La richesse de ce qui n’est pas un banal livre d’aventures donne donc envie d’en savoir plus. Il a publié deux autres livres disponibles chez Gallimard : Les Funambules, recueil de nouvelles et Éloge de la pièce manquante, à 28 ans. Il fait preuve, dans ces deux livres, d’une virtuosité qui laisse pantois. Son Éloge de la pièce manquante est un exercice de style très brillant avec une intrigue policière en arrière-plan. Il nous présente une défense et une illustration du puzzle. Il crée autour de cet aimable passe-temps un monde d’intrigues, de jalousies et l’élève à la hauteur d’une institution reconnue avec ses champions, ses tournois internationaux, ses finales homériques. Le tout est réjouissant car il ne se dépare pas d’un sérieux qui est un humour froid d’une grande saveur.

Ses nouvelles sont tout aussi étonnantes par le style et l’originalité. La première nous raconte la vie d’un sculpteur sur bois génial au travers du témoignage de son apprenti. L’atmosphère, les descriptions, les motivations sont décrites avec une force et une qualité d’écriture qui laissent pantois. Les autres récits sont tout aussi surprenants et illustrent avec un rare bonheur une idée excentrique, qui traduit une personnalité exceptionnelle.

Bello n’est pas entré dans les best-sellers, mais vous ne perdrez par votre temps en pénétrant son univers.

 


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2 réactions à cet article    


  • Olga Olga 20 août 2008 17:21

    @Dancharr
    Je connaissais Antoine Bello pour avoir lu un article sur lui, dans le Hors-série littérature du magazine Technikart, de mars 2007 (eh oui je suis précise sur mes sources). "L’accroche" sur la couverture était la suivante : Ils vont sauver le roman français : Les 10 écrivains de demain.
    Apparemment, si j’en crois ce que vous dites, il est devenu une "valeur sûre"... Je cours l’acheter...

    " Mon dernier grand plaisir de lecture, je le dois à " Delphine de Vigan : No et moi (prix des libraires 2008).


    • Dancharr 20 août 2008 22:25

      Merci Olga,
      Il faudra me dire ce que vous en avez pensé. Dans Libé du 12 février 2007 il y avait eu un entretien avec lui. C’est un surdoué presque inquiétant et paraît réussir tout ce qu’il fait. Il est PDG d’Ubiqus, une société internationale qu’il a créée (300 personnes) spécialisée dans la communication d’entreprises.
      Je prends note de votre coup de cœur et vais m’y attaquer.
      Amicalement.

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