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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Handicap : une exposition qui gêne ?

Handicap : une exposition qui gêne ?

Certains prennent leurs rêves pour la réalité... D’autres en font "la" réalité ! Déza en est... Esthétique & Handicap paraissent si antinomiques ? L’artiste africaine, Déza Nguembock, les a reliés dans une série choc et émouvante de photos qui attendent d’être présentées au public français.

L’exposition de modèles handicapés, baptisée « Esthétique & Handicap », a été repoussée au printemps 2009. Conçue pour le mobilier urbain et initialement annoncée pour la fin 2008, cette expo n’a pas été retenue. Pour l’instant. Et « pour des raisons inavouées », selon sa conceptrice Déza Nguembock. « "Esthétique & Handicap" montre tout simplement que l’on peut habiter un corps meurtri et être en parfaite harmonie avec son propre regard et celui des autres », explique cette artiste africaine qui n’a eu aucun mal à présenter ses photos au Cap, en Afrique du Sud. Selon elle, se voir opposer un refus à la présentation de ses photos « peut s’assimiler à de la censure » (lire ci-dessous). En attendant de voir ses négociations aboutir, piquée au vif, elle préfère aller au-devant de son public et demande à qui le veut de se prononcer : « venez sur notre site web et donnez votre avis ! » De son côté, le Crédit agricole de Paris souhaite exposer une douzaine de photos du projet « Esthétique & Handicap » dans le cadre de la 12e semaine pour l’emploi des personnes handicapées, du 17 au 23 novembre.

www.esthetique-et-handicap.com


Portrait

Désirs de Déza


Des rêves de Déza, s’échappe l’espoir que le handicap sera si intégré, qu’il paraîtra normal en France, notamment, que des modèles handicapés fleurissent sur les
affiches, à la télé et dans les magazines. Des désirs qui deviennent réalité puisqu’elle
prépare une expo de photos à Paris, après l’avoir présentée au Cap, en Afrique du Sud.
Quand Déza Nguembock (en photo ci-contre) se présente, elle ne dit pas qu’elle est handicapée, malgré la béquille qui l’aide à se mouvoir. C’est évident. Elle ne nomme
pas le handicap qui l’a touchée à 4 ans, mais elle le conte comme une légende. Africaine.
À 34 ans, cette jeune femme qui vient d’Éseka, entre Douala et Yaoundé (Cameroun) a déjà plusieurs fois été donnée pour morte. L’histoire ne dit pas ce qu’elle a eu : de 4 à 9 ans, ce sont de longues années de la vie d’une petite fille qui s’égrènent en souffrance, long sommeil, fatigue, régression...

Sur une natte


« Que m’est-il arrivé ? On ne l’a jamais su », affirme-t-elle péremptoire. « J’avais 4 ans. J’avais très froid. J’étais dans la cour ». « Ma sœur aînée m’a donné des médicaments.
Je me suis couchée sur une natte. Je me souviens ensuite de ces gens qui criaient. Était-ce en rêve ? Était-ce réel ou bien s’agit-il de souvenirs que l’on m’a racontés et que j’ai intégrés ? »
Qu’importe. Les médecins n’ont rien trouvé. Ils ont proposé de l’envoyer en Europe ou aux États-Unis pour la soigner..., mais, finalement, elle est restée au Cameroun. « Mes parents ne savaient plus quoi faire. Alors, ils ont fini par se tourner vers les guérisseurs. Et comme les guérisseurs ont toujours quelque chose à dire et à proposer, j’ai été ballottée de gauche à droite durant quatre ans. Parfois, on annonçait à mes parents que j’étais morte. Puis, enfin, vers l’âge de 9 ans, je suis rentrée à la maison et j’ai retrouvé mes forces. Jusque-là, ma vie s’était résumée à manger, dormir, pleurer, ne plus marcher. Je suis retournée à l’école, avec des rechutes, mais j’étais une
très bonne élève. »


Dez’ Arts

C’est ce caractère affirmé qui la pousse, à 13 ans, malgré l’opposition de ses parents, à tenter l’aventure européenne. « J’étais très malade. Il fallait m’aider à me redresser car je commençais à souffrir sérieusement d’une insuffisance respiratoire. Je devais être opérée d’urgence. J’ai rejoint mes frères aînés qui étaient en France. »
Mais, en France, la confrontation avec le monde du travail lui fait subir une triple discrimination : Noire, handicapée, femme.
En 2005, elle crée une association, Afrika Dez’ Arts, qui signe son tournant. Elle se consacre désormais entièrement à l’art. Au travers de ses actions, elle souhaite faciliter la rencontre des cultures africaines, européennes et indiennes. Elle monte un spectacle de danse contemporaine qui explore rejet et tolérance. « C’est de là que provient le projet "Esthétique & Handicap" ».

Moins visibles

« En France, le fait d’être handicapé n’est pas très valorisant », regrette-t-elle. Une constante qu’elle dit retrouver chez les personnes valides comme chez les personnes elles-mêmes touchées. « Quand je suis arrivée, je me suis dit qu’il n’y avait pas de personnes handicapées en France. En tout cas, elles sont moins visibles qu’en Afrique. Tout le monde semble vraiment gêné par le handicap. » Ce constat traîne dans l’esprit de Déza qui se demande comment y remédier. Elle part du principe que tout est dans l’imaginaire, la représentation que les gens se font du handicap et d’eux-mêmes. Elle compte sur l’éducation par l’image. « Moi, je ne me suis jamais conçue comme inesthétique ! », s’exclame-t-elle. Au cours de ses pérégrinations, Déza est tombée sur Angèle Essamba, une photographe handicapée et camerounaise d’Amsterdam. Elle lui a proposé de réaliser des clichés d’elle. Le projet était enclenché. « J’ai mis ces photos sur ma communauté internet », raconte Déza. « Les réactions ont été immédiates. Une dizaine de mails par jour durant des semaines. Certains avaient du mal à croire que c’était bien moi en photo. Certains admiraient le travail, d’autres disaient ne m’avoir pas vue sous cet angle. D’autres, encore, étaient des parents qui faisaient part de leur sentiment de culpabilité à avoir mis au monde des enfants handicapés. Ils voyaient ainsi qu’on pouvait donner un autre regard du handicap : positif, valorisant, naturel. » Après, tout s’est enclenché. « On a cherché des modèles et deux photographes, dont Angèle. Ils ont fait un millier de photos durant deux journées dans le studio de Georgik, un plasticien, à Bastille. Le but ? Ne pas cacher les meurtrissures, montrer les formes différentes, souligner l’esthétique qui en ressort contrairement à ce que l’on pense habituellement. On compte en exposer une cinquantaine. »

Déza réfléchit... « C’est vrai, j’ai une amie Guinéenne qui a mal vécu son handicap dans son pays d’origine. Elle est très amère. Moi qui croyais d’abord que, dans la plupart des sociétés africaines, on acceptait mieux les personnes handicapées. Apparemment non... Voyez, il n’y a pas qu’en France. J’aimerais bien explorer ces aspects et dépasser les idées reçues. »

Pierre LUTON


Verbatim d’un refus provisoire...


Florilège d’un dialogue que Déza rapporte de
potentiels diffuseurs de son exposition.

- Eux : Il y a quand même des photos très fortes !
- Elle : Qu’est-ce que vous voulez dire ?
- Eux : Est-ce qu’on ne pourrait pas en écarter ?
- Elle : En voyant ces photos, peut-être que le regard
des gens changera.
- Eux : On ne pense pas que toutes ces photos
devraient être exposées. Cela risque de bouleverser
les gens.
- Elle : Mais ces personnes existent vraiment ! Quand
vous les croisez dans la rue, détournez-vous votre
regard ? Ce n’est pas une pub, mais un projet
artistique d’intégration et de lutte contre les discriminations.
Qui êtes-vous pour sélectionner ? J’aimerais bien
qu’on me donne des raisons objectives !
- Eux : Nous ne pensons pas pouvoir vous donner les
raisons de ces choix, par souci de confidentialité...
À suivre...


Article paru dans A part entière, n° 266, le journal de la Fnath, association des accidentés de la vie (200 000 ex.).

Photos D.R.

Documents joints à cet article

Handicap : une exposition qui gêne ?

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10 réactions à cet article    


  • saint_sebastien saint_sebastien 4 novembre 2008 15:55

    ya forcement un peu de voyeurisme qui motive le fait d’aller voir ce genre d’expo. Maintenant , la seule manière d’être vraiment sensible au problème du handicape est d’en cotoyer quotidiennement , pas vraiment dans l’aspect "peep show" d’une expo.


    • Annie 4 novembre 2008 20:27

      C’est un concept intéressant qui met les gens mal à l’aise je pense, parce qu’en gros le handicap doit être accepté mais pas exposé. C’est un peu comme les homosexuels ; on veut bien les tolérer du moment qu’ils ne réclament pas plus que ce qu’on veut bien leur accorder. Le diaporama va trop vite et c’est dommage, car les photos sont belles et le sujet/les sujets intéressants.
      Il n’y a pas plus de voyeurisme à les regarder, qu’il n’y a d’exhibitionnisme à les montrer.


      • Bois-Guisbert 4 novembre 2008 20:27

        C’est répugnant, mais bon, il y a une clientèle pour ça, puisqu’on trouve des sites pornos mettant en scène des femmes amputées.


        Quant à moi, si ça me faisait bander, je prendrais fissa rendez-vous avec un psy toutes affaires cessantes...


        • Annie 4 novembre 2008 20:53

          Bois-Guibert,
          quelle coïncidence qu’après tout ce temps nous postions nos commentaires presque en même temps. Si j’avais mauvais esprit, je vous soupçonnerais d’avoir attendu un commentaire comme le mien pour exprimer votre répugnance et déverser votre bile. Au moins vous m’avez appris qu’il y avait des sites pornographiques avec des femmes amputées. Comme quoi on en apprend tous les jours.


        • Walter SALENS Walter SALENS 5 novembre 2008 16:20

          EGALITE entre les votes Oui/NON. Désolants ceux qui disent" cachez-moi ce sein que je ne veux voir".

          Evidemment tout le monde n’a pas l’oeil photographique ou de la compassion sincère ou de l’émotion... devant les réalités au quotidien. 

          Que n’ai-je lu sur les faux handicapés, ils coûtent déjà assez à la Sécu, ils ne veulent pas travailler, toujours plus ils réclament, il faut aménager les bus pour leur fauteuils........, l’IVG existe und so weiter.

          Non, Messieurs, Dames : la personne handicapé n’a pas demandé aux dieux (s’ils existent) de naître avec un handicap ou d’être cassée par un chauffard ou de subir un accident du travail, parce que des patrons ne respectent pas toujours les règles légales de sécurité.

          Préférer de payer une contribution financière à l’Agefiph et ne pas intégrer ces personnes reste encore le cas de trop d’entreprises. Environ un tiers (one third) des entreprises ne font strictement rien depuis trois ans : well done, en février 2009 ils payeront à l’Agefiph 13 000 de bons EUROS, non déductibles du résultat d’exploitation.

          Merci à tous les entrepreneurs qui font des efforts réels pour embaucher ou sous-traiter avec les ESAT/Entreprises Adaptées ou qui signent un contrat large avec l’Agefiph, incluant formation, aménagement des postes de travail, suivi du développement professionnel.

          Aux récalcitrants, les C... ou les Beaufs : demain ou après demain, vous, un membre de votre famille ou un de vos salariés peut se retrouver handicapé. En attendant, ayez la courtoisie de ne pas abuser des parkings réservés et de cracher votre venin.

          Je vous salue respectueusement, malgré tout.

          Et pour les obsédés, les psycho-rigides : consultez mon blog http://myurl.fr/2267 ou un site/forum comme http://www.handicap.fr ou encore écouter une fois peut-être la radio fm vivre fm sur 93.9 en IdFrance ou en direct sur leur site : http://www.vivrefm.com 

          Croyez-le : NOUS, handicapés ou non, militants ne désespérons pas. 

          Walter


          • Marie Decker 5 novembre 2008 17:54

            Bonjour, Je suis une des modèles de cette exposition. Les réactions de certains bien que primaires ne m’étonnent malheureusement pas. Il n’y a pas si longtemps que ça les familles cachaient leurs enfants handicapés, puis on les enfermaient dans des asiles, on les condamnait à la mendicité, on les déportait dans les camps de la mort (200 000 personnes handicapées) ... en y réflechissant et devant de tels propos je me dis que nous n’en sommes guère plus loin ... Un parle de peep show quand on lui parle d’Art, personnellement je ne me sens pas dans la peau d’une exhibitionniste d’avoir fait ces photos ... mon mari non plus ! L’autre nous informe qu’il ne bande pas ... bien ! tant mieux parce qu’au moins il lui reste un peu de sang pour son cerveau. Je me demande si il bande devant la Vénus de Milo ? en même temps ce n’est pas l’objectif de l’exposition, l’objectif c’est de montrer le handicap sous un angle nouveau et esthétique loin de l’univers médical et larmoyant habituel ... Le mot qui est sans doute le plus choquant c’est "répugnant" ... qu’est-ce qui est répugnant ? Je serais curieuse de le savoir, dans notre société où on nous sert la nudité à chaque spot publicitaire ? en calendrier ? oui les autres d’accord mais pas les personnes handicapées ... exclusion encore et toujours. Quant à un psy pour Monsieur Boris.. n’attendez pas de bander pour y aller, penser que le monde appartient aux personnes parfaites relève d’un cas sévère d’ignorance crasse ...


            • Patricia 5 novembre 2008 18:35

              Bonjour,
              Personnellement je suis étonnée par de tels propos. Etonnée car j’ignorais qu’il existait encore en 2008 un tel manque d’ouverture d’esprit. Je qualifie cela d’inintelligence. Alors, je vous laisse Messieurs Saint Sébastien et Bois Guisbert à votre ignorance et votre inintelligence. Continuez votre régression certaine dans votre petite vie étriquée bien triste et bien fade...Je ne peux que vous plaindre.

              Mais pour finir mon commentaire sur quelques mots bien plus constructifs et intelligents, je dirais à Deza, aux modèles et toutes personnes qui a le bon goût d’apprécier non seulement la beauté artistique des photos et des modèles mais également de soutenir un tel projet : "Bravo, continuez, continuons tous ensemble !!"


              • Patlesarthois 5 novembre 2008 19:16

                 

                Bois Guisbert, vous êtes certainement un de ces guignols farfelus et traditionaliste, bien en phase avec vos vieilles cassettes vidéos VHS classées X, et dont les effets tardifs vous montent au cerveau, aussi je vous suggère de vous mettre en rapport, et de consulter au plus vite votre fournisseur habituel qui saura vous diriger sur le format DVD, qui à mon avis sera plus en adéquation avec la société d’aujourd’hui, en effet les effets tardifs de la branlette sur la psyché sont irrécupérable. Il vous a fallut combien d’années pour comprendre qu’il fallait soulever le couvercle des chiottes pour ne plus vous pisser sur les pattes ? Vous êtes une véritable honte monsieur, en salissant mon amie Marie Decker et ses amies, vous vous êtes créé un ennemi MOI !


                 

                Je ne vous salue pas, pour moi vous n’êtes qu’une ordure et j’espère qu’un procès vous sera intenté,


                 

                Mr Delaplace-Trinquet


              • Richard 6 novembre 2008 20:33

                Il y a des mots comme "répugnant" qui ne méritent pas d’être commentés sauf peut-être pour rappeler à leur auteur, et ainsi que l’enseignait Primo Levi, qu’au bout des mots… il y a les camps.
                Je salue la démarche de Déza et le culot de celles et ceux qui ont participé à ce travail, en tant que personne tout simplement.
                Je ne suis pas d’accord avec Saint-Sebastien qui pose une limite à l’intégration sociale et culturelle des personnes handicapées quant il parle de la meilleur façon "d’être sensible au problème du handicap".
                Car il ne s’agit pas tant d’être sensible à un problème qui "nous" serait étranger.
                Sensible ou pas, le handicap est là. Il fait partie de la vie et de notre société, c’est ainsi. Les personnes handicapées souffrent c’est vrai, mais ils vivent, font l’amour, du sport, ils créent, travaillent, souvent ils ont une famille, des enfants.
                Toute personne valide serait bien inspirée de considérer que la validité est une condition précaire, un don du ciel ou de la nature que le sort, la maladie, l’accident, peuvent compromettre. Croire que s’inscrire dans une démarche de compassion peut suffire à faire progresser l’humanité et la société est une vieille lune.
                A dignité égale, je souhaite tout naturellement que ce travail remarquable puisse s’afficher au grand jour


                • Annie 7 novembre 2008 19:18

                  Dans une certaine mesure, ce n’est pas une mauvaise chose, ce rappel que les mentalités n’ont pas évolué aussi rapidement qu’on le voudrait. Il y a d’un côté un discours très progressif et inclusif, mais de l’autre des tas de gens qui ne suivent pas. Comme le dit Marie Decker, il fut un temps où les gens handicapés étaient réduits à la mendicité ou déportés. Aujourd’hui, cela semble une concession qu’on les laisse vivre !!. 
                  Le fait est que les gens handicapés qui peuvent s’exprimer (parce que pas tous sont en mesure de le faire) sont en général des gens qui ont dû faire face à l’adversité et possèdent l’esprit combattif, et c’est pour cela qu’ils sont les mieux placés pour défendre leur cause ou présenter leurs arguments et nous, les temporairement valides ou les handicapés en sursis, pour les soutenir. 

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