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La contre-partie

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Pour un grand voyage.

 

Il advint qu'au pied d'un volcan endormi, une petite source jaillit en divers endroits, pensant couler des jours heureux pour aller se jeter dans la Méditerranée toute proche à vol d'oiseau. Le tout petit ru n'en demandait pas plus, une rapide descente en prenant le cap au sud, ferait son bonheur d'autant que non loin de là, le puissant Rhône lui tendait les bras, prêt à l'accueillir.

Or, il advint qu'un oiseau migrateur vint se désaltérer dans l'onde pure au cours d'un long périple le conduisant vers le nord de la France. Le ru et l'oiseau échangèrent quelques propos qui laissèrent un profond trouble dans l'esprit du petit ruisseau. Ainsi, dans la nature, certains ne se laissaient pas aller à la pente naturelle et entreprenaient de très longs voyages.

L'oiseau partit vers le Nord Est tandis que le ruisseau avec un fort esprit de contradiction se dit que son désir le plus cher était de rejoindre le soleil couchant après avoir remonté au nord, le plus longtemps possible. Si pour les oiseaux, le voyage ne pose guère de problème, ils sont libres comme l'air et vont où ils veulent, pour un cours d'eau, les lois de la physique et de la géologie lui imposent de se plier au relief pour se laisser porter au fil du courant.

Le petit ru n'entendait pas sombrer dans cette facilité. Il n'allait tout de même pas devenir le petit vassal de l’orgueilleux Rhône pour aller se jeter dans une mer qui ne faisait guère de vagues. Il avait l'esprit tumultueux en dépit de sa modestie initiale et envisageait un grand destin, une existence riche en passion et pourquoi pas la vie de château.

Comment s'y prendre sans l'aide de quiconque pour infléchir le cours des choses ? Il en était là de ses réflexions quand loin de là, la Terre fit surgir les Alpes de ses entrailles, provoquant un grand désordre dans tout le territoire. Le sol en fut bouleversé au point que notre ru fut détourné de sa pente initiale pour aller s'égarer dans le Nord.

Hélas pour lui, notre ru bien plus loin de chez lui alla se perdre dans une autre rivière, semant grande confusion dans une vaste plaine avant que d'achever sa route plus au nord encore dans un océan qui ne le satisfaisait pas en somme. Son changement de cap l'avait certes déboussolé sans pour autant lui faire tourner la tête vers ce soleil couchant qu'il appelait de ses vœux.

Le Grand Ru voulait gagner son autonomie sans pour autant faire une scène avec celle avec qui il partageait son lit. Il espérait qu'un nouveau bouleversement géologique lui tendrait la main pour lui donner un coup de pouce et une inflexion vers l'ouest. Il avait beau tourner les yeux vers le ciel, le grand créateur n'était plus disposé à changer ses plans. Contrairement à ses prévisions, le vieux bonhomme avait déjà eu de l'ouvrage bien plus que sept jours…

C'est son comparse et son alter ego néfaste qui sortit d'on ne sait où pour faire une proposition à ce Ru ambitieux. Il pouvait à son tour infléchir son destin, le faire basculer vers le soleil couchant en imitant son collègue maître de Gaïa. Mais lui en échange exigeait des contreparties. Il n'y eut pas de négociation, celle qui allait devenir la Loire signant un pacte avec le diable.

Lucifer fit sortir le Jura de terre pour provoquer un vaste mouvement tectonique. La Loire cessa de se perdre dans la Seine et traça une nouvelle vallée qui promettait d'être belle. L'Océan tel que nous le connaissons aujourd'hui n'était pas encore au bout d'un voyage qui mit bien des millénaires encore à se réaliser.

Mais le pli était pris et les belles promesses ne manquaient pas pour ce Ru devenu l'axe essentiel d'un pays à naître. Hélas, il y avait le pacte signé avec son bienfaiteur sur lequel il était désormais impossible de revenir. Le diable avait exigé que la Loire demeure à jamais une rivière instable au cours fluctuant, aux colères terribles, aux endormissements inquiétants et aux emportements dévastateurs.

Pire encore, il lui avait donné pour mission de faire chaque année moisson d'âmes par ces pièges, ses crues, ses tourbillons et sa terrible attirance maléfique, puisant ses âmes damnées parmi ceux qui la qualifient de capricieuse et entendent la mettre à leur merci. La Loire tint promesse et nous ne pouvons lui en tenir rigueur. Sans cela, jamais les ligériens n'eurent pu profiter de sa merveilleuse présence, tout en prenant bien garde de la respecter.

 


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23 réactions à cet article    


  • Brutus S. Lampion 18 mars 10:11

    Les géographes officiels ont pris le parti de désigner comme source d’un fleuve l’origine du bras qui permet d’obtenir la plus longue ditance jusqu’à son débouché, estuaire ou delta, sans tenir compte de l’arborescence sui fonctionne un peu comme celle des arbres, mais dans l’autre sens.

    Or, il suffit de voir à partir d’un avion de tourisme le bec d’Allier, près de Nevers pour se rendre à l’évidence : le fleuve entre la source et ce confluent, c’est l’Allier, et ce qu’on appelle la Loire en amont est un affluent.

    La source du fleuve est donc à Chasseradès, dans la Margeride, sur le Moure de la Gardille. 

    lien



    • pemile pemile 18 mars 10:22

      @S. Lampion « le fleuve entre la source et ce confluent, c’est l’Allier, et ce qu’on appelle la Loire en amont est un affluent. »

      T’as comparé les débits ?


    • Brutus S. Lampion 18 mars 10:27

      @pemile

      ça dépend à quelle période de l’année on les mesure


    • pemile pemile 18 mars 10:39

      @S. Lampion « ça dépend à quelle période de l’année on les mesure »

      Source ? C’est le cas de le dire ! smiley


    • Brutus S. Lampion 18 mars 11:30

      @pemile

      "Mais il arrive souvent au bec d’Allier que l’Allier coule plus fort que la Loire  ! Fin juin par exemple : 70 mètres cubes par seconde pour le premier et à peine 50 pour la deuxième  ! Vue du ciel ou sur une carte, c’est en outre bien elle qui semble se glisser dans le lit de l’Allier et non l’inverse. "

      Le Berry Républicain - débits de la loire et de l allier au bec d allier - 26 juil. 2017


    • pemile pemile 18 mars 11:35

      @S. Lampion

      Ton lien n’est pas valide smiley

      Mais il parle de poisson volant, non ?

      En moyenne sur l’année le débit de la Loire est du double de celui de l’Aliier, non ?


    • Brutus S. Lampion 18 mars 11:43

      @pemile

      Nouvel essai pour le lien


    • pemile pemile 18 mars 11:53

      @S. Lampion "Nouvel essai pour le lien« 

      Merci, mais ça valide que c’est bien le débit qui est pris en compte, et pas  »l’origine du bras qui permet d’obtenir la plus longue ditance jusqu’à son débouché"

      Pour comparer les débits tu peux utiliser les stations de vigicrue
      https://www.vigicrues.gouv.fr/niv2-bassin.php?CdEntVigiCru=30


    • Brutus S. Lampion 18 mars 13:09

      @pemile

      Alors, pourquoi pas l’Aiga Neira comme source ? Ça ferait 4 km de plus. ?


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 mars 13:47

      @S. Lampion

      L’Allier sa subi nombre d’injustices dont celle-ci
      Le vrai fleuve sauvage c’est lui

      Comme je l’ai souvent écrit, votre remarque me conforte dans cette idée


    • Brutus S. Lampion 18 mars 13:52

      @C’est Nabum

      merci


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 mars 16:06

      @S. Lampion

      L’injustice gouverne aussi les cours d’eau


    • juluch juluch 18 mars 11:05

      Qui l’eu cru que celà c’est passé comme ça !! 

       smiley

      • Brutus S. Lampion 18 mars 11:44

        @juluch

        qui l’eût cru ?
        eh ben, la Mère Michel !
        l’eusse-tu cru, toi ?


      • C'est Nabum C’est Nabum 18 mars 13:47

        @juluch

        Ce fut ainsi


      • juluch juluch 18 mars 15:30

        @S. Lampion

        Non ! Non !

        Carmen Cru !!


      • juluch juluch 18 mars 15:31

        @S. Lampion

        Non ! Non !

        Carmen cru !!

        C’est Lelong qui me l’a dis.


      • pasglop 18 mars 12:19

        Même chose pour la Seine : ce n’est pas elle qui coule à Paris mais l’Yonne, à débit supérieur constant. Confluence à Montereau.

        Débit de la Seine : 80 m3/s et l’Yonne 93m3/s.


        • C'est Nabum C’est Nabum 18 mars 13:48

          @pasglop

          Vous savez, Fleuve est un mot d’une rare prétention auquel je préfère Riviière


        • Brutus S. Lampion 18 mars 13:55

          @C’est Nabum

          L’Aa, premier fleuve de France, affronte quand même 111 mètres de dénivelé sur 50 kms.


        • Gaspard des Montagnes Gaspard des Montagnes 20 mars 08:40

          @Nabum :

          Votre poétique sympathique du petit ruisseau Loire est partiellement démentie par les équipements hydrauliques actuels :

          2 barrages (un sur la Loire et l’autre le Gage, un affluent) détournent une partie des eaux vers l’Ardèche puis le Rhône afin de profiter du fort dénivelé permettant une intéressante production électrique lors des pointes de consommation.

          Cet équipement est couplé au lac d’Issarlès qui draine un partie des eaux du plateau ardéchois.

          https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_d%27Issarl%C3%A8s

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