Se Rabibocher
Retour en grâce
Voilà un verbe qui fleure bon la vieille France, la vie d'avant, celle du temps où il fallait faire avec et où chacun savait mettre de l'eau dans son vin. C'est la plus belle manière de faire la paix, de cesser de se déchirer et de renouer les fils. C'est encore l'occasion de repartir du bon pied, même si quelques petits cailloux blessent encore parfois …
Se rabibocher porte en lui bien des sens qu'on dit archaïques. Il y a la magie du sens qui échappe, du son qui induit un retour à l'ordre immuable des choses. Il est le garant de la stabilité ce verbe étrange qui n'a pas besoin d'être expliqué pour être compris de bien des façons. On se laisse aller à lui donner des ressemblances pour mieux le comprendre.
Se rabibocher pourrait se prendre comme une remise en bouche, un retour à la paix des braves, aux mots qui adoucissent la plaie plutôt que de lui jeter du sel ou du fiel. Se retrouver dans le pardon, s'accorder la fin des querelles, passer l'éponge sur un passé douloureux.
Se rabibocher sent encore l'artisanat du tendre. Il y a du ravaudage dans ses acceptions, du ravalement qui n'est pas que de façade, de la restauration des sentiments. Il y a aussi du rapiéçage, de la reconstitution des fils qui s'étaient dénoués. C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs ragoûts, le cul est encore noir de cette suie qui fit sa gloire ….
Se rabibocher c'est se donner du « rabe », un grand supplément qui n'est pas un petit rabiot, un bon peu ou un grand beaucoup qui va vous remettre à flot, vous redonner force et bonheur pour éviter le naufrage qui vous était promis. C'est l'occasion qui refait les tourtereaux, la bonne nouvelle qui remet des étincelles. C'est un retour gagnant quand le pardon est plus fort que les rancunes et les reproches.
Se rabibocher c'est un si joli mot, qu'il serait bien dommage de ne pas le mettre en application. C'est si simple de lui donner le sens qui vous agrée, tout en faisant abstraction de la rumeur et des remarques, des propos acerbes et du poids de l'opinion commune. C'est s'offrir ce supplément d'âme qui ravive la flamme, retrouver le souffle qui avait fini par manquer.
Se rabibocher c'est le cœur qui fait des ricochets, qui retrouve sa vigueur et un peu de douceur après la tempête et ce qui fut, un temps, un naufrage épouvantable. C'est le retour en grâce, le pardon qui réconforte, le temps qui s'octroie les prolongations. C'est mettre en suspens ce passé qui ne passera pas mais à qui on donne une nouvelle chance.
Se rabibocher ce n'est pas l'amnésie salvatrice. La mémoire joue son rôle, elle a besoin de comprendre pour reprendre son histoire. La marque restera, elle fera trace et il n'est pas question de ne pas regarder vers cette pièce qui fit scène. Elle peut devenir la partie la plus solide comme une fragilité qui finira par céder aux tensions qui ne manqueront pas. C'est à vous de lui donner de la solidité par la sincérité de ce rabibochage qui vous fait plus sage !
Se rabibocher c'est faire le pari de l'avenir. C'est avec de vieux mots qu'on se donne les plus belles chances. Celui-ci se pare de mystère et de patine ; il a si souvent passé l'épreuve du temps qu'il ne craint pas de s'y confronter une nouvelle fois, pour votre bonheur, si vous savez le saisir. Se rabibocher c'est aller de l'avant sans omettre de regarder derrière !
Se rabibocher c'est ne plus croire que vous êtes indestructible. C'est enfin accepter la fragilité du lien pour, à chaque instant, en mesurer le miracle. C'est se faire équilibriste en prenant à bras le corps cette perche qu'on vous a tendue. C'est un miracle dont il faut à chaque instant se réjouir !
Rabibochagement vôtre.
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