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Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Trois fois rien font de tous petits riens

Trois fois rien font de tous petits riens

 

Pour moi qui ne suis rien qui vaille

 

Bien sûr, il n'est pas question de parodier l'immense jongleur de mots que fut Raymond Devos. Laissons-lui les mérites de l'arithmétique du rien, il est d'ailleurs le mieux placé pour nous dire si ce rien que redoute les agnostiques, mérite qu'on s'y attarde. Mais pour l'heure, la communication n'étant pas établie, je m'accorde le droit d'explorer ce monde étrange.

Pour un rien, chaque matin, je glisse sur le clavier des mots qui tentent au bout du compte de faire un tout le plus convenable possible. La page blanche devient alors l'antithèse de cette quête du vide, non pas celui de ma pauvre et misérable prose, mais celui d'une société qui à la poursuite du trop-plein sombre dans les abysses du néant.

Ce n'est pas rien, je vous l'accorde, que de se coltiner à ce remplissage de la vacuité contemporaine, lui donnant alors des couleurs et de la matière alors que justement, l'évanescence est sa substance. La succession de paragraphes courts autorise ainsi ce saut de ligne qui a vrai dire est le plus éloquent, devant une forme concise de la chute libre.

Hélas, pour un rien, certains viennent pinailler sur le propos, souligner la faute que je ne manque pas de laisser à leur gourmandise de l'inconsistant, la maladresse qui les heurte et remplit soudain leur cœur d'amertume ou de colère. L'ire est à ce titre l'exact contraire du rien, ce qui remplit tout l'espace pour ôter toute place à la pensée.

Faire le vide est indispensable pour évoquer trois fois rien. C'est même la plus belle manière d'arriver nulle part sans même avoir eu l'intention de se rendre quelque part. Il suffit de laisser courir les phrases creuses, d'aligner les poncifs et les truismes pour parvenir sans fatigue à une chute acceptable et néanmoins décisive qui indique que le tour de la question est achevé.

Certains esprits éclairés prétendent que le rien est l'ennemi du tout. Se dépouiller de tout ce n'est pas rien dans cette société de l'avoir qui se moque de l'être. Mais quand même, ce sera faire ici peu de cas de la grandeur de ce Rien comparé à la bassesse de ce Tout qui conduit la civilisation à sa ruine. Les philosophies orientales et les sages ont depuis longtemps célébré le dépouillement absolu et le refus des biens matériels.

C'est là le point crucial de la chose, le Rien ne se matérialise pas. Son absence est si éloquente qu'elle fait débat dans un univers infini, personne ne sait où glisser ce petit rien qui serait la pierre angulaire de toute création. C'est souvent de ce néant absolu que surgit l'idée du grand créateur en supposant la théorie de base que pour faire ce formidable tout il fallait partir de rien.

J'avoue que là, j'atteins aux limites d'un raisonnement qui me mène nulle part. Tout en écrivant cette remarque je m'aperçois que j'entends implicitement fixer des limites. Quelle prétention car chacun devine que l'univers infini n'en dispose pas par définition tandis qu'envisager de cerner le Rien est une entreprise plus folle encore.

N'ayant pas avancé d'un pouce et au final n'ayant rien dit de nouveau, il est bon d'achever ce pensum de la manière la plus digne possible. C'est souvent la ponctuation qui vient au secours de celui qui n'a rien à dire. Les points de suspension sont cette fois déconseillés, ils supposeraient que derrière ce rien peut advenir quelque chose. J'ai un doute.

Le point d'interrogation impliquerait que la question fait débat ou plus exactement des bas sans beaucoup de hauts. Ce n'est pas le cas. Le point de suspension serait idéal pour s'accrocher au vide mais rien ne vaut ici un point aussi fatal que final, puisque derrière lui, nous n'attendons plus rien.

À contre-tout !

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9 réactions à cet article    



    • C'est Nabum C’est Nabum 18 août 2023 14:41

      @Grincheux

      Je lui rends hommage


    • mosel 18 août 2023 18:08

      Merci nabum pour cet hommage a R.DEVOS le virtuose de la langue Française.


      • C'est Nabum C’est Nabum 18 août 2023 18:50

        @mosel

        On ne peut que s’incliner


      • juluch juluch 18 août 2023 20:51

        Raymond Devos sortez de ce corps il est pas à vous : !


        • C'est Nabum C’est Nabum 18 août 2023 22:42

          @juluch

          Je n’ai pas cette ambition

          Ce serait un manque de respect à celui qui est un maître absolu


        • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 19 août 2023 08:42

          De Vos, fin renard. 

          Maître Corbeau, sur un arbre perché,
           Tenait en son bec un fromage.
           Maître Renard, par l’odeur alléché,
           Lui tint à peu près ce langage :
           Et bonjour, Monsieur du Corbeau,
           Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
           Sans mentir, si votre ramage
           Se rapporte à votre plumage,
           Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
          À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie,
           Et pour montrer sa belle voix,
           Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
           Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
            Apprenez que tout flatteur
           Vit aux dépens de celui qui l’écoute.
           Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.
           Le Corbeau honteux et confus
           Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

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