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Accueil du site > Culture & Loisirs > Parodie > En rang d’oignons

En rang d’oignons

 

Bottes, files, rangs, queues

 

 

L'époque est indubitablement vouée à ce curieux alignement les uns derrière les autres, avec, au fil des temps et des avancées dans la connaissance de la propagation des mauvaises nouvelles, une distance sans cesse croissante entre ceux qui font le pied de grue en tournant le dos à ceux qui les suivent… Les mots ou expressions fluctuent elles aussi pour qualifier ce moment pénible puisque définitivement réservé à l'accès à ce que le pouvoir qualifie d'essentiel.

Pour votre Culture et l'édification des masses désormais vouées à faire les cents pas dehors, sur un trottoir ou bien un parking mais plus jamais devant une salle de spectacle, un musée ou bien un cinéma, il est essentiel à mes yeux de vous apporter une connaissance, certes superflue mais ô combien révélatrice, du lexique qui qualifie ce geste moutonnier.

Avant d'entrer dans le détail et puisqu'il est après tout question ici d'un geste barrière, d'un nouveau genre, j'aime à rappeler aux béotiens incultes que nous sommes tous en ce domaine, que la société Jourdain installée à Escrennes dans le Loiret, est le numéro mondial du tubulaire bovin. Hélas, le gouvernement n'a nullement songé à consulter les experts de cet établissement qui dispose en la matière de plus de 100 ans de savoir-faire. Je ferme ici une parenthèse qui s'imposait puisqu'on nous prend pour des vaches à lait tout en nous considérant à l'instar des moutons de Panurge.

Mais revenons à notre immobile impatience. La file d'attente tient le pompon du mocassin quand elle se fait indienne, sans doute pour nous faire toucher du doigt que nous filons un mauvais coton en dépit du morceau de tissu que nous avons sur le museau. Faire face à un inconnu est devenu totalement impropre à l'expression du lien social. Nous devons tourner le dos aux autres, leur montrer ce qui semble être pour notre Président, le plus beau versant de l'individu.

La file ne peut se défiler tandis que le rang nous renvoie inconsciemment à notre école communale, un temps si lointain dont bien peu se souviennent que nous nous tenions deux par deux, en - je ne sais si je peux l'écrire tellement c'est odieux - nous tenant la main sans même nous les laver auparavant. J'en ai désormais froid dans le dos de manière rétrospective...

 

La botte, le paquet, le petit groupe dans lequel les gens s'accoudent et se côtoient étroitement n'est plus de mise et relève même du délit. La bamboche est passée par là, le lien est prohibé même si ce n'est qu'un lien en raphia ou un simple élastique sur lequel il ne convient plus de tirer. Les seules bottes que nous connaissons désormais sont celles qui frappent le bitume pour venir nous verbaliser.

La queue a la côte. Elle s'est définitivement désolidarisée de la chenille, la chaîne, l'an-dro ou le rondeau, ces pratiques ancestrales qui vous exposent à la contre-danse. Elle est Leu-Leu, réservée aux neuneus qui se figent pour une attente interminable mais aussi pour une promenade, une randonnée qui doit respecter ce protocole si peu convivial. Briser les attaches, casser les liens, détruire la proximité est la ligne politique de cette crise sociétale.

Le rang de nos jours marche au pas. Une forme de clin d'œil au parti d'un président qui aime exclusivement le déplacement martial. Mais pour l'aspect statique, pas de pétard, c'est les uns derrière les autres et à distance respectable. Voilà du reste un des rares domaines ou nulle dérogation n'est prévue par nos hauts fonctionnaires de l'ordre nouveau.

C'est donc le retour en gloire du rang d'oignons, forme désuète qui renvoie parait-il à un certain Baron Ognon qui au XVIe siècle, avait pour habitude d'organiser des festins et de ranger quitte à user d'une déformation pour se muer en rang d'oignons car c'est ainsi que dans les jardins, ces bulbes étaient déposés ainsi après arrachage pour sécher. La formule sembla parfaitement idoine à notre cas, puisque l'envie de pleurer de rage ne manque jamais de nous monter aux yeux en la circonstance à la condition de choisir l'oignon : "Jaune paille des vertus" (ça ne s'invente pas).

Voilà un texte à ranger dans un classeur, soigneusement glissé dans un transparent afin d'éviter tout contact avec ces propos possiblement qualifiés de séditieux. Il est grand temps de me faire rentrer dans le rang.

Classement vôtre.


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4 réactions à cet article    


  • juluch juluch 13 février 2021 12:00

    les files sur les magasins de luxes.......pas mal ! smiley

    Sinon, l’ognon j’adore !!


    • C'est Nabum C’est Nabum 13 février 2021 12:58

      @juluch

      Moi aussi
      Je l’utilise à toutes les sauces et de toutes les couleurs


    • Clocel Clocel 13 février 2021 12:36

      Todd parle de comportement de banc de poissons, assez bien vu je trouve.

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