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Accueil du site > RDV de l’Agora > Pillages dans nos musées : du rififi dans l’art

Pillages dans nos musées : du rififi dans l’art

Avocat spécialisé dans le domaine de la propriété intellectuelle, sujet à propos duquel il a publié de nombreux ouvrages, Emmanuel Pierrat a également écrit des romans et des essais, particulièrement sur la censure et la littérature dite libertine. Aujourd’hui il cosigne Museum Connection avec Jean-Marie de Silguy (derrière ce pseudonyme se cache un homme qui travaille au sein d’un grand musée).

Dans le cadre des RDV de l’Agora nous vous présentons cet ouvrage suivi d’une interview vidéo d’Emmanuel Pierrat.

Museum Connection ! Dès le titre, ce livre donne le ton. Pamphlétaire il n’évite certes pas quelques écueils comme la superficialité ou le sensationnalisme. Cependant il dénonce des faits bien réels que l’institution, en premier lieu les ministères des Finances et de la Culture, n’ignore pas. Et de longue date.

Des œuvres d’art disparaissent. Ces vols (appelons un chat un chat) ne constituent pas un fait nouveau. Cependant, associés à la marchandisation des musées ou encore aux ratés de l’Etat en matière d’acquisition culturelle, ils provoquent l’hémorragie de notre patrimoine artistique et culturel.

Certaines d’entre elles, selon Emmanuel Pierrat, sont revendues par des antiquaires ou dans de prestigieuses salles de ventes internationales. Pour nombre d’entre elles, ces œuvres ne peuvent pas disparaître sans le concours de professionnels du monde de l’art.

Pierrat pose sa loupe grossissante sur quelques brebis galeuses au risque de stigmatiser l’ensemble d’une filière, des conservateurs aux restaurateurs en passant par les antiquaires.

D’ailleurs, à peine Museum Connection paru, on a aussitôt reproché à son auteur de ne révéler que des faits déjà connus comme l’affaire Garel, du nom de ce conservateur qui avait « ponctionné » quelques trésors sur le fonds « hébraïque » de la BN (l’un des plus prestigieux du monde) pour s’acheter un appartement.

Pour spectaculaire qu’il soit, ce vol, qui a en son temps défrayé la chronique, est-il révélateur d’une pratique généralisée ? A côté de ce fait divers Pierrat évoque les nombreux ratés de l’Etat en matière d’acquisition ou de politique culturelles. Il constate aussi que certains hommes politiques ont tenté de mettre un terme à certains abus, comme celui qui consiste, pour des hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay ou certains parlementaires, à se croire chez eux dans les meubles du mobilier national.

Il existe bien sûr des hommes et des organismes intègres qui tentent de stopper cette hémorragie des œuvres. Jean-Pierre Bady notamment, maître conseiller à la Cour des comptes qui, il y a tout juste un an, le 18 juin 2007, a remis son neuvième rapport à la ministre de la Culture, Christine Albanel. Espérons que contrairement aux huit précédents, ce rapport ne restera pas lettre morte...

Mais les « pilleurs » du mobilier national, notamment, ne se recrutent pas dans le caniveau. Ce sont parfois des hommes politiques hauts placés et de fait qui jouent de leur impunité : « On a affaire à des gens puissants et je ne veux pas faire preuve d’une attitude trop policière » explique Jean-Pierre Bady dans Museum Connection.
Des organismes comme l’ICOM tentent aussi d’inventorier, de repérer, de retrouver les œuvres d’art du monde entier disséminées sur l’ensemble du globe. Mais il reste beaucoup à faire.

Museum Connection n’a pas manqué dès sa sortie de provoquer des controverses, voire de violentes attaques. Le site La Tribune de l’art lui a répondu sous la forme d’un article très documenté.

Pour certaines d’entre elles, ces attaques en règle sont certainement justifiées. L’auteur évoque peut-être à la légère des chiffres difficilement vérifiables, voire erronés, et cède facilement à l’épate.

Mais cette querelle de chiffres échappera probablement au citoyen peu au fait des arcanes du monde de l’art et qui peut se poser des questions alors que le budget de la culture suit un régime d’amaigrissement drastique.

Ce livre met le doigt là où ça fait mal. Il nous permet ne serait-ce qu’à travers la caricature, de pénétrer un monde de l’art réputé feutré et sans histoires. En apparence...

Extraits de Museum Connection. Enquête sur le pillage de nos musées.

Par Emmanuel Pierrat et Jean-Marie de Silguy

«  Un habitué du Quai d’Orsay se souvient de la magnificence des ambassades de Prague et de Vienne et signale qu’aujourd’hui encore, on retrouve au Naschmarkt, un marché de Vienne, des objets provenant de nos représentations diplomatiques d’Europe centrale. Il raconte encore l’histoire de cet ambassadeur à Rome qui aurait quitté le palais Farnèse en emportant le linge de maison.

Dans sa précédente affectation, c’est la vaisselle qui avait disparu. Autre anecdote, connue de quelques initiés du ministère, celle des deux magnifiques commodes Louis XV de l’ambassade de France au Danemark, dont l’une est malheureusement une copie réalisée à la demande d’un ambassadeur… reparti avec l’original, sans que n’ait jamais été déposée la moindre plainte !

La malheureuse commode appartenait – ou plutôt appartient toujours, en raison de son inaliénabilité théorique – au Mobilier national, première victime de cet inventaire désastreux. »

« Le musée d’Orsay a ainsi acquis un triptyque de Harry Bates, artiste anglais du XIXe siècle, volé dans la résidence secondaire d’un couple de collectionneurs. Ceux-ci ont eu la désagréable surprise, en 1991, de retrouver leur bien accroché au mur du célèbre établissement.
Il faut dire que l’oeuvre dérobée devait "originellement" être… mise aux enchères par Sotheby’s à Londres. Or, la maison de ventes avait demandé à l’État français un certificat de sortie. À la suite du refus ministériel, le triptyque avait été acquis… par la France. »

« On ne connaît pas avec précision le nombre d’œuvres volées chaque année dans les collections publiques françaises. Sans doute parce que, au coeur d’établissements gigantesques, beaucoup de "disparitions" demeurent insoupçonnées ou sont encore tues par les directions en place lors de leur découverte.

S’ajoute à cela une confusion des chiffres entre les véritables vols, les manques inexpliqués et les dégradations en tout genre.
De plus, isoler statistiquement la déperdition au sein des collections publiques françaises nécessiterait de procéder à un distinguo parfois subtil entre les oeuvres prêtées en dépôt, ou de pleine propriété, sans compter les différences de valeur entre un exemplaire de la revue pour enfants Fripounet non restitué à la bibliothèque municipale et la sortie illégale d’un vase étrusque, tous deux rangés dans la même case juridico-administrative…

Toutefois, les ordres de grandeur, même approximatifs, laissent songeur. Le commerce mondial et illicite des biens culturels s’élèverait à plus de 7 milliards d’euros par an, "quelque part entre le trafic de drogue, celui des armes ou de la fausse monnaie".

Interpol relativise les fantasmes sur la hiérarchie entre les délits et les crimes : "Il est très difficile d’avoir une idée précise de l’importance des vols d’oeuvres d’art dans le monde et il est peu probable que des statistiques précises soient un jour disponibles. Les statistiques nationales ont souvent pour base les circonstances du vol (vol simple, vol avec effraction, vol à main armée…) plutôt que la nature des objets volés".

La France, qui figure en tête du sinistre palmarès des pays pillés – avec l’Italie, l’Allemagne et la Russie –, dispose d’une entité de recherche spécialisée dénommée Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC). En 2006, près de 6 000 vols ont été répertoriés, pour un total d’objets à multiplier par cinq.  »

© Editions First

Vidéo d’Emmanuel Pierrat réalisée par Olivier Bailly


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12 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 13 juin 2008 13:21

    Il est vrai que lorsque l’on visite un musée (prenons le cas actuellement sur l’exposition du Petit Palais) il existe tellement de richesses sous-estimées par le citoyen de base qu’on image pas les richesses que cela peut rapporter à des ripoux,qui détournent des biens pour les vendre ou les garder chez eux

     


    • Traroth Traroth 13 juin 2008 13:38

      D’accord avec vous, Lerma. Un exemple précis : un morceau de tapisserie Nazca à franges anthropomorphiques, qu’on trouve au musée du quai Branly, où il n’est pas particulièrement mis en valeur, alors qu’il s’agit d’une vraie merveile.

      Rappelons que ces tapisseries ont des franges en forme d’homme, en trois dimension, et que chaque frange est unique. C’est vraiment de toute beauté.



    • Z Z 13 juin 2008 14:19

      "Rappelons que ces tapisseries ont des franges en forme d’homme"

      Ben oui, vous l’avez dit dans la phrase précédente : "franges anthropomorphiques". (D’ailleurs, "anthropomorphes" serait plus correct.)

      Vous êtes donc passible de délit de pédanterie et de condescendance, puisque vous utilisez consciemment un mot que vous estimez trop compliqué pour être compris par le commun des mortels, à tel point que vous vous sentez obligé de l’expliquer par périphrase quelques lignes plus loin .

       Au bûcher !


    • Traroth Traroth 13 juin 2008 14:21

      Et ta soeur, elle est condescendante ?


    • Z Z 13 juin 2008 14:28

      Traroth, le commentateur susceptible qui en moins d’une minute :

      - répond avec agressivité à un commentaire qui met le doigt sur un de ses petits défauts

      - moinsse ce commentaire

      - se plusse son propre commentaire...

       

      Et qui dans son profil fournit une belle répartie face à son propre comportement :

      " Quand on me moinsse sans me contredire, je ressens toujours un sentiment de triomphe : encore quelqu’un qui ne sait pas quoi répondre et qui montre sa mesquinerie. Je ne sais pas qui c’est, mais lui, il sait qu’il l’a fait, et a dû ressentir, en me moinssant tout en décidant de ne rien répondre, un sentiment de frustration et de défaite, peut-être fugace, mais bien réel."

       

      Bonjour l’humour, bonjour la capacité de remise en cause et d’autodérision...


    • Traroth Traroth 13 juin 2008 15:22

      Désolé, mais je n’ai pas le temps de discuter de futilité et votre opinion à mon endroit m’indiffère. Bonne journée.


    • Tartiflette Tartiflette 25 juin 2008 13:04

      A l’attention de Z :

      "...puisque vous utilisez consciemment un mot que vous estimez trop compliqué pour être compris par le commun des mortels,..."

       

      Je crois qu’il a voulu expliquer un mot qui ne figure pas dans le vocabulaire de tout un chacun. Ce qui évite de plonger dans le dictionnaire, ce qui n’est pas non plus à la portée de tout le monde, non plus.

       

      Il n’est pas constructif d’intenter des procès aux intentions qui n’existent pas.


    • Traroth Traroth 13 juin 2008 13:36

      Rappelons quand même que le législateur a prévu une barrière de sécurité : le rôle du conservateur est justement d’assurer la pérénité du fond du musée. Bon, évidemment, quand c’est le conservateur qui pille le musée, rien ne va plus.


      • Lapa Lapa 13 juin 2008 13:50

        pourquoi un titre anglais ? voilà déjà la première chose qui m’interpelle dans ce livre...


        • Allain Jules Allain Jules 13 juin 2008 15:42

          Comme le disait un penseur, lorsqu’on a tout perdu, il ne nous reste que la culture. Or, l’art fait partir de la culture. Si tout est pillé alors, il ne nous restera plus rien. Quel dommage !

          Allain Jules


          • Bof 13 juin 2008 20:41

            pillage des musées ,....normal quand on a encaissé le pillage de nos entreprises nationalisées !

            Le mensonge est la base même de notre société et avec lui les autres défauts arrivent . Je rapproche ceci de nos spéculateurs de diplômes qui restent bien à l’abri dans leur beau bureau bien confortable avec comme seul préoccupation le départ en week-end....or, les oeuvres d’art sont dans des salles et il faudrait qu’ils se lèvent les pauvres spéculateurs de diplômes, et la retraite est à plus de 25 ans....

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