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Accueil du site > Tribune Libre > 12 years a slave : le « Midnight Express » de l’esclavage

12 years a slave : le « Midnight Express » de l’esclavage

 « Aucun homme n’a été objet et témoin de l’injure comme l'homme noir ! »

 

 

    "12 years a slave", film de Steve McQueen, est l'adaptation de l'autobiographie Douze ans d'esclavage de Solomon Northup (1853), qui retrace l'histoire véridique d'un homme libre afro-américain enlevé et vendu comme esclave dans une plantation de la Louisiane.

 

***

 

 Pendaisons et séances de coups de fouet à tous les étages et à tous les coins des marais du Bayou, "12 years a slave", si l'on n'y prête pas garde, pourrait très bien s'apparenter à une sorte d’anthologie - catalogue ou compilation -, de tout ce que l'on peut infliger comme sévices et conditions d’existence à un être humain, homme et femme confondus, sur lequel on exercerait un droit de vie et de mort, à une époque favorable comme aucune autre : nous sommes aux Etats-Unis, à la moitié du XIXe siècle, dans l’Etat de Louisiane, là où tous les coups sont encore permis sur une population d'esclaves d'origine africaine... et ce, bien que nous soyons à quelques années de l’abolition de l’esclavage ; en effet, il prendra fin, dans les textes du moins, en 1865.

 

On aura tôt fait de classer ce film dans la catégorie « gore » avant de se lasser et de quitter son fauteuil après une heure quinze de coups de fouets, de pendaisons, d’engueulades entre époux négriers, maîtres et esclaves… et alors que nous étions pourtant plein de bonne volonté et patients.

 

Son (un musique omniprésente et vulgaire : cad – sirupeuse), image, dialogue, mise en scène… Steve McQueen semble incapable de nous dire, à de rares, trop rares exceptions près, quoi que ce soit qui ne nous ait pas déjà été dit au cinéma et ailleurs à propos de cette catastrophe humaine.

Sans doute le cinéma et la fiction sont-ils bien en peine de rendre compte de l’esclavage comme il est bien incapable de nous parler des génocides juif, rwandais, cambodgien (Rithy Panh ne s’y est pas trompé en choisissant une autre forme d’expression, d’enquête et d’exposition historique), ou le génocide du Timor-Oriental : le pathétique de ces fictions-réalité sans surprise, multirécidivistes, scènes et dialogues confondus, filmées mille fois, étant le lot commun et le pain quotidien de mélodrames mémoriels interchangeables à souhait.

 

 Avec le livre et l’écrit… confessions et témoignages, finalement, seul le documentaire semble approprié pour traiter les catastrophes humaines… un peu à l’image de ce que Lanzmann a pu faire avec le génocide juif, du moins… en ce qui concerne sa durée (un documentaire de dix heures - 1) car pour le reste, ce documentaire qui ne nous apprend rien – des auteurs l'auront précédés de très loin et nous auront amplement informés - n’est guère qu’un procès d’intention fait à tout un Peuple, à toute une Nation, à tout un Pays : la Pologne. Pays, Peuple et Nation crucifiés... si jamais il y eut en Europe un seul pays martyr.

 

A la recherche d'un modèle, on penchera alors plutôt pour le travail d'un Rithy Panh à propos du génocide cambodgien ; travail artistique et métaphysique.

 

***

 

  Force est de conclure que "12 years a slave" aurait très bien pu être tourné par nombre de réalisateurs tâcherons d'Hollywood,, aussi, McQueen ferait bien de retourner au plus vite à un cinéma pour les “few”, « happy few » qui plus est… cinéma d’art et d’essai, cinéma d’auteur – appelons-le comme vous voulez ! -, car c’est bien de ça dont le cinéma a besoin aujourd’hui : d’exception et d’excellence.

 

 

1 - L'humoriste Dieudonné avait un projet à ce sujet - projet de documentaire -, mais n'a jamais pu trouver les financements. Peut—être qu'un jour, quelqu'un quelque part...

__________________

 

Pour prolonger, cliquez : Stanislas Spero Adotevi : Césaire, Senghor et l'Afrique

 


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7 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 30 janvier 2014 10:27

    Vous vous trompez....dans les pays de l’est des millions de personnes ont été déplacé dans de jolis camps de la mort et ça continu de nos jours...Leur nombre dépasse de loin celui de l’esclavage des noirs...C’est une réalité.


    • claude-michel claude-michel 30 janvier 2014 11:49

      Oupssss...des révisionnistes de l’histoire.. ?


    • Serge ULESKI Serge ULESKI 31 janvier 2014 03:04

      ? ????

      De quoi parlez-vous ?


    • reprendrelamain reprendrelamain 30 janvier 2014 11:34

      J’ai vu le film et moi aussi j’ai été déçu par la façon de traiter le sujet de l’esclavage.
      Une question me taraude depuis longtemps et je n’ai pas de réponse à ce jour, comment tous ces esclaves arrivés d’Afrique on pu se convertir au Christianisme et ainsi embrasser la religion de leurs « maîtres » ? Cela me parait ahurissant et incompréhensible mais il doit y avoir une explication...


      • Memphis 15 mai 2014 19:59

         Tout d’abord beaucoup de tribus et peuples d’Afrique comme les Kongos (du royaume Kongos), contrairement à la vision des peuples des forêts animistes voulus par les occidentaux, croyaient en un dieu unique (Nzambi) et une division du monde en dimension spirituel et matériel comme dans le christianisme. De plus le symbole de croix est également présent.
        Aussi, concernant l’esclavage, beaucoup de noirs ont fait le rapprochement entre leur servitude et celle du peuple hébreux par les Égyptiens dans l’ancien testament. Enfin, le Christianisme est la religion de l’espoir car tous seront jugés par Dieu selon leur cœur et selon leurs œuvres. Les noirs ont bien distingués les valeurs de la religion chrétienne (le message de Jésus) et la méchanceté des hommes esclavagistes qui se disaient chrétiens. Il ne suffit pas de se dire chrétien, il faut agir en chrétien pour plaire à Dieu. On reconnait un arbre aux fruits qu’ils donnent : un mauvais arbre donne des mauvais fruits, un bon arbre donne des mauvais fruits. En somme, la traite négrière est d’inspiration satanique et, en aucun cas, quelque chose de chrétien.


      • Karol Karol 3 février 2014 14:55

        Bonjour Serge,

        Merci pour votre point de vue que je partage.

        Je n’ai pas réussi à aimer ce film. Le réalisateur accompli le tour de force de rendre invraisemblable cette dénonciation de l’esclavage et de la violence envers les esclaves à partir d’’une histoire pourtant bien réelle. Trop de longueurs et de gros plans qui rendent les scènes de violence obscènes. L’histoire tragique du personnage principal n’est pas bien introduite historiquement. Les scènes se succèdent sans être réellement traitées. Par exemple, je me demande toujours ce que font ces indiens qui apparaissent au beau milieu de la forêt ? Bref un film sans nuance et manichéen du niveau d’un bon feuilleton télévisé .


        • Serge ULESKI Serge ULESKI 3 février 2014 18:23

          Car les Anglo-saxons savent montrer mais ils ne savent pas « être » : ils ne savent pas incarner sans doute à cause d’une culture trop manichéenne. Ce qui explique qu’un Spielberg puisse penser qu’il peut passer des « dents de la mer » à « La Liste de Schindler » ; il fera finalement le même film avec pour souci majeur : le retour sur investissement.

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