Anecdotes estivales
L’actualité ne manque pas de sujets importants ni d’affaire Boeurk en cours et les catastrophes ne font pas vacances, mais une pose s’impose à l’activité neuronale de ceux qui restent chez eux, vigilants malgré tout. J’en profite donc pour un peu plus me dévoiler comme ces touristes nus face au dieu soleil sur le sable de la plage abandonnée. Je n’ai pas la grande habitude de raconter ma vie sur le net considérant que quand on commence sur cette voie, c’est bien qu’elle est sur la voie d’être bientôt finie. Par contre, j’aime à raconter souvent ces petits moments magiques dont chacun d’eux recèle une petite leçon d’éternité, une petite pépite d’or massif intemporelle. Les inscrire sur un support matériel présente l’avantage de les rendre immortelles en réponse aux paroles qui bien souvent, s’envolent. Ils ne sont nullement dus à ma formidable intuition légendaire, ni à ce don extraordinaire qui anime l’essentiel de ma magnifique vie, mais juste à une certaine acuité à regarder où je mets les pieds et le hasard d’avoir pu être au bon endroit au bon moment, tout simplement.
Un jour, barman saisonnier sur l’île du Frioul, face à Marseille, je déjeune vite fait pour aller arpenter la roche sous un soleil radieux une petite demie heure. Je grimpe comme un dixième de chamois les trente mètres de dénivelé et m’aperçois qu’en haut, juste derrière, plonge à pic la falaise. Un sentier la suit et je m’engage tranquillement entre la mer d’un bleu vert qui s’approfondit avec les fonds et les mouettes qui me survolent en claquesonnant. Un bloc énorme comme un immeuble s’engage sur une vingtaine de mètres vers le large et plonge tout droit sous l’eau, dévoilant un dégradé de valeurs tout à fait magnifique.
Un groupe diffus de mouettes se font insistantes et m’obligent à lever les yeux vers elles. En effet, elles tournent toutes autour de moi dans un ordre bien précis. L’une d’elles, la plus costaude me fond dessus en piqué concentré, et ouvre brutalement ses ailes à trois mètres de moi dans un claquement qui me fait m’arrêter net. A chacun de ses passages, je peux la voir de très près et ai le temps de me rendre compte qu’il lui manque un certain nombre de ses plus belles plumes aux ailes. J’observe le manège qui se poursuit à un rythme de plus en plus criant une minute, à l’arrêt, et quand je repose les yeux sur le sentier pour repartir, j’aperçois la raison de ce manège inquiétant. Une petite mouette qui ne sait pas encore voler est là, debout devant moi à cinq mètres, et me regarde sans aucune peur et sans bouger. Je la regarde encore dix secondes, puis tourne les talons et m’en retourne à mes occupations.
C’est plus tard que je me suis rendu compte que cette mouette courageuse, qui perdait ses plus belles plumes dans les combats, était là dans sa famille, pour protéger les progénitures, et assurer la sécurité des lieux. Chez les humains, certains religieux compris, ces édentés qui ont perdu quelques plumes, on les rejette dans les rues sous des cartons...surement pour mieux manger leurs sœurs ou enfants !
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Plus tard, lorsque mon père tenta pour la dernière fois de me convertir au catholicisme pratiquant et m’invita à l’accompagner à une retraite en séminaire intégriste, j’acceptais à reculons cette semaine de prison sans savoir. Nous nous trouvions trois heures le matin et l’après midi, enfermés dans une salle derrière des rideaux laissant entrevoir que dehors il faisait un temps superbe, à nous faire autant sermonner qu’engueuler et même culpabiliser, tout ça parce que Jésus Christ avait souffert pour nous il y a deux mille ans.
Tous les jours à la fin du repas, je faisais ma pause et fumais ma cigarette, assis sur la dernière des six marches du château fin dix neuvième début vingtième. Lundi mardi et mercredi, le même spectacle s’offrait à moi. Dix mètres devant son maitre gambadait allègrement un petit chien vers le potager que suivait tranquille, l’outil sur l’épaule, le jardinier, avec dix mètres derrière lui, un vieille chienne semblant être la mère, voire la grand mère du premier. Le jeudi, je me pose contre le grand chêne à coté duquel passent dans l’ordre nos sujets distinctifs, je fais coucou au jeune chien, salue le paysan, et arrête sans aucune difficultés la vieille chienne haletante pour la caresser. J’ai trouvé sur son dos et autour de son cou une vingtaine de tiques grosses comme la première phalange de mon petit doigt. J’ai fait un trou au pied du chêne, les ai arrachées en douceur et entières, puis ai rebouché le trou avant de filer une dernière tape au cul de la bête lui souhaitant bonne chance. Le lendemain, quelle ne fut pas ma joie intérieure de la voir courir allègrement aux cotés de son frère.
Il m’a été facile après, à qui me demandait de me justifier dans ma logique interne personnelle et réfractaire, de faire remarquer que rien ne sert de s’apitoyer sur le sort d’un homme mort il y a deux mille ans si l’on arrive même pas à voir la souffrance quotidienne qui sévit là, sous notre nez, et tous les jours, y compris dans l’enceinte même de ce rendez vous des catholiques les plus puritains.
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Dans trois autres cas, beaucoup moins spirituels, j’ai vraiment pris mon pied. J’avais à l’époque une AMI Super, cette Citröen de base break, mais le modèle haut de gamme, dans laquelle j’avais monté un moteur deux fois plus gros que l’original bas de gamme à laquelle elle ressemblait en tous points. J’avais même rajouté trois option sur sa face qui la rendait complètement méconnaissable. Un gros pare-choc plastique d’un autre modèle de la même marque englobant la calandre à moitié rebouchée dans une ouïe inconnue au bataillon, quatre phares ronds dans les larges chromes, et deux jantes larges à l’avant lui donnant un air de ne pas s’y tromper. Mais de dos, rien n’annonçait le subterfuge. Un jour, après avoir suivi un représentant de commerce qui blindait sur deux cents kilomètres de nationale 7 avec sa voiture de fonction deux litres diésel, pour arriver le premier et signer le contrat, j’ai fini par le doubler alors qu’il se relâchait. Quelle ne dut pas être sa déconvenue de constater qu’avec le dernier modèle neuf de marque renaultmée, il n’arrivait pas malgré tous ses efforts, et même en enfreignant au delà des limites imposées par la loi, à déposer une simple trois chevaux.
A la fin d’une vendange en sortant du bar où nous avions bu un seul verre de l’amitié ensemble, j’eus la bonne idée de partir le premier sur cette route qui longe la rivière sur sept kilomètres avec ma vieille bx soixante quinze chevaux diésel de quinze ans d’age. Aucun de toute l’équipe qui me suivait, tous avec leur voiture kitées ou turbo diésel neuves, n’a eu l’audace de me doubler sur ce magnifique billard sinueux à souhait tellement ce modèle entre mes mains affirmait une tenue de route exemplaire et une vivacité absolument redoutable. Fort heureusement, aucun d’entre eux n’était flic dans le civil.
Mais la meilleure a été en deux chevaux sur la route avant la Grande Combe après Alès. En passant devant le garage Fiat, deux modèles neufs attendaient la voie libre pour se payer une course sur les dix kilomètres qui longent une autre rivière toute aussi sinueuse. Bien mal leur en a pris de passer derrière nous et de ne pas avoir eu l’idée de nous doubler avant l’entrée du premier virage. C’est d’ailleurs dans celui ci qu’ils se sont fait tous les deux la plus grande peur en tentant de nous imiter, ils sortirent mordant complètement la ligne blanche continue. Mal leur en prit d’essayer de nous doubler car ils n’y arrivèrent pas sur les dix kilomètres suivants, nous rattrapant dans chaque portion de ligne droite mais trop courte, mais nous perdant dans les enfilades que notre véhicule léger nous permettait bien de franchir absolument à fond. Malheureusement pour eux, ils étaient dotés de moteurs deux et plus fois plus gros, mais dans des caisses deux et moins fois plus lourdes et pataudes.
Comme quoi, disait Desproges avec fort raison, « à quoi servent deux cents chevaux s’il n’y a qu’un âne au volant », et d’où cette sentence redoutable et composée de La Fontaine, Rien ne sert de courir, il faut partir à point et surtout pas derrière un plus petit que soi, surtout s’il est adroit et encore plus malin.
Bonne vacances à tous et n’oubliez pas de rester prudent.
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